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Série TV – Apprenez à parler le Sangheili

C’est via leurs comptes Twitter que deux membres de la production de la série télé Halo, David J. Peterson et Carl Buck, ont dévoilé les détails de leur travail sur la série. Tous deux sont conlangers, c’est-à-dire créateurs de langues fictives, ou « construites », et ont pour la première fois monté une version cohérente de la langue des Élites, ou Sangheilis, qui est celle parlée par tous les Covenants. Un document PDF partage la structure de la langue, et une page web dédiée recense la transcription officielle de tous les dialogues entendus dans la série.

« L’artéfact n’était pas là où je l’avais prédis ? »

Peterson a été un acteur de la récente résurgence de l’intérêt pour les conlangs via son travail sur les multiples langues de Game of Thrones, ainsi que plus d’une dizaine d’autres films et séries, dont le nouveau Dune. Buck est lui réputé dans sa communauté pour son travail sur sa propre langue, le Kala. Avant le travail du duo sur la langue des Élites pour la série, qui a commencé dès avril 2019, jamais les Covenants n’ont parlé une langue structurée, mais plutôt des sons vaguement assemblés pour évoquer leur aspect alien (la langue entendue dans Halo : Reach serait construite selon une déclaration de Bungie, mais aucune structure n’a été partagée par les développeurs ou élucidée par les fans malgré des années d’analyse).

Nous vous proposons maintenant une présentation aussi accessible que possible des différents aspects du Sangheili partagés par ses créateurs.

Phonologie

La phonologie concerne la manière dont se prononce une langue. Le Sangheili possède 42 phonèmes consonnes et 8 phonèmes voyelles (contre respectivement 20 et 14 en français selon les décomptes conservateurs).

  • Les consonnes de catégorie « occlusives » sont [p], [b], [t], [d], [k], [g] (toujours prononcé « dur » comme dans « grotte ») et [q],  que l’ont retrouve dans la transcription française de l’arabe (grossièrement, la différence avec le [k] est que le [q] se prononce avec la langue plus en retrait dans la gorge). On trouve également les variantes [p’], [t’], [k’] et [q’], où l’apostrophe marque un son prononcé en expulsant l’air plus violemment que normalement.
  • Les consonnes dites « fricatives » sont [s], [z], [ʃ] (le « ch » français), [ʒ] (le « j » français, transcrit zh comme pour le russe) et [h]. On trouve également deux sons qui n’existent pas en français : le [x], dénoté par les lettres « kh », qui correspond au « ch » allemand, ainsi que le [ɣ], qui ressemble à un [g] que l’ont laisserait couler. On trouve enfin deux autres fricatives qui ajoutent un léger son [x] à leur prononciation : « skh » et « skkh ».
  • Les consonnes de catégorie « affriquées » simples sont [ts], [ts’], [dz], [tʃ] et [dʒ] (comme le premier son de « jeans », transcrit « j »). On trouve également des affriquées affublées d’un [x] final, comme précédemment expliqué : « pkh », « tkh », « tskh », « tchkh », « kkh » et « qkh ».
  • Les consonnes dites « spirantes » sont [l], « y », et enfin « w » mais prononcé sans plisser les lèvres.
  • Les consonnes nasales sont [m], [n], ainsi que trois variations de ce dernier où il faut respectivement coller la langue au bout, au milieu et au fond du palais : [ɳ], [ɲ] (transcrit ng) et [ɴ].
  • Enfin, on trouve la consonne battue [ɾ], que l’on pourrait décrire comme « le R comme en japonais ».
  • Les voyelles sont bien plus simples : on trouve [a] et sa variante longue « aa », [i] et « ii », « ou » court et long, [o] (comme dans « moto », pas comme dans « or ») et enfin [e] (comme dans « été »).

De manière générale, on place l’accent tonique sur l’antépénultième syllabe d’un mot.

Pronoms personnels

jan signifie « je » et k’e signifie « tu ». Pour « nous », il faut faire la distinction entre l’inclusif riin et l’exclusif jaari, qui appuie le fait que les personnes en-dehors du « nous » en sont exclues. Le « vous » devient k’iri.

Contrairement au français, la troisième personne reconnaît les cas animés et inanimés mais ignore le genre (comme le « it » en anglais). On utilisera donc mu pour « il/elle » et muuri pour « ils/elles » lorsqu’on désigne des personnes, mais tkha et tkhaari pour désigner respectivement un ou plusieurs objets.

Pronoms, adjectifs et adverbes démonstratifs

Le Sangheili possède bien plus de particules démonstratives dédiées que le français, puisque si le genre ou la différence animé/inanimé ne sont pas pris en compte, la distance proche, moyenne ou lointaine sont des cas distincts, auxquels s’ajoutent un cas pour une position inconnue et un cas pour l’absence. Le singulier et le pluriel sont également distingués.

ne correspond à l’adjectif « proche », ine à « ce » ou « ceci », niri à « ces » et nis est l’adverbe décrivant une action proche. Pour les distances moyennes, on trouve l’adjectif zo, l’adverbe zus, le pronom singulier uzo et le pronom pluriel zuri. Pour les longues distances, on utilise l’adjectif tkha, l’adverbe tkhaas, le pronom singulier athka et le pronom pluriel tkhaari.

Quand on ne connaît pas la distance, on utilise l’adjectif ba, l’adverbe baas, le pronom singulier aba et le pronom pluriel baari. Enfin, pour dénoter l’absence, on utilise l’adjectif ii, l’adverbe ngamaas, et le pronom ngajo, le seul applicable à la fois au singulier et au pluriel.

Postpositions

Contrairement au français qui est friand de prépositions comme « sur » ou « derrière », se plaçant donc avant un nom subordonné, le Sangheili est composé entièrement de postpositions se plaçant derrière le subordonné, comme « ago » en anglais ou « で (de) » en japonais.

  • ga indique un mouvement de retrait (wele ga pour « depuis le vaisseau »)
  • ni est l’équivalent de « près de » ou « sur » (wele ni pour « sur le vaisseau »), mais est également utilisé pour dénoter la possession dans le cas où l’objet est possédé depuis peu de temps (K’uucho ni zhuro pour « l’arme [improvisée] du guerrier », et n’oubliez pas que zh se prononce comme un « j » dans cette transcription)
  • oni l’équivalent de « vers » (wele oni pour « vers le vaisseau »), mais est également utilisé pour dénoter la possession dans le cas où l’objet a été acquis il y a un certain temps (K’uucho oni zhuro pour « l’arme [habituelle] du guerrier »)
  • ba l’équivalent de « sortir de » (wele ba pour « sorti/sortir du vaisseau »)
  • zhi l’équivalent de « entrer dans » (wele zhi pour « entré/entrant dans le vaisseau »)
  • me l’équivalent de « dans » (wele me pour « dans le vaisseau »)

Enfin, « o » indique le sujet d’un verbe transitif, tandis que l’objet n’est pas identifié par une particule. Ainsi dans l’épisode 1, la phrase Jan o domo ch’anik’o signifie littéralement « Je vais brûler (ch’anik’o) cet humain (domo) ».

Voici quelques exemples mettant en évidence les nuances permises par ces cas :

  • K’uucho oni nejo ga zhuro signifie « L’arme du guerrier, qu’il tient de son père (nejo) ».
  • K’uucho me ik’o signifie « L’œil/les yeux du guerrier », tandis que K’uucho ba ik’o signifie « L’œil/les yeux du guerrier », dans un contexte où ces yeux auraient été arrachés aux orbites du guerrier.

Conjugaison

Les verbes reçoivent un suffixe dans sept aspects de conjugaison différents, dont la signification diffère selon que le verbe est statique (indiquant un état) ou dynamique (indiquant une action). Il n’y a pas de suffixe pour les verbes à l’impératif ou pour signaler un état présent, et toutes les terminaisons peuvent être précédées d’un [i] si une voyelle est nécessaire pour faire la liaison.

  • khi dénote le début d’une action ou l’entrée dans un état.
  • tan indique une action qui est déjà conclue, ou la sortie d’un état.
  • jo marque une action en cours ou un un état possible.
  • ji indique un état passé ou intensifie une action.
  • jen dénote que la personne qui parle n’est pas certaine de quel sera le résultat d’une action en cours ou de l’existence d’un état.
  • jaga marque le futur.

Il est signalé une conjugaison irrégulière, qui indique l’imparfait pour les verbes dynamiques et intensifie les états, et peut constituer un infixe plutôt qu’un suffixe :

  • ch’in (« percer/poignarder ») devient ch’injin (« [Je] perçais »)
  • naya (« fertiliser un œuf ») devient nenaya
  • opkho (« tordre ») devient pkhaapkho
  • pkhungo (« dormir ») devient pkhubungo
  • qkhoso (« marcher ») devient qkhoghoso
  • satkha (« être certain ») devient sasatkha (« [Je] suis absolument certain »)
  • tkhop’o (« nommer ») devient tkhaadop’o
  • zaya (« agrandir/étendre ») devient zaazaya

Enfin, il existe la conjugasion –jahe, utilisé pour signaler une question exclusive (à laquelle on ne répond que par oui ou non).

Verbes composés

Tout comme certains mots en français sont composés à partir de la même base (produire, conduire, introduire, …), certains verbes en Sangheili sont composés d’un verbe et d’un autre mot (adjectif ou nom), créant ainsi un nouveau verbe par combinaison des sens des deux mots. Les idéogrammes chinois et japonais utilisent un système similaire pour construire des nuances verbales.

La combinaison de duje (« muer ») et mos (« cerveau », « esprit ») produit ainsi moduje qui signifie « perdre la trace de quelqu’un/quelque chose ». ghaina (« entendre ») et t’iis (« mot ») produisent t’ighaina, « comprendre ». Ou encore, khawa (« dire ») et akke (« main ») produisent khekhawa, « répondre », avec un glissement consonantique pour la prononciation du préfixe.


De nombreux aspects du Sangheili n’ont pas encore été officiellement documentés par les créateurs, et nul doute qu’avec l’augmentation progressive du corpus au fil des épisodes, la communauté constituera des guides plus complets. Les transcriptions officielles des dialogues en Sangheili sont disponibles sur ce site web pour analyse.


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douanier37

y a-t-il un Sangheili dans l’assistance, qui parle français, parce que là… c’est loin d’être simple au premier abord !
ou peut-être que je me fais des idées !

VoitureJb

La langue de bois? 🤪