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Halo Waypoint Chronicles – L’Âge de la rétribution

Bienvenue pour cette quatorzième rediffusion des traductions des Waypoint Chronicles. Ces histoires courtes régulièrement partagées sur le site officiel Halo Waypoint ont été traduites en texte et en livre audio sous-titré par le WikiHalo. Notre précédente histoire était Sonate vénézienne.

L’Âge de la rétribution est une plongée nostalgique dans le passé de Halo, avec un scénario fortement lié à la mission « La révolte » de Halo 2. Nous recommandons vivement de rejouer à cette mission avant de lire cette histoire, afin de bien comprendre ses allusions.


NOTE HISTORIQUE

Halo : L’Âge de la Rétribution se déroule le 3 novembre 2552, après que le Major ait assassiné le Prophète du Regret sur le Halo Delta.

UN SURPLOMB AU-DESSUS DE LA CHAMBRE DE LA CONSÉCRATION, HALO DELTA
3 NOVEMBRE 2552

« Le Haut Prophète est mort. »

Ce devait être la sixième fois qu’il entendait Onsu ‘Valonro murmurer ces mots en autant d’unités de temps, mais la révérence, la tristesse et la stupéfaction dont ils étaient imprégnés étaient les mêmes que lorsque le garde d’honneur leur avait annoncé la nouvelle pour la première fois.

L’impensable s’était propagé comme une traînée de poudre dans les rangs des Covenants. Non seulement le Démon était parmi eux, mais il avait assassiné le Prophète du Regret lui-même. Pire encore, le Prophète de la Vérité avait ordonné, afin d’éliminer le Démon, que le Solemn Penance fasse rugir son feu purificateur contre le temple de Regret. Une telle désécration d’un site sacré relevait de l’hérésie, mais trop de choses étaient arrivées en même temps pour qu’une réponse digne et diligente soit possible.

À cette indignité s’ajoutait l’accusation qu’il s’agissait de notre faute, que l’intégralité des Sangheilis avait été incapable de protéger Regret. Un brutal vent de changement soufflait dans l’Alliance Covenante, et les devoirs de la garde d’honneur étaient retirés à notre peuple et donnés aux Jiralhanaes. Ces brutes n’étaient encore que de nouveaux venus dans l’Alliance, mais avaient récemment reçu de nombreuses faveurs, leur valant aujourd’hui une position autrefois consacrée dans l’histoire de notre peuple.

Quatorze d’entre nous, moi-même, le conseiller, le garde d’honneur et onze autres parmi les rangs mineurs, s’étaient rassemblés près de la chambre de la consécration de l’anneau sacré, où le haut conseiller ‘Yajadai souhaitait que nous trouvions nos marques dans cette tempête de changements.

Sur ordre de ‘Yajadai, j’avais la charge de veiller sur le garde d’honneur tant qu’il était pris de chagrin. Je n’aimais guère ce devoir, mais n’étant qu’un soldat de bas rang se trouvant en compagnie de gens si estimés, il n’était pas ma place de refuser ou m’en plaindre. Je me contentais de l’espoir que ce service me serait rendu en faveurs.

« Souvenez-vous des mots divins, » déclara ‘Yajadai. « Portez le Psaume Douloureux dans vos cœurs. »

Ceux qui sont venus ne sont plus
Ceux qui ont laissé leur sagesse
Là-bas auront trouvé leurs places
Et de là-bas leur lumière choit
Nos piètres vies sont nos prisons
Sombres et froides tel l’espace
Mais leur lumière sacrée nous appelle
Comme leur dernier legs, leur grâce.

Ces mots, murmurés en prière, sublimèrent notre chagrin et apaisèrent nos esprits. Nous restâmes encore un peu dans la clairière surplombant la chambre de la consécration, un immense cloitre sphérique engoncé dans les pylônes et contreforts aux angles distinctifs qui définissaient l’architecture forerunner. La structure s’élevait au-dessus d’une mer qui s’étendait jusqu’à l’horizon, où des rais de lumière dorée perçaient des nuages annonçant l’orage.

Nous étions entourés de formations rocheuses couvertes de lichens et de mousses. Un sentier serpentait plus haut vers une porte forerunner percée dans la roche, s’ouvrant sur un chemin courbé vers les falaises surplombant cette majestueuse machine divine, un réacteur sacré que nous avions l’honneur de fouler du pied.

C’est la voix d’Onsu ‘Valonro qui brisa enfin notre silence contemplatif. Le garde d’honneur s’écria : « Nous qui marchons sur la Voie pour t’honorer, Haut Prophète, lumière qui guide les fidèles, nous portons tes mots, ta sagesse, et ton courage. Que ton nom soit prononcé avec révérence par les seigneurs sacrés du firmament, et soit répété dans les espaces inférieurs, dans les Halls de l’éternité. »

Entendant cela, le haut conseiller ‘Yajadai m’adressa un signe de tête, indiquant que j’avais accompli mon devoir. Par quels moyens, cela m’échappait.

« Que faisons-nous à présent ? » demandais-je. Il aurait pu être considéré comme inapproprié pour un soldat de bas rang de parler de sa propre initiative à ce moment, mais le conseiller ne s’offusqua pas de mon insolence.

« Il faut tenir un vote pour élire un nouveau hiérarque, » expliqua ‘Yajadai. « Le Grand Voyage ne peut commencer si le triumvirat est incomplet. Je ne sais pas encore si mes camarades conseillers et moi-même seront rappelés sur Grande Bonté, ou si l’élection se fera sur le sol de l’anneau sacré. »

« Et il est impératif que le successeur de Regret soit un allié des Sangheilis, » interjecta ‘Valonro, qui avait suivi la conversation après avoir recouvré pleinement ses esprits.

« Pourquoi cela ? » demandais-je.

Le garde d’honneur émit involontairement un son, mais ‘Yajadai parla avant que ‘Valonro n’ait pu formuler une réponse dédaigneuse.

« Jeune guerrier, c’est parce que, si bénis soient les hiérarques, le Prophète de la Vérité est un réformiste convaincu. Comme tu as pu le voir, il distribue librement des faveurs aux Jiralhanaes. Pitié est un médiateur, il maintenait la paix entre Vérité et Regret, mais pour tous ses conseils avisés, il est plus préoccupé par les sujets spirituels que par la politique qui dirige de notre Alliance. Le Changement de la garde est une menace pour notre position consacrée. »

Ces mots me paraissaient étranges. On m’avait appris que l’Alliance Covenante était une entité unique et indivisible sous les ordres des Prophètes. Leur volonté guidait les Sangheilis, et nous les servions comme protecteurs et agents de la voie vers la transcendance. Tel était écrit dans le Traité de l’Union.

Mais à présent…

La notion qu’il y eut une dissonance entre les hiérarques, voir un désaccord, était une mauvaise surprise. N’ayant que relativement récemment rejoint les armées de l’Alliance, et n’ayant pour seule expérience de combat que l’entraînement dans les dômes de chasse, j’avais de toute évidence encore beaucoup à apprendre à propos de nos seigneurs. J’aurais voulu demander l’avis des autres guerriers de notre groupe, mais ils étaient partis en patrouille et n’avaient soit pas entendus les mots du conseiller, soit les avaient ignorés.

‘Yajadai se redressa, entendant une transmission entrante. Il pressa un bouton sur l’interface de son gantelet et projeta l’hologramme d’un San’Shyuum. Puisque le conseiller et le garde d’honneur se tirent immédiatement au garde-à-vous, je concluais qu’il s’agissait d’un personnage de haute importance.

« Entendez mes mots, les mots du Prophète de l’Exquise dévotion. »

D’un coup d’œil sur ma droite, je percevais la tension qui habitait ‘Yajadai, ses mandibules raidies par l’effort de contenir la réaction qu’il voulait réellement montrer.

« C’est aujourd’hui un jour béni pour notre Alliance, alors que nous nous tenons aux portes de la destination du Grand Voyage. Hélas, le départ du Haut Prophète du Regret demande l’élection d’un nouveau hiérarque. C’est pourquoi tous les Conseillers sangheilis doivent se rendre à la chambre de la consécration. Hâtez-vous, hâtez-vous, car ceux qui tardent sur la fin du chemin seront abandonnés. »

À peine la transmission terminée, mes camarades sangheilis se préparèrent immédiatement à partir.

« Frères, » adressa ‘Yajadai à tout notre groupe. « Suivez mes pas. Nous nous rendons au cœur de l’anneau sacré ! »

Les autres acquiescèrent par un grondement avant de former une file derrière le conseiller et le garde d’honneur. Quelle chance nous avions d’avoir rejoint l’Alliance avant ce moment. Malgré l’anxiété du changement, nous allions bientôt honorer le sang versé par nos prédécesseurs et accomplir l’objectif des Covenants.

Nous contournâmes le rocher séparant la clairière du sentier sinueux menant vers la porte forerunner, elle-même haute comme deux ou trois Sangheilis.

La porte s’ouvrit à notre approche, révélant une scène des plus désagréables.

Il se tenait à presque 2,5 mètres de haut, avec une barbe gris clair maintenue par un nœud, soulignant un sourire narquois encadré par des défenses effilées. Son armure était pourpre, avec des accents d’ivoire, et ses yeux… On aurait pu croire qu’il était aveugle, mais ses yeux n’étaient pas d’un blanc laiteux, mais d’un rouge vif. Dans une de ses mains armurées, il tenait un lance-mort d’un air relaxé. Sa baïonnette courbe était tachée d’un sang sombre.

Il était entouré de son propre groupe de Jiralhanaes. Deux d’entre eux portaient les armures de la garde d’honneur, les quatre autres le casque basique, les épaulières, le harnais d’armes et les grèves primitives typiques des soldats de bas rang qui ne seraient sans cela couverts que par leur épaisse fourrure brune.

« Que faites-vous ici ? » Le haut conseiller ‘Yajadai s’avança pour se placer devant ‘Valonro et le reste de notre groupe.

Le chef jiralhanae renifla l’air d’un air appuyé, ses yeux scrutateurs nous inspectant comme s’il jugeait une proie.

« Nous sommes votre escorte, conseiller, » répondit-il.

« Ce n’est pas nécessaire, Purgateur, » répondit immédiatement ‘Yajadai d’un ton sec. « Comme tu le vois, j’ai déjà une escorte en grand nombre. »

Le Purgateur, dont le sourire s’était élargi en entendant ‘Yajadai l’appeler par son titre, se tourna vers ‘Valonro, toisant le garde d’honneur. « Celui-ci semble porter une armure qui ne lui appartient plus, » déclara-t-il avec une moue avant de faire signe à sa cohorte. « Nous ne partirons pas avant d’avoir honoré la volonté des Prophètes à ce sujet. »

« Je suis Onsu ‘Valonro, garde d’honneur du Prophète du Regret et de la Flotte de la Consécration sacrée, » annonça ‘Valonro en crachant au sol. « Si un jir’a’ul veut cette armure, qu’il vienne me la prendre. »

Un silence pesant s’installa, la tension grimpant alors que chacun calculait le choix de son meneur respectif. Je n’avais jamais envisagé la possibilité d’un jour combattre des alliés covenants. Notre ennemi sur cet anneau était censé être les humains.

Mais en regardant le Purgateur et ses sbires, je pouvais le voir dans leurs yeux. L’anticipation, la soif, même, de violence.

« Sa lame ! » appela un des Sangheilis près de ‘Yajadai. « Regardez sa lame. »

Un reflet brilla sur la tache sombre sur la baïonnette du Purgateur, qu’il tenait sur sa hanche. Ce n’était pas le sang rouge d’un humain, mais un sang violet sombre. Le sang des nôtres.

Avant que nous ne puissions réagir, le Purgateur et ses sbires ouvrirent le feu avec leurs lance-mort, brisant les boucliers énergétiques de deux camarades. Je vis avec horreur les explosifs ouvrir leurs abdomens. Le sang éclaboussa le sol, mes boucliers brillèrent quelques instants sous l’impact de shrapnels et de morceaux d’os, et les premières explosions projetèrent leurs deux victimes en arrière. Morts avant même que leurs corps n’aient touché le sol.

J’empoignais mon fusil à plasma, tout en battant en retraite avec quatre de mes camarades. Nous n’étions pas des guerriers vétérans. Je savais qu’un des nôtres était un scribe qu’on avait forcé à servir pour un cycle annuel après une offense contre son ministre, et un autre était connu pour savoir interpréter et traduire la langue des Huragoks. Il n’y avait rien de honteux ou de déshonorant pour ces Sangheilis à l’esprit plus tendre, car la force peut découler de nombreux affluents, mais face à un tel excès de violence, nous n’avions que peu de chances.

La tactique et la coordination des Jiralhanaes étaient bien différentes du manque d’intelligence que les Sangheilis leur assignaient. Trois d’entre eux restaient en arrière, prodiguant des tirs de couverture avec les lance-grenades, pendant que les autres chargeaient à quatre pattes. Ils bondirent sur nous à une vitesse fulgurante, et mon instinct prit le contrôle pour enfin faire usage de mon arme.

Des tirs de plasma surchauffé frappèrent un des Jiralhanaes, brûlant sa fourrure, mais malgré ses cris de douleur et l’odeur âcre qui emplit l’air, il continuait de charger.

Onsu ‘Valonro nous rejoignit, son épée à énergie dégainée pour nous protéger à courte distance.

« Soutenez le feu ! » tonna le garde d’honneur. « Concentrez vos attaques sur une seule cible. »

Un des Jiralhanaes bondit dans les airs et ‘Valonro le frappa de son épée tout en se retirant hors de portée. Les deux pointes tranchèrent la bête de la taille jusqu’au pied. La blessure n’était pas létale, mais suffisante pour que la Brute s’effondre au sol, se tordant et hurlant d’agonie.

Nous continuâmes notre retraite vers la zone centrale où se trouvait notre camp temporaire, ainsi que de grands rochers qui nous serviraient de protection contre les grenadiers tirant depuis leurs hauteurs.

Tout en reculant, j’apercevais le haut conseiller ‘Yajadai, combattant le Purgateur lui-même en duel. La lame de ‘Yajadai tomba sur l’arme du chef jiralhanae, la coupant en deux, mais ce mouvement le laissa temporairement vulnérable, donnant au Purgateur un avantage dont il tira parti avec un puissant coup de poing au visage de ‘Yajadai, faisant tomber au sol le Haut Conseiller et sa grande coiffe, son épée lui échappant des mains.

« J’ai le conseiller, » rugit le Purgateur, victorieux. « Tuez les autres et regroupez-vous au bastion. »

Ce fut la dernière fois que je vis le haut conseiller ‘Yajadai. Le Purgateur le tira à travers la porte et hors de vue, laissant seuls les neuf d’entre nous.

« Guerriers, » appelant ‘Valonro. « Préparez-vous à– »

L’ordre du garde d’honneur fut interrompu quand le Jiralhanae qu’il avait mortellement blessé usa de ses dernières forces pour sauter sur son dos. Le poids conséquent de la bête tira aisément le Sangeili en arrière. Nous visâmes avec nos armes, mais ne pouvions pas tirer. Dans leur lutte acharnée, aucun d’entre nous ne pouvait tirer sans blesser aussi ‘Valonro.

Nous ne pouvions que regarder avec horreur la créature blessée réaliser son plan. Il était trop tard pour agir et essayer de l’en empêcher, de nouveaux explosifs de lance-grenades frappèrent les rochers et le sol autour de nous.

‘Valonro tenta de planter ses bottes dans le sol afin d’empêcher l’ennemi de le tirer encore vers l’arrière, mais un Jiralhanae blessé pouvait, peut-être encore plus que tout autre, puiser dans d’immenses réserves de force. C’est cette force qu’il employa pour tirer le garde d’honneur vers le bord de la falaise surplombant la chambre de la consécration, vers une chute fatale pour eux deux.

Le Jiralhanae, dont le bas du corps était couvert de sang, n’hésita pas un instant avant de se jeter dans le vide, emportant ‘Valonro.

Nous ne pouvions ni réagir ni le pleurer, nous n’avons le temps que de trouver un moyen de survivre. Nous autres survivants étions en état de siège.

En m’agenouillant, mon pied toucha un objet, et je réalisais que l’épée de ‘Valonro était à mes côtés. Je la ramassais alors que deux Jiralhanaes chargeaient notre position, inversant leur prise sur leurs lance-grenades pour nous attaquer avec leurs baïonnettes.

Quatre d’entre nous quittèrent leurs couvertures dans différentes directions, espérant présenter trop de cibles pour que les grenadiers ne sachent où tirer, mais un Jiralhanae sur une hauteur interpréta la tactique comme un défi et intensifia ses tirs. Le sol et la pierre explosèrent sous les impacts, et j’entendis des cris que je ne pouvais compter alors que les tirs faisaient mouche.

Tenant mon fusil à plasma d’une main, j’activais l’épée à énergie de ‘Valonro dans l’autre, tout en reculant devant l’approche des deux Jiralhanaes. Leur attention était fixée sur moi, et j’espérais donner le temps aux autres de fuir.

Je perdis de vue mes camarades en contournant une paroi rocheuse. Je gardais les yeux sur les deux Jiralhanaes, dont l’expression était insondable. Contrairement au Purgateur, qui semblait se repaître de la joie de la violence inévitable, ces ennemis semblaient sans émotion, comme si leur visage était un simple masque. Ils sentaient approcher la fin, ils sentaient ma peur, et craignaient ce que je pourrais faire avec la lame du garde d’honneur.

L’un deux fit un pas intimidant et je portais instinctivement un coup de lame pour l’éloigner. C’était précisément l’erreur qu’ils attendaient.

Le deuxième ennemi fondit sur moi une fois mon coup porté, me projetant contre le mur rocheux. Je sentis le fusil à plasma quitter ma main sous l’impact et le Jiralhanae le jeta hors de portée sur un promontoire périlleux.

Mon corps fut pris de douleur lorsque le Jiralhanae transperça mes côtes de sa baïonnette. Du sang lie-de-vin coula sur son arme lorsqu’il la retira de ma blessure, et je le sentis sur ma main lorsque je la couvris. La pression que j’exerçais ne fit rien pour réduire ma lente agonie.

Leur tâche accomplie, les Jiralhanaes ne daignèrent pas m’offrir une mort de guerrier. Ils tournèrent les talons et se retirèrent, prêts à achever ceux qui survivaient encore.

Je ne pouvais plus rien faire pour les arrêter. Je ne pus que les voir disparaître avant que le monde ne se torde devant mes yeux.

En m’effondrant au sol, je sentis mon attention se détourner des bruits des combats vers le paysage devant moi : la grande courbe de l’anneau sacré, Halo, s’élevait dans le ciel. De vastes continents parsemaient son océan, des rais de lumière divine perçaient les nuages qui obscurcissaient la forme de Grande Bonté. Si tel était mon destin de mourir ainsi de trahison, je mourrais au moins dans le royaume des dieux. Ce paradis verdoyant deviendrait ma tombe.

La limite de mon champ de vision devint sombre, noyant ce qui restait de ma conscience. Je me sentais tomber dans la nuit sans fin des Halls de l’éternité.

Alors je le vis.

Une sphère de lumière dorée apparut devant mes yeux. Un instant plus tard, quelqu’un en sortit.

Un guerrier sangheili portant une armure argentée.

L’Arbiter.

Il retrouva ses esprits, puis s’empara de mon fusil à plasma tombé sur le promontoire avant de m’approcher. Je le voyais alors clairement.

« Les Brutes nous ont trahis. » Je parvins à former ces mots avant que mes dernières forces ne me quittent. « Les Conseillers– »

L’Arbiter posa sa main sur moi et prit l’épée à énergie de ‘Valonro de ma main. Il activa la lame, ses deux pointes de plasma surchauffé prenant vie pour accomplir leur vengeance.

Mes dernières pensées furent dédiées au Psaume du repos, récité d’un ton doux de la voix de mon oncle, alors que les restes de ma conscience se souvenaient de son chant sur les côtes de la mer de Csurdon.

Les yeux vers le ciel et le sang vif
De nos mains, nos dûs sont pris
Joie et cris de guerre, domaines festifs
Les faibles par ces chants sont ourdis
Parmi nous marche le temps
La lame tranche, n’épargne personne
Mais nos foyers honorent nos morts
Dans le Hall, nos chants résonnent.

BASTION BRUTE, HALO DELTA
3 NOVEMBRE 2552

Les yeux du haut conseiller Raas ‘Yajadai s’ouvraient alors qu’il regagnait progressivement conscience. Ses bras étaient immobilisés de chaque côté par la poigne de guerriers jiralhanaes. On le traînait en avant. Il voyait ses pieds traînés sur un sol ornementé.

Dans le chaos et la confusion, ‘Yajadai réfléchit aux immenses implications de sa situation. Il avait combattu et versé le sang pour l’Alliance Covenante pendant des décennies, servi sur d’innombrables champs de bataille avant de rejoindre le Haut Conseil. Tous ces efforts pour se retrouver dans une telle position. Combien de générations l’avaient précédé ? Chacune avait prié pour atteindre un jour les couloirs de l’anneau sacré, pour être entourée de l’alliage sacré illuminé par les antiques torches, où résonne le grondement subtil de technologies arcanes.

Pourtant, au seuil de ce pour quoi lui et son espèce s’étaient battus, il ne ressentait que du doute et de l’appréhension. Rien de tout ça n’avait de sens, le monde était pieds par-dessus tête.

« Emmenez-le au niveau supérieur. »

L’ordre rugi par le Purgateur interrompit les ruminations de ‘Yajadai. Le conseiller entendit une lourde porte se fermer derrière lui alors que les Brutes le traînaient le long d’une rampe au centre d’une modeste antichambre. En haut de la rampe, ils se dirigèrent vers la gauche pour entrer dans une grande salle octogonale. Des alcôves étaient pratiquées dans les murs de la pièce. ‘Yajadai sentit la colère monter en lui en pensant à quels usages divins prévus par les architectes de l’anneau ces alcôves étaient dédiées, avant d’être à présent utilisées comme vulgaires cellules pour ceux qui s’étaient opposés aux manigances insipides des Jiralhanaes.

Le Purgateur pointa un doigt épais et hirsute vers une des cellules au fond de la pièce, au deuxième niveau. « Là. »

Les guerriers brutes tirèrent ‘Yajadai vers l’entrée de la cellule avant de le pousser sans cérémonie à l’intérieur, puis d’activer une barrière énergétique portative placée à l’entrée de l’alcôve. Les guerriers se retirèrent et le Purgateur prit leur place, contemplant le prisonnier d’un air supérieur avant de parler.

« N’est-ce pas là un signe de vos dieux ? »

« Un signe ? » demanda ‘Yajadai, confus.

« Que le Haut Prophète qui défendait la position de votre espèce soit le premier à tomber ? Les faibles doivent être éliminés pour que le Grand Voyage puisse commencer. » Le Purgateur sourit et grogna à travers ses défenses aiguisées. « Regret vous a abandonné. Et son titre vous habite maintenant. »

« Tu oses te moquer de la mort d’un Hiérarque ? » ‘Yajadai adressa un regard perçant à la bête. « C’est ainsi que les Brutes se considèrent comme dignes de la transcendance ? »

« Transcendance, » cracha le Purgateur d’un ton amer avant de produire un son sourd. « Une telle chose est grotesque. »

‘Yajadai fit claquer deux fois ses mandibules. « C’est peut-être ainsi. Mais nous vivons au moins dans l’honneur. Avec un but’. »

« Et quel but vous a apporté cet anneau ? »

« Je ne parle pas de l’anneau. » La voix de ‘Yajadai était moins forte mais plus directe. « Je parle de mes frères. De nos liens qui transcendent le devoir et le destin. »

« Vous ne savez rien de la fraternité, » répondit le Purgateur. « Ce n’est pas votre espèce qu’on envoyait sur les lignes de front, pour affaiblir les redoutes et la détermination des ennemis de l’empire. Vous n’avez pas vu vos frères verser tout leur sang au bénéfice d’innombrables mondes oubliés. Et quand leurs os devenaient le même verre que les corps de nos proies, vous n’avez pas vu d’autres s’accaparer un honneur qui ne leur revenait pas. Non, Conseiller. Notre ère a commencé. Et nous ne l’abandonnerons pas pour sauver ce que vous appelez honneur. »

Un silence pesa dans l’air quelques instants.

« Avitus. » ‘Yajadai utilisa le véritable nom du Jiralhanae avec un ton respectueux, subtil mais intentionnel. « Je t’ai vu servir. Je connais la douleur de saigner pour mes frères, et de voir mes mains tachées de leur sang. Mais réfléchis : vous ne faites pas partie du Grand Voyage de la manière dont vous le pensez. Les Prophètes peuvent vous abandonner comme ils ont abandonné les miens. Pour ce voyage, ils tiennent la barre. Et nous tenons les rames. »

Le vieux chef réfléchit à une réponse, mais leur échange fut interrompu par les sifflements d’un Kig-Yar qui entra dans la chambre par le niveau inférieur.

« Grand Purgateur ! » croassa le Rapace. « Aelius et Ignis reviennent. Ils amènent Lekgolo traître et nouveau conseiller pour questions. »

Le Purgateur réfléchit un instant avant de répondre. « Très bien, prépare de nouvelles cellules pour leur arrivée. »

Il se tourna de nouveau vers ‘Yajadai et le conseiller Sangheili parla.

« Médite sur mes mots, Avitus. Si ce n’est pour toi, alors pour le bien de tes camarades. »

Le Purgateur ricana. « C’est plutôt toi qui vas méditer. Au fond de ta cellule, il y a un fusil à plasma. Il représente un choix : accepte ton déshonneur et fais acte de pénitence pour tes transgressions en purgeant la souillure que tu es de cet anneau si sacré pour toi… Ou attend mon retour, et je t’étriperai lentement moi-même devant tous les autres conseillers et conspirateurs. Choisis ta voie. »

Malgré les menaces du Jiralhanae, ‘Yajadai se sentait enveloppé d’un étrange sentiment de paix. Tout lui paraissait limpide, comme si sa vision avait toujours été obscurcie et qu’il voyait clairement pour la première fois.

Il se souvint de la fin de l’Âge du doute, où les conseillers Sangeilis et San’Shyuum avaient été emplis de ferveur religieuse et accueillirent le neuvième Âge de la réclamation par des cris de joie à qui le pourrait le plus fort.

Ce moment se répétait à présent. Un nouvel Âge avait subrepticement commencé, pas dans la joie et l’unité, mais dans le silence acéré de lames silencieuses.

« Je connais ma voie, Avitus, » déclara ‘Yajadai. « C’est toi qui devras choisir. »


La prochaine Waypoint Chronicle de cette rediffusion sera La Bataille de l’Académie – Partie 1.

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douanier 37

un super merci pour toutes les trad waypoint.