Veuillez patientez...

[MàJ][Dossier] L’histoire de Hunt the Truth – Saison 1

Mise à jour : Les minutes et secondes associées au début de chaque épisode sont désormais indiquées en dessous du "Supercut" de la saison 1 de Hunt the Truth.

Article originellement publié le 27 septembre 2015 à 1h17

Alors que la saison 2 de Hunt the Truth vient de débuter et que Halo 5 : Guardians sort dans très exactement un mois, Halo.fr vous propose ce dossier réunissant le "supercut" de la saison 1 de cette campagne promotionnelle pour Halo 5 ainsi que toutes les transcriptions en français de ces 13 épisodes audio.


Poster pour #HUNTtheTRUTH – Saison 1 par Rudy Slama

Sommaire

Season 1 Supercut
Episode 00 – Amorçage
Episode 01 – La première faille
Episode 02 – Rapports erronés
Episode 03 – Sources suspectes
Episode 04 – Franchir la ligne
Episode 05 – Plus de temps
Episode 06 – Une histoire de boxe
Episode 07 – Ils écoutent
Episode 08 – Tic, tac, tic
Episode 09 – Fantômes
Episode 10 – Étouffer l'affaire
Episode 11 – Jusqu'à l'os
Episode 12 – Chargé à bloc
Episode 13 – Clap final

Commentaires


Season One Supercut

0:00 – Episode 00 "Amorçage"
2:46 – Episode 01 "La première faille"
14:26 – Episode 02 "Rapports erronés"
25:37 – Episode 03 "Sources suspectes"
39:33 – Episode 04 "Franchir la ligne"
52:03 – Episode 05 "Plus de temps"
1:13:20 – Episode 06 "Une histoire de boxe"
1:28:54 – Episode 07 "Ils écoutent"
1:46:52 – Episode 08 "Tic, tac, tic"
2:04:28 – Episode 09 "Fantômes"
2:24:42 – Episode 10 "Etouffer l'affaire"
2:43:25 – Episode 11 "Jusqu'à l'os"
3:02:31 – Episode 12 "Chargé à bloc"
3:13:28 – Episode 13 "Clap final"


Episode 00 "AMORÇAGE"

Quand vous êtes un journaliste de guerre, vous voyez des choses horribles. Dans toutes les affaires que j'ai traitées, j'ai vu le pire de l'Humanité mais aussi le meilleur. Il y a six ans, je l'ai vu… le plus grand et mystérieux héros de notre époque, en pleine action. J'étais aux premières loges de ce qu'il a fait ce jour et cela a tout changé pour moi. Quiconque écoutant ceci sait parfaitement de qui je veux parler, le type qui nous a sauvés, sauvé la Terre, sauvé l'Humanité : Master Chief Petty Officier, Spartan 117, que nous connaissons plus simplement sous le nom de Major.

Il y a quelques mois, j'ai été engagé pour réaliser un profil complet du Major. Avec un accès exclusif, tout ça. J'ai eu l'occasion de parler à nombre de personnes qui clament connaître le véritable Major, l'enfant, le soldat, le héros… le traître.

J'ai toujours su où se terminaient les histoires avant de les commencer, j'ai toujours su exactement quelle histoire j'ai voulu raconter pendant des années… l'histoire que nous voulons tous entendre. Brillante, inspirante, la biographie d'un héros de blockbuster. C'est tout ce que cela aurait dû être.

Mais la vérité n'est pas toujours aussi propre.

Lorsque j'ai tiré le premier fil… quelque chose s'est brisé, maintenant tout est enfoui et je me retrouve avec ces horribles questions… ces questions que je n'ai jamais voulu poser. Des histoires inventées, des gens qui ne sont pas ce qu’ils disent être, des dissimulations de dissimulations. Toutes ces théories qui me semblaient si folles ne le sont peut-être pas tellement au final. Et ces troublantes rumeurs, des rapports d’anomalies…

Selon lesquelles quelque chose d'énorme se passe au fin fond de la galaxie et je ne peux même pas confirmer un seul fait à propos d'un seul homme.

Cela me parait très clair maintenant, je ne peux pas rétablir la belle histoire, mais je peux briser l'histoire déplaisante.

Pour la première fois dans ma carrière, je peux dire qu'honnêtement je ne sais pas comment cela va se terminer. En fait, les possibilités m'empêchent de dormir la nuit, mais nous méritons tous la véritable histoire. Nous devons savoir où tout cela nous mène. Je sais que je le veux. Alors je me retrouve à nouveau au début.

Qui est le Major ?
D'où vient-il ?
Et nous protège-t-il ?

Rejoignez-moi dans ma Traque de la Vérité sur le Major.

 

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Episode 01 "LA PREMIÈRE FAILLE"

C’est ce que l’on se raconte quand le monde nous pète à la figure. Il était impossible de le voir venir. Personne n’aurait pu, il était donc impossible de faire quoi que ce soit. C’est ce qui nous permet de bien dormir la nuit. Mais essayez de vous souvenir de ce qui s’est passé auparavant. Rejouez la scène dans votre esprit, sauf que cette fois, vous le verrez peut-être : quelque chose de minuscule, qui n’a rien à faire là. Peut-être que ce n’est qu’un indice, mais c’est la vérité.

Personne n’avait anticipé leur arrivée – une race extraterrestre se faisant appeler les Covenants. Avant 2552, il était inenvisageable que quelque chose comme ça se produise sur Terre. Sur une de ces planètes distantes dans les colonies extérieures pourquoi pas. Mais une attaque sur Terre ? Impossible… jusqu’à ce moment-là. On appelle ça la vitrification. Les vaisseaux de guerre Covenants font pleuvoir du plasma sur la planète jusqu’à ce que tout, et tout le monde, ait fondu. D’habitude la destruction se fait à l’échelle planétaire. La Terre n’en a eu qu’un avant-goût. Le bombardement orbital prolongé a détruit l’Est de l’Afrique, faisant des millions de victimes avant de cesser. Aucun de nous n’est en sécurité désormais.

Mais quelque chose d’autre est arrivé ce jour-là. Ou quelqu’un. Vous avez entendu les témoignages, même les plus sceptiques ont vu la vidéo. J’y étais, et même aujourd’hui, j’ai du mal à y croire. Un homme immense en armure verte fit son apparition, venu de nulle part, dans la Nouvelle Mombasa, réalisant des prouesses surhumaines afin de repousser à lui seul une invasion planétaire, avant de disparaître ?

C’était le Major. Le corps militaire du gouvernement unifié, l’UNSC, a finalement publié une déclaration : qui il est, d’où il vient, et qu’il continuerait à assurer notre sécurité. Et c’est tout. Mais qui est le Major ? D’où vient-il ? Continue-t-il à assurer notre sécurité ?

Je suis Benjamin Giraud, et voici la Traque de la Vérité.

Pour tous ceux d’entre nous riverains de la Terre qui ne nous sommes jamais aventurés dans l’espace, il existe une planète éloignée dans les colonies extérieures appelée Eridanus II. Si vous songez à aller la visiter, oubliez. Elle a malheureusement été vitrifiée en 2530 lors d’une attaque Covenante. Mais 19 ans avant d’être rasée, y naissait le major John-117, notre héros alors appelé John, dans une métropole du nom de Elysium City. C’est là que j'ai commencé.

Deon : Est-ce que je me souviens de lui ? Bien sûr, on n’oublie pas un gosse comme lui.

C’est Deon Govender. Nous avons discuté ensemble alors qu’il se trouvait chez lui dans les colonies extérieures. Deon est à la retraite maintenant, mais il y a quelques années il était le professeur de John au complexe d'enseignement primaire n°119. Apparemment, les écoles dans les colonies extérieures n’ont pas les noms les plus accrocheurs.

Deon : John était… différent. Il était futé et vif, toujours en train d’évaluer une situation. Il était le centre de gravité des autres gosses, vous comprenez ?

Deon semblait particulièrement excité d’évoquer les capacités athlétiques de John. Les enfants jouaient au Roi de la colline après l’école. Vous savez, ce jeu où vous vous bagarrez et poussez les autres afin d’être le dernier à rester debout.

Deon : Des… Des fois, je passais à côté d'eux quand ils jouaient après l'école, et-et-et-et à chaque fois, je vous jure, à chaque fois John se tenait en haut de la colline. (rires) Tous les jours. D'ailleurs, je crois que les autres enfants finissaient par jouer au Roi de la moitié de la Colline. Parce que personne ne cherche des poux à John. (Benjamin glousse)

Ellie : Bien sûr que je me souviens de John. Ça remonte à loin…

C'est Ellie Bloom, une autre résidente de longue date des colonies extérieures. Dans sa jeunesse, elle et John vivaient dans la même rue à quelques maisons d'écart.

Ellie : Il était plus jeune que moi, mais je vous assure que ce garçon n'avait rien à faire dans un jardin d'enfants. Il était gigantesque. Mon amie Katrina et moi le retrouvions dans un terrain vague des environs. Nous construisions une sorte de course d'obstacles faits de bric et de broc. Des trucs de gosses, quoi.

La nostalgie n'a pas tardé à rattraper Ellie alors qu'elle parlait de ses jeunes années sur Elysium.

Ellie : Certaines nuits chaudes, nos parents nous laissaient sortir dans les champs et nous allonger dans l’herbe. Et… on restait allongés là. À regarder les étoiles. C’était un endroit sympa où grandir.

Rencontrer Ellie fut une énorme victoire pour moi. Quand une planète a été vitrifiée, retrouver la piste d’anciens résidents approche l’impossible. Toutes les informations conservées localement : papier, données stockées en dur, même les souvenirs.
Après une vitrification à grande échelle ? Il n’en reste rien. Heureusement, l’ONI m’avait fourni une liste de personnes à interroger. C’est comme ça que j’ai eu Deon. Mais je voulais faire plus avec cette histoire. Alors j’ai contacté mes anciennes relations dans les colonies extérieures afin de dénicher de nouvelles sources. Ellie fut le seul résultat.

Ben : Êtes-vous restée en contact avec John ?

Ellie : Non. Je n’avais pas tellement le droit d’utiliser Waypoint quand j’étais petite. Mais je suis restée en contact avec Katrina. On se parle encore aujourd’hui. Vous savez, elle se rappelle surement de John. Je vais lui dire que je vous ai parlé. Attendez, hmm c’était à quel sujet déjà ? Un truc pour l’armée ?

Ben : Oh (rires) Non, non. John… John est… hmmm le Major.

Ellie : Quoi ? Il…

Ben : Ouais, ouais John est devenu le Major.

Ellie : Genre, LE Major ?

Ben : Ouaip.

Ellie : Oh mon Dieu ! Non… J’y crois pas. Vous êtes sérieux ? Oh mon Dieu !

Ben : Je ne me moque pas de vous.

Ellie : C’est fou !

Ellie fut déconcertée pendant quelques minutes. Je suppose que ce n’est pas tous les jours que vous découvrez que votre ami d’enfance a sauvé la galaxie.

Ellie : Oh mon Dieu, il faut vraiment que je raconte ça à Katrina ! Je veux dire, elle va devenir dingue !

Bon, peut-être qu’Ellie n’a pas été d’une si grande aide finalement. Je devais creuser le côté de jeune guerrier. Voici de nouveau Deon.

Deon : Vous ai-je raconté l’histoire du boxeur ?

Ben : Non, non, qu’est-ce que c’est ? Pas encore.

Deon : Ok, ok. Alors… J’ai enseigné à l’école primaire vous le savez pas vrai ? Mais j’étais aussi inscrit dans la ligue de boxe au lycée. Au bout de la deuxième semaine, nous faisions quelques exercices dans la salle de gym, John entre dans la pièce. John était au collège à ce moment-là. Je lui ai dit « hey John, quoi de neuf ? » Il me répondit, « Je veux m’inscrire au cours de boxe. » (Ben rit) Et je lui ai dit, « John, tu as douze ans ! » (rires) Vous voyez ! De quoi vous parlez ?

Mais John resta inflexible.

Deon : Mais je l’ai regardé et il ne bronchait pas. Alors je lui ai dit ok, pourquoi pas. Je m’étais dit que ce serait une bonne leçon pour le gosse. Je ne savais pas… alors… je l’ai mis sur le ring avec le plus petit gars. John a plumé ce garçon ! (Ben rit) Ce fut terminé en moins de 15 secondes. Ok ? Du coup, je l’ai mis avec un vrai Malabar. Un vrai combattant cette fois.

Ben : Ah ouais ?

Deon : Ok ? Bon combattant ! Deux coups ! John l’a étalé ! Douze ans ! Je n’avais jamais rien vu de tel.

J’appréciais discuter avec Deon. Il était chaleureux et drôle comme le sont nos grands-parents. J’ai réalisé que je m’étais égaré dans tout ça quand l’histoire s’assombrit.

Deon : Mais une semaine, John ne se pointa pas.

C’était en 2524, John avait 13 ans. Pile au moment où ce cauchemar d’Insurrection qui se répandait dans les colonies extérieures arriva dans la communauté de John.
Sous la pression des troupes de l’UNSC, les rebelles étaient au bout du rouleau, s’emparant désespérément des territoires dans la région et menant des interrogatoires sous le coup de la paranoïa afin de débusquer des espions. Ces derniers ainsi que l’enlèvement de civils devinrent monnaie courante.

Thomas : Ils ne faisaient que… vous savez… vous questionner. Seulement… des… questions insensées pendant des heures et des heures.

Thomas Wu vivait dans une colonie voisine quand les rebelles se sont pointés et ont frappé, capturant Thomas et des centaines d’autres au cours de raids. Suivirent des mois de détention, entassés, négligés et sous interrogatoire constant.

Thomas : Vous savez, « vous connaissez ce type ? Quels sont les codes de sécurité de ce système ? Ce système ? » Vous voyez. Et on ne comprenait pas… ce qu’ils nous demandaient.

Durant les deux derniers mois, Thomas me raconta que ses geôliers devinrent agités. Et puis, vers la fin… ils disparurent. Laissant Thomas et des centaines d’autres enfermés, affamés. Je ne veux pas diffuser le reste de cet entretien, mais je vais vous le dire. Ça a mal tourné.
Il me dit qu’ils ont été entassés comme des sardines. Des corps chauds. Des corps froids. Des gens mourant dans le noir. Il ne sait pas combien de temps cela a duré. Peut-être des semaines. Mais Thomas et quelques autres ont survécus. Ils sont parvenus à s’en sortir.

Thomas : Bien vous savez, nous, nous… nous sommes entraidés. Vous savez, nous veillions les uns sur les autres. Vous savez, et je le pense, que, c’est le seul moyen. Nous… Nous avons survécu jusqu’à la libération. Et puis nous sommes partis ? Nous nous ne sommes jamais retournés.

Lorsque je lui ai demandé où les survivants s’étaient réinstallés, Thomas commença à me lister toutes les villes où les réfugiés étaient en sécurité à l’époque. Des décennies plus tard il peut encore me les réciter de mémoire. Je lui ai posé des questions à propos de la ville natale de John.

Ben : Et Elysium City ?

Thomas : Non. Repaire d’Insurgé. Ouais, non. Ça se passait mal là-bas.

Deon Govender me le confirma.

Deon : À Elysium City, les gens disparaissaient. Comme ça. Une fois que les Insurgés eurent pris le contrôle, des quartiers entiers furent raflés.

Cela a duré pendant des mois. Il me raconta avoir vu sa communauté se déchirer lentement. Chaque jour. Je le questionnai à propos de John.

Deon : Ouais. Hmm. Lui et ses parents. John manqua le premier entraînement. Et le dernier. À cette époque c’était comme si tout le monde avait… (Deon renifla) Je suis désolé. (Deon s’éclaircit la voix)

Ben : Non non tout va bien. Prenez votre temps.

Il était difficile de voir Deon craquer comme ça. Il paraissait abattu. Ce genre d’entretien est brutal. Je voulais le réconforter, mais j’avais l’impression d’être condescendant. Comme si j’avais une idée de ce qu’il avait traversé. Du coup je suis resté silencieux. Avant que nous en ayons terminé, il me dit cela.

Deon : Je crois que s’il y a quelque chose de bon à tirer de tout ça, c’est que tous ceux qui ont traversé ça savent que leur lutte n’était pas vaine. Lorsqu’un jeune garçon parvient à s’élever à partir de ça… et accomplir ce que John a accompli, il nous honore tous.

Deon croyait en John de la même manière que nous croyons au Major. Il avait l’air de dire que cette tragédie qui l’a façonné était presque nécessaire. Je sentais vraiment que je tenais le début de l’histoire d’un héros. L’histoire se tenait, ça semblait correct.

Mais parfois on doit aller plus loin. Avec un œil nouveau, parce que peut-être que vous verrez quelque chose, quelque chose de minuscule. Qui n’a rien à faire là. Ce petit indice.

Tard ce soir-là, après mon entretien avec Deon, j’étais carrément épuisé. Alors j’ai passé quelques temps à classer des cartons de dossiers. J’ai payé ce pillard des colonies extérieures afin de me dénicher et de m’envoyer tous les documents qu’il pourrait trouver à Elysium City. Les seuls rapports que le gouvernement local avait laissés derrière lui n’étaient que des copies, mais je les ai pris quand même. J’étais en train de trier une boite contenant des enregistrements de recensement local quand je suis tombé sur le nom de John. Une ligne d’information basique écrite noir sur blanc.

C’est à cet instant que je l’ai vu. Une unique lettre à côté de son nom. D. J’étais en train de contempler un document officiel qui disait clairement que John était décédé en 2517, à l’âge de 6 ans.

 

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Episode 02 "RAPPORTS ERRONÉS"

Je ne pouvais pas y croire. D'après le document que j'avais sous les yeux, John, le garçon qui deviendrait le Major, était mort il y a 41 ans. Mon protagoniste, le plus grand héros de notre époque, était mort à 6 ans. C'était une incohérence gigantesque dans l'histoire, et je devais la résoudre.

Je suis Benjamin Giraud et voici la Traque de la Vérité.

                IA DE L'ONI : Veuillez patienter.

Si vous veniez à obtenir les permissions suffisantes pour appeler les Services de renseignement de la Navy, sachez que vous resterez à attendre pendant au moins une heure. Et si vous veniez à recevoir un appel d'eux, vous attendrez… une heure aussi. Au final, ils ne communiquent jamais par vidéo et vous ne parlez qu'à un insigne sans visage.

BEN : J'essaie de contacter Michael Sullivan, j'ai besoin d'aide pour un… problème de rapports.

                IA DE L'ONI : Veuillez patienter.

                BEN : Et ça fait… 85 minutes.

Michael Sullivan, ou Sully, travaille aux relations publiques de l'ONI. Si ça vous paraît bizarre que la branche la plus secrète de notre gouvernement ait un service de RP, vous n'êtes pas le seul, mais ce n'est pas moi qui vais aller leur dire. Et puis, Sully est celui qui m'a donné ce travail. Je lui étais reconnaissant de m'avoir offert cette opportunité.

                IA DE L'ONI : Services de renseignement de la Navy, relations publiques.

                SULLY : Ben !

                BEN : S-Salut ! Hé, Sully ! Ouais, merci d'avoir pris mon appel.

                SULLY : Pas de souci. Comment ça se passe avec les sources ?

Jusqu'à maintenant, je n'avais pas eu de problème avec mon histoire. Les faits s'alignaient gentiment, mais à présent… J'étais en possession d'un obscur document venu des tréfonds de la galaxie renseignant John comme mort. Ça contredisait tout. J'avais besoin de Sully pour comprendre, et heureusement, c'est exactement ce qu'il fit.

                SULLY : Bienvenue dans les colonies extérieures ! Rien n'a de sens, là-bas.

                BEN : Oui, je sais, je sais, mais euh, je voulais être certain de comprendre tous les détails.

SULLY : Et tu fais bien ! Tu vois, Ben, c'est l'espace profond là-bas, la planète dont on parle a été vitrifiée jusqu'au noyau. Tu sais aussi bien que n'importe qui, que s’il existe des rapports locaux, ils sont complètement chaotiques.

Bon, je me sentais un peu bête. Sully avait raison, C'était un véritable problème dans les colonies extérieures : les planètes vitrifiées comptaient de nombreuses erreurs dans leurs rapports. N'importe quel chercheur le sait, et n'importe quel chercheur sait que remettre en cause les faits est une manœuvre de théoriciens du complot.

                MSHAK : Tout est inventé ! C'est la base des secrets du gouvernement !

C'est un message que j'ai reçu la semaine dernière d'un homme appelé Mshak Moradi. C'est un des “traqueurs de vérité” les plus en vue depuis que j'ai commencé cette histoire.

Apparemment, il a appris que j’enquêtais sur le Major. Mshak a l'air moins ridicule que la moyenne des personnes qui essaient de me contacter, mais c'est aussi le plus insistant. Il m'a laissé un message tous les jours depuis ces deux derniers mois. Je ne réponds jamais, mais mon attention a été attirée par le timing de son dernier message.

MSHAK : Laissez-moi deviner, ils vous ont fait le coup des faux rapports des colonies vitrifiées ? Pas vrai ? C'est leur truc !

Techniquement, Mshak avait raison. C'était ce que le gouvernement me disait. Malheureusement pour la théorie de Mshak, c'était la vérité : les rapports des colonies vitrifiées sont truffés d'erreurs. Une réalité qu'avait vécue Ellie Bloom, l'amie de John, pendant toute sa vie. Je me rappelle de ce qu'elle a dit dans son interview.

ELLIE : Vous savez, c'est déjà assez difficile de maintenir des relations entre planètes non vitrifiées. Tout est tellement désorganisé. Suivre tous les rapports personnels, les documents financiers, les rapports médicaux, c'est herculéen.

C'était un peu ce que je voulais entendre. S'attarder sur le côté sentimental des recherches, ouvrir un carton de vieux rapports physiques, tout ça pour quoi ? Tout ce que j'en avais tiré, c'était quelques histoires d'enfants par Ellie et un rapport insensé.

Mais les choses s'arrangeaient. Sully m'avait arrangé une rencontre avec la vice-amirale de l'ONI Gabriella Dvorak. Ça a été l'occasion de voyager un peu, mais surtout de me trouver à bord d'un des tout nouveaux croiseurs lourds de classe Autumn, l'UNSC Unto The Breach. Je m'y suis rendu en navette privée toutes options, la grande classe. À bord, Dvorak m'a même accueilli personnellement.

Les civils ne sont normalement pas admis sur les vaisseaux en service, surtout avec ce genre d'attention.

                GABRIELLA : Allons, appelez-moi Gabriella.

Je n'étais absolument pas habitué à ce genre d'hospitalité.

                BEN : Euh, donc– qu'est-ce, euh, qui vous amène ?

                GABRIELLA : Le travail.

Elle m'a dit qu'elle avait été détachée dans les environs. Un coup de chance, j'imagine. J'étais toujours bichonné : passage par le messe du capitaine, les quartiers des officiers, la totale. Arrivé dans son bureau pour l'interview, n'importe quelle déclaration m'aurait plu. Mais c'est une personne sérieuse qui est allée droit au but.

GABRIELLA : C'était le moment critique. Après tous ces combats, j'aidais à l'évacuation des prisonniers hors des conteneurs.

Alors lieutenant, Gabriella a non seulement pris part à la grande opération qui a libéré John et les nombreux autres des camps de travail rebelles d'Elysium City, mais elle se rappelle aussi du garçon de 13 ans. Elle décrit la libération.

GABRIELLA : Quand vous les voyiez, ce qu'on leur avait fait, vous compreniez enfin vraiment pour qui vous vous étiez battu. Les conséquences étaient… ah, terribles. Tous sortaient en file à la lumière, plissant les yeux, se traînant, gris, fragiles et souillés. Leurs… dos étaient courbés, leurs yeux rivés au sol. Je veux dire, tous semblaient… tous semblaient comme morts.

C'est là qu'elle a vu John.

GABRIELLA : Il se détachait du reste. Au milieu de toute cette… humanité vaincue, il y avait ce… garçon, grand, jeune, qui marchait vers moi, il dominait la foule. Ses épaules droites, son regard résolu. Et quand il m'a dépassé, il m'a regardé. Dans les yeux. C'est, enfin, ça n'a l'air de rien, mais ce regard, à ce moment, d'une personne ayant vécu ça… c'était un choc. Il avait l'air affamé et déshydraté comme tous les autres, mais il était si jeune, et tout ce qui avait été brisé chez les autres semblait intact chez lui.

Après ces évènements, Dvorak est resté en faction à Elysium City, à travailler dans les camps de réfugiés. Dès le premier jour, John aidait Gabriella dans ses tâches. Elle eut l'occasion d'apprendre à le connaître dans les mois qui ont suivi.

GABRIELLA : Il m'a parlé de ses parents, un moment. Qu'ils avaient été enlevés avec lui. Il n'a pas dit grand-chose, juste que, hum… ils ne s'en étaient pas sortis.

Elle savait que les choses avaient dégénéré. Ils étaient morts à quelques jours d'intervalle, quelques semaines avant la libération, et John était là quand ça s'est produit. Dvorak se souvient bien des rares occasions où John en parlait.

GABRIELLA : Il avait ce regard quand il en parlait, c'est, c'est difficile à décrire. Les autres fois où je le voyais, il semblait porter le fardeau de ce qui s'était passé et pourtant… il restait calme. Ni en colère ni désespéré, juste… résolu. C'était un jeune homme remarquable.

Comme beaucoup de personnes à l'époque à Elysium City, et dans toute cette région de la galaxie, John n'avait plus de maison, plus de famille, plus rien. Les gens partaient là où ils pouvaient, hors de la ville, et la plupart ne se retournaient jamais. Mais Deon Govender, le professeur de boxe de John, raconte que certains retrouvaient espoir.

DEON : Oui, oui. Nous nous sommes séparés et dispersés sur toute la planète et toutes les colonies, mais certains d'entre nous rassemblaient des noms. Et, euh, une sorte de mémorial, qui grandissait au fil des nouvelles informations. Oui… je me souviens avoir vu le nom des parents de John tôt sur la liste mais… pas John. Après qu'il ait manqué le dernier cours… je ne l'ai jamais revu, mais… je me souviens que je me disais « Ça ira, tant que je ne  vois pas sur la liste, ça ira ». Et ça a toujours été.

Son obstination à survivre a laissé une forte impression à Gabriella Dvorak.

GABRIELLA : Je pense que… John voulait ne plus jamais être une victime. Je me souviens qu'il disait vouloir s'engager. Qu'il voulait faire la différence. Je savais qu'entre toutes les personnes, lui le ferait.

Après le chaos, le jeune John avait pu se forger un but des décombres de la guerre. Un but qui le mènerait à devenir le héros dont la galaxie aurait un jour besoin. Le genre de tournant qui réveille le patriote dans chacun de nous. J'étais vraiment touché lors de mon voyage retour. Mais à mon arrivée, Ellie Bloom allait tout remettre en cause.

                ELLIE : Je voulais revenir sur votre histoire. Je… c'est étrange.

                BEN : Euh, oui, qu'est-ce qui–

                ELLIE : Vous vous souvenez que j'ai dit que je rapporterais ça à Katrina ?

Katrina était l'autre fille voisine de John, le troisième protagoniste de l'histoire d'enfance racontée par Ellie. Cette dernière avait quitté la planète en 2517, mais pas Katrina.

                ELLIE : Elle… m'a dit que John était mort. Mort à six ans.

                BEN : Att… Attendez une minute, quoi ?

ELLIE : John était en forme, et puis il a commencé à dépérir. Au départ, ils ont pensé à une maladie auto-immune, puis à autre chose et les diagnostics se sont enchaînés. Malgré tous les tests qu’il passait, les médecins n’y comprenaient rien, ses parents paniquaient… C’était horrible.

Voilà, John était mort. Comme ça. Je ne savais pas quoi faire. Ellie semblait convaincue, alors je lui ai demandé de me mettre en contact avec Katrina. Elle ne m'a pas laissé enregistrer l'interview, mais cette femme était résolue. J'aurais voulu la contredire, mais elle le racontait avec tellement d'assurance et tellement de détails, je ne pouvais pas l'ignorer. D'après elle, John était mort. Mais avant que je puisse réfléchir à tout ça, elle a dit quelque chose de capital : les parents de John habitaient toujours à Elysium City quand Katrina avait quitté la planète en 2528, quatre ans après leur mort supposée. Elle avait tort. Elle devait penser à quelqu'un d'autre, ou alors elle mentait. Mais pourquoi mentirait-elle ? Elle était absolument convaincante, mais ça n'avait aucun sens. Je pensais pouvoir tout faire concorder. Donner du sens à tout ça. Mais je ne savais pas que cette fissure n'était que le début, et que les véritables problèmes allaient bientôt arriver.

 

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Episode 03 "SOURCES SUSPECTES"

Ben : Ray, dis-moi que tu as quelque chose.

Ray : H-Hm, oui … en effet.

Ray Kurzig est un bon ami, et quelqu'un d'impassible, un peu comme un robot. Mais c'est pour le mieux. En tant qu'analyste indépendant, il est le plus efficace et ingénieux chercheur que je connaisse. C'est pourquoi je l'avais branché sur cette histoire quelques jours auparavant. J'avais besoin d'invalider les propos de l'amie d'Ellie, Katrina. Il était dans le coin pour affaire, il a donc pris un peu de temps pour venir me voir à mon bureau.

Ben : Alors, Katrina m'a dit que John était mort à l'âge de 6 ans.

Ray : Oui.

Ben : Et que ses parents, qui sont supposés être morts dans un camp rebelle, étaient toujours en vie plusieurs années après.

Ray : Oui.

Ben : Elle ruine toute mon histoire, Ray ! Elle… Dis-moi, d-d-dis-moi pourquoi elle ment.

Ray : Eh bien, elle ne ment pas.

Ray avait trouvé des tonnes de copies d'enregistrements financiers indiquant que les parents de John étaient non seulement en vie après 2524, mais aussi qu'ils travaillaient et payaient leurs factures.

Ben : Ils sont morts en 2524 ! Allez, franchement !

Ray : Eh bien … désolé ! Leurs employeurs, et une multitude de marchants locaux ne sont pas d'accord avec toi. Je veux dire … les archives centrales n'étaient pas très grandes, mais si tu creuses suffisamment profond dans les archives miroirs, tout te saute à la figure… Les enregistrements sont là ! 

Ray est passé de documents en documents, tous corroborant les faits. Il m'a même montré une assurance médicale qui atteste d'une consultation d'un spécialiste en pédiatrie auto-immune datée de 2517, exactement à l'époque où Katrina dit que John est tombé malade. Je rigolais, mais je ne trouvais pas ça drôle du tout.

IA de l'ONI : Veuillez patienter.

Ben : Sérieusement… allez, allez, allez allez…

IA de l'ONI : Services de renseignement de la Navy … Relations publiques.

Ben : Enfin. Hey ! Sully !

Sully : Dis-moi des bonnes nouvelles, Ben.

C'était déconcertant de parler à un insigne de l'ONI encore une fois, mais j'étais optimiste : l'histoire avançait vraiment bien … Mais il y avait ce petit problème de données. Le rapport de décès, il était de retour. J'espérais que Sully règlerait ça pour moi.

Sully : Ben… je crois qu'on en a déjà parlé. Les rapports des planètes vitrifiées sont faussés.

Ben : Non, je sais, je sais, c'est juste que…

Sully : Les rapports des planètes vitrifiées sont mauvais, Ben, c'est la base du journalisme colonial.

Ben : …Ce ne sont pas les rapports en fait, non, non, écoute, Sully, si tu pouvais… les gens disent, les gens disent…

Sully : Tu es sérieux ? Les rapports des planètes vitrifiées…

Ben : Hey ! Est-ce que les personnes vitrifiées ont des rapports faussés ?!

Sully : …Ben, est ce que tu enregistres en ce moment ?

Ben : Oui.

C'était le signal pour me dire d'arrêter l'enregistrement. Le reste de la conversation fut bref. Sully m'a demandé si je souhaitais faire la prochaine interview. Ce qu'il voulait dire c’était : “Veux-tu garder ce travail ?”. J'ai dit oui.

IA de l'ONI : Cet appel est terminé.

Walker : Eh bien, comme vous pouvez le voir, je me suis en quelque sorte stationné de manière permanente sur cette plage.

C'était ma prochaine interview. Jacob Walker, ancien de la Navy. Il vit sur une plage communautaire non loin de Castellaneta. La première chose que j'ai remarqué à propos de Walker quand il a répondu à mon appel, c'était qu'il ne portait pas de chemise, ce qui nous a tous les deux fait rire. Il m'a expliqué qu'après 28 ans de services, en ce qui le concernait, ce n'était plus maintenant que repos et détente, toute la journée. Je ne pouvais pas contredire cette philosophie. Il a enfilé un t-shirt et je l'ai questionné à propos du Major.

Walker : Ah oui, John, bien sûr. Evidement que je me rappelle de lui.

La carrière de Walker avait commencé trois décennies plus tôt au sein de l'école des forces de reconnaissance navale, à Black Sea. Le peu qu'il savait du camp d’entraînement allait se transformer en quelque chose qu'il ne pourrait jamais oublier. Walker était aux côtés du jeune homme qui deviendrait le Major. L'intensité de cette époque de l'a pas quitté.

Walker : Je veux dire, ils nous poussaient vraiment jusqu'à nos limites. Mais John, et bien, il allait encore plus loin, sans même essayer. Si on se loupait, on ne savait pas trop de qui on devait avoir le plus peur, entre le commandant ou John.

J'ai d'abord pensé que Walker n'était pas impressionné.

Walker : Oh, non, mec. Je me rappelle, je pense que c'était la première semaine, il y avait pas mal de discussions. On était dehors, près de la tente du messe, moi et quelques autres crétins « rentre-dedans », le torse bombé et parlant de devenir des tueurs de sang-froid, marchant sur les cadavres et tout ça. Je voulais être dans le commandement plus tard. Et, bien sûr, j'avais 19 ans et je braillais comme pas possible donc bon, je me rendais bien compte que j'avais pas mal de concurrence. Pendant ce temps, il y avait ce mec silencieux venu de nulle part, se tenant à l'écart, regardant l'horizon. John. Ouais. Au début, j'ai pensé qu'il devait avoir 20 ou 21 ans. Il était plutôt costaud. Il s'est avéré qu'il n'en avait que seize. Enfin quoi, ce gamin n'était même pas dans les standards !

Peu de temps après, Walker raconte tout ce machisme qui en découlait, et aussi qu'un véritable chef a commencé à émerger en John.

Walker : Dans les exercices d'entraînements, quiconque finissait dernier trinquait sévère. Je veux dire, le dernier après 31 km ? Les autres rentraient en Pélican, toi en marchant. Et puis il y avait cet espèce de terrain mortel aussi… Reach est… enfin, était une planète plutôt rude. Mais John, il… il prenait le commandement à chaque fois. Pas mal de risques et de responsabilités. Il n'avait pas à le faire, mais putain, il le faisait. Et après, à la moitié du chemin, il commençait à rester en arrière, vous savez, pour aider les traînards. Vous êtes blessés, peu importe, il sera là et il vous aidera !

Et ce à chaque fois. Walker dit que John s'assurait toujours d'arriver en dernier pour recevoir la punition.

Walker : C’était sa façon de faire les choses. Il nous a tous donné envie de suivre son exemple. Persévérance, entraide ; comment dire, nous étions supposés le faire, mais personne ne le voulait vraiment jusqu'à maintenant. Enfin bref, on l'a fait. Mais prendre le blâme pour le groupe, ça c'était le truc de John. Je l'ai défié une fois, pour l'honneur. Je n'ai jamais refait cette erreur.

Walker entre dans la cinquantaine maintenant, mais il semblait avoir l'énergie d'un homme bien plus jeune. C'est comme si la volonté qu'ils avaient eu, lui et les autres recrues, et qui avait, en quelque sorte, été transmise par John plusieurs années auparavant, continuait toujours d'inspirer Walker. C'était remarquable ; il connaissait John, il avait vécu avec lui pendant plusieurs mois, et pour lui, John semblait apparaître comme un personnage mythique.

Walker : Ce qu'il était capable de faire, tout prendre sur lui et se jeter dans la gueule du loup, sans équipement. Sérieux mec, il n'était pas humain.

Petrosky : Cet enfant était un monstre, ok ? Comme tous les autres.

Anthony Petrosky, un retraité des troupes de choc aéroportées orbitales que j'ai trouvé grâce à Mshak Moradi. Oui, ce Mshak Moradi ; le même qui me harcelait de messages pendant des mois. Et oui, j'étais plutôt à court de pistes. Restons-en là. Mais Petrosky n'était clairement pas une source approuvée par la liste de Sully, donc je suis sorti du réseau pour le contacter par Chatternet. Et le voilà, racontant sa rencontre avec John.

Petrosky : Cet enfant était une bête de foire.

Ben : Vous pouvez être plus précis ?

Petrosky : Hé, je serais bien content de pouvoir. Vous savez, un jour moi et quelques autres gars on luttait dans la salle de gym.  Il y avait de gamin, enfin je pense qu’on peut l’appeler comme ça. Il était plutôt costaud, vous voyez, mais son visage avait plus l'air d'avoir 12, ou peut-être 13 ans.

Ben : 12 ou 13 ans ? Après avoir été enrôlé, John n'avait pas pu finir le camp d'entraînement avant l'âge de 17 ans au moins. Petrosky devait se tromper à propos de son âge, mais je le laissais continuer.

Petrosky : Quoi qu'il en soit, je pense qu'il jouait les durs quand un des gars lui a, euh, demandé son nom. Il lui a donné, mais comment dire : il y a mis les formes, vous voyez ? Et là, les gars commencent à l'insulter, de ce que j'en sais, et ensuite le patron ordonne au gosse et à quatre gars de monter sur le ring. J’imagine qu’il devait le combattre ou quelque chose comme ça

Ben : A-Attendez Anthony, vous êtes en train de me dire que l'officier a ordonné à quatre soldats de combattre un lycéen ?

Petrosky : Non, un gamin de 12 ou 13 ans, comme je vous l'ai dit.

Ben : Oui, si vous voulez, dans tous les cas, un maître a ordonné à quatre ODST de se battre contre un enfant ?

Petrosky : Oui mec. Mais tu as tout faux, ok ? Parce que ces quatre ODST… étaient comme des agneaux à l'abattoir.

Ben : Quoi, John les a écrasé ?

Petrosky : Non, Non, non, non. C'était bien pire que ça. 

Comme il le dit, les ODST on fait ce qu'on leur a ordonné. Ils ont encerclé John, et l'un d'entre eux a commencé à s'avancer. Ce qui s’est passé ensuite, d'après Petrosky, défie l'entendement.

Petrosky : Le son que produisaient les poings de ce gosse… c’était horrible. Ce n’était pas comme, des coups de poings, mais plutôt genre, des explosions. OK, j’étais de l’autre côté du gymnase, mais je les ai entendus. C’était affreux. Comme si l’on cassait du bois sur un tambour. BA-da-da-BA-da-da-BA-da-da-BA-da-da-BA.

Un des ODST encaissa un coup de plein fouet qui arrêta instantanément son cœur, le tuant sur le coup. Un autre reçu également un seul coup de John, un coup de poing qui lui enfonça le crâne. Deux victimes, un ODST au pelvis brisé, et un avec la colonne vertébrale en miette, il n’a plus jamais marché. Personne n’est intervenu dans ce combat. Ce fut fini en moins de 5 secondes.

Ben : Attendez, il les a… tués ?

Petrosky : Ce qu’il a fait était impossible…

Ben : Qu’est-ce que vous entendez par impossible ? Comme…

Petrosky: Comme, comme… il n’était pas humain, pigé ? Comme s’il était génétiquement augmenté.

Ben : Donc vous êtes en train de me dire que quelqu’un… avait augmenté John. Que quelqu’un avait génétiquement augmenté un enfant ?

Petrosky: Ok. Bien. Vous croyez que je mens.

Ben: Je crois que vous pensez sincèrement l'avoir vu, mais…

Petrosky : Bon. Non, bien sûr, ok, c’est… une dernière chose, Ben. Je me fiche que vous me croyiez ou non. Ça ne change rien pour moi. J’y étais et vous vous étiez autre part. Donc vous allez écrire votre petit article sur cette mascotte de l’armée et je vais m’asseoir là et boire une bière. Alors … Bonne chance.

Petrosky me laissa un goût amer dans la bouche. Ce n’est pas une nouveauté que les Spartans ont subi quelques augmentations et améliorations, mais ce sont des adultes pleinement développés. Est-ce qu’un jeune de 17 ans, probablement encore en pleine croissance, pouvait même survivre à ce genre de procédure ? Cela semblait extrêmement risqué, et si ce que m’avait dit Petrosky était vrai et que John n’avait que 13 ans ? Eh bien, c’était une sacrée accusation, aux implications éthiques à faire vomir.

J’étais en train d’y songer le lendemain quand le nom d’Ellie Bloom apparut dans ma liste d’appels. Je lui avais fait écouter une version « brute » de mon premier épisode et elle avait des remarques à me faire. Je ne voulais pas prendre le risque que quelqu’un nous écoute alors j’ai laissé passer l’appel, puis l’ai recontacté sur le Chatternet.

Ellie : Bon, deux choses.

Ben : OK.

Ellie: Deux choses importantes.

Ben : OK. Ouais.

Ellie: Cet entraîneur de boxe ?

Ben : Deon Govender, ouais ? 

Ellie: C’est un menteur. 

Ben : W- ah, OK, comment ça… il ment ?

Ellie: Il n’y avait pas de boxe au lycée.

Ben : Comment pouvez-vous en être sûre ?

Ellie: Parce qu’il n’y avait aucun cours de boxe sur toute la planète. 

Elle me dit qu’ils l’avaient interdit définitivement par décret il y a longtemps, après qu’un gosse eut été blessé. Par la suite, il y eut longtemps une controverse concernant l'illégalité de la boxe pour les enfants, mais pas pour le Gravball où les enfants subissaient aussi des commotions. Néanmoins, vers la fin du siècle, elle me raconta que plus personne ne boxait vraiment sur Eridanus II. Elle m’a même défié, me disant d’aller vérifier, de demander à n’importe qui de la colonie, ils me diraient la même chose.

Ellie : Et bien évidemment qu’il n’y avait pas de ligue enfants au lycée ! C’était comme avoir une boutique de flingues dans un magasin de jouets. C’est tout simplement faux. Et l’autre truc, ces enlèvements par des rebelles à Elysium ? C’est aussi faux.

Ben : Attendez. Je sais que ce n’est pas vrai. Vous vous trompez. OK, on sait de sources sûres que l’Insurrection était présente à Elysium.

Ellie : Ouais en effet, mais politiquement, ils s’efforçaient d’influencer la politique locale. C’était tendu, il y avait occasionnellement de éclats de violence, mais personne n’a été « enlevé ». Nous avons eu de la chance. C’était paisible. C’est pourquoi Elysium attirait les réfugiés. Donc l’entraîneur de boxe ? Un menteur. 

Je devais vérifier ses dires, mais j’avais le sentiment profond qu’elle disait encore la vérité. Mais qu’est-ce que ça signifiait ? Si elle avait raison et que rien de tout ça n’était arrivé, l’histoire toute entière était fausse. Et plus terrifiant encore, cela impliquerait que quelqu’un l’avait fabriqué de toute pièce.

 Je devais demander des explications à mes précédentes sources, et il me les fallait maintenant. J’ai essayé de joindre Deon, l’entraîneur de boxe, pas de réponse. Gabriella Dvorak, le lieutenant qui avait libéré John ? Sur le terrain, injoignable. Alors j’ai essayé l’ancien détenu et survivant Thomas Wu. Il a répondu.

Thomas : Bonjour.

Ben : Salut. Thomas ?

Thomas: Qui est-ce ?

Ben : Ouais, je suis désolé d’appeler si tard, est-ce qu’il est tard là-bas ? Il fallait que je vous demande quelque chose rapidement.

Thomas: Ok.

Je n’avais aucune idée de ce que j’allais demander.

Ben : OK, OK, êtes-vous… absolument certain que Elysium a subi le même sort que votre ville ?

Thomas : Hm, ouais. Je vous l’ai dit.

Ben : Je sais, mais Thomas, j’ai discuté avec des gens qui étaient à Elysium, et ils m’ont dit que ce n’était pas vrai. Je sais que vous avez traversé beaucoup d’épreuves, mais je veux seulement … je veux savoir la vérité. 

Thomas : … OK.

Benjamin : Êtes-vous absolument certain que Elysium était sous le contrôle violent des Insurgés ?

Thomas : Écoutez, ce que j’vous ai dit plus tôt, c’est ce dont j’me souviens. 

Ben : Non, je suis désolé, ah, je suis désolé, mais je n’y crois pas. Vous vous en souvenez parfaitement. Vous avez énuméré le nom de chaque ville sécurisée de la région et n’avez hésité qu’une seule fois.

J’ai inventé ça de toute pièce. Je jouais le tout pour le tout.

Ben : Vous avez hésité quand vous alliez dire « Elysium City » pas vrai ?

Thomas : Enfin, écoutez, je n’en suis pas sûr…

Ben : Elysium n’était pas aux mains des Insurgés, n’est-ce pas ?

Thomas : … Hey, vous êtes en train de les défendre ?

Benjamin : Non. Je ne les défends pas du…

Thomas : Vous savez, après ce qu’ils ont fait, comment pouvez-vous les défendre ? Ils nous ont enfermés pendant des semaines. Ils ont laissé ces gens mourir. Et ils ont fait la même chose dans toutes les colonies extérieures. Je veux dire, qu’est-ce que ça change que ça soit à Elysium ou autre part ? Après tout ce qu’ils ont fait, ce…

Ben : Thomas, Thomas… Thomas, écoutez je suis désolé de vous dire ça, c’est juste que…

Thomas : Je veux juste qu’on laisse ma famille tranquille, c’est tout ce que je veux…

Ben : Attendez… Je, euh, je ne comprends pas …Comment mentir à propos des Insurgés à Elysium peut permettre à votre famille d'être tranquille ?

À ce moment-là, Thomas parut soudainement complètement lucide, et son ton changea totalement.

Thomas : Je ne devrais pas vous parler.

Ben : Attendez, Thomas, attendez…

Thomas: Je ne peux pas. Laissez-nous tranquille.

Je devins moi-même brusquement lucide, suivi d’une seule et terrible pensée : toute cette conversation avait eu lieu sur Waypoint. N’importe qui aurait pu écouter.

Retrouvez-moi pour le prochain épisode de la Traque de la Vérité.

 

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Episode 04 "FRANCHIR LA LIGNE"

Thomas : Je ne devrais pas vous parler.

Ben : Non, attendez, Thomas… Ne raccrochez pas.

Thomas : Je ne peux pas. Laissez-nous tranquilles.

Ben : Nooon. Non. Non. Non. Non. Impossible. Ce n’est pas vrai…

Si vous cherchez un peu de discrétion en ligne, Chatternet s’avère être une assez bonne solution. Pas parfait, mais pour le gouvernement, relativement plus difficile à surveiller. Waypoint, par contre, est un livre ouvert. On dit que l'ONI dispose de logiciels sur le réseau capable d'écouter n'importe quelle conversation à l'échelle galactique. Et si vous prononcez certains mots, la conversation est signalée.

Ben : Oh mon Dieu, mais qu'est-ce que j'ai fait…

Ce que je venais de faire, c'était de poursuivre sans autorisation une interview avec un survivant des camps de guerre, l'accuser d'avoir menti, réussi grossièrement à lui faire avouer son mensonge, et soulevé la possibilité que mon employeur, la plus puissante agence militaire de l'histoire, est coupable de corruption ou de coercition. Et le tout sur Waypoint. J’étais sur le point de vomir.

Ben : Attends une minute. Attends une minute. Attends une minute…

Je me faisais peut-être des idées. J'ai réécouté la conversation : repéreraient-ils ce mot là ? Et celui-ci ? Cette phrase semblait suspecte, mais pas dans ce contexte. Ils prenaient en compte le ton de la voix, pas vrai ? Je restais assis, tentant de deviner le fonctionnement d'un algorithme ultrasophistiqué. En gros, j'essayais de me faire plus malin qu'une légion de machines.

Ben : Bon sang, Ben…

C'était trop tard ! Ces mots avaient été prononcés. Ces données analysées. Soit j'avais été repéré, soit non. Je n'avais aucune idée de ce qui allait se passer.

Je suis Benjamin Giraud, et ceci est la Traque de la Vérité.

Mshak : Benjamin !

Je n'avais jamais été aussi heureux d'entendre Mshak Moradi. Je lui ai fait vérifier la confidentialité de notre conversation trois fois.

Mshak : Calmos, on est au niveau de sécurité « chapeau en alu ». Ha ha ha ! Sérieusement, on est en totale sécurité.

Mshak avait sûrement remarqué que j'étais désespéré : après des mois à avoir ignoré ses théories, je lui demandais de me les exposer.

Ben : Qu'est-ce que se passe, là-bas ?

Mshak : Content que tu aies demandé : des schémas se dessinent, beaucoup de messes basses dans les bars militaires, des soldats ivres et mécontents, des graffitis corroborent leurs plaintes. La coupe est pleine…

C’est comme ça que Mshak parle. J'ai pensé un temps qu'il y avait réellement un groupe de personnes qui utilisaient ces termes, mais non. Juste Mshak.

Mshak : Mon pronostic : ça gronde dans les rangs. Armée, ODST, Marines, tous unis, des gros bras avec des poings levés.

Quand les soldats sont frustrés, ils ne font plus attention à ce qu'ils disent. Plus ils sont frustrés, plus leurs langues se délient. Là, c'était en train de se passer.

Mshak : …et le meilleur, c'est que ça devient de plus en plus simple de les repérer grâce à leurs cris de ralliement, dans le magma.

Ah, le magma. Cet énorme amas de données siphonné depuis les réseaux non sécurisés, l'outil préféré de tout théoricien du complot. Toutes les données sont légales, seulement il y en a un tel nombre qu’elles sont inutilisables. Mais Mshak, tout à son honneur, semblait parvenir à en tirer quelque chose de temps en temps. C'est assez incroyable. Je lui ai demandé la raison de la grogne au sein des rangs.

Mshak : MJ Un-Un-Sceptre.

Ça veut dire « le Major » chez Mshak.

Mshak : Il se « montre créatif ». Il pourrait avoir disparu des radars. FLEETCOM tente cacher tout ça sous le tapis comme s’ils contrôlaient la situation, mais en fait non. Les clairons jouent la note marron et les rangs grognent, l'armée n'est qu'une grosse masse ronchonnante.

Apparemment certains mettraient en doute les motivations et l'allégeance du Major. Le terme « traître » aurait été utilisé.

Ben : Sérieusement ? S’il désobéit aux ordres, c’est mauvais signe mais… de là à l'accuser de trahison ? Le type qui a sauvé l'humanité plusieurs fois ? C'est juste… c'est ridicule.

Mshak : Au final, voilà le fond du problème : MJ est le seul à avoir carte blanche dans l’armée, on l'a chargé de protéger la galaxie, une tâche si vaste qu’elle requiert une mobilité absolue. Mais ça fait beaucoup de pouvoir pour un seul homme, la dichotomie est là, Benjamin : pouvoir et responsabilités.

Mshak philosophait… et n'avait pas tort. Dès qu'il s'agissait de notre sécurité, les questions de pouvoir et de responsabilités étaient souvent traitées dans l'ombre. En tant que civils, nous sommes tenus à l'écart de ces secrets. Qui est où, que fait-il. Et d'après Mshak, cette ignorance pourrait bientôt se retourner contre nous, encore une fois.

Mshak : Il se prépare autre chose, Benjamin. Loin dans l’espace. Ça pourrait être une coïncidence, mais ça peut aussi être… de mauvais augures.

Mshak disait beaucoup de choses, mais il ne parlait jamais sans savoir. Je lui ai demandé ce qu’il entendait par « mauvaise augure ».

Mshak : Des fluctuations électromagnétiques, des perturbations du sous-espace, des corruptions épidémiques de données… tout. C'est réel. Discret, mais ça affecte tout. Des ondes colossales. À l'échelle de systèmes planétaires, c’est… je ne dis pas que je suis effrayé… Tu vois ce que je veux dire ? Mais pour être honnête…

Ben : Je suis désolé, Mshak. Attends une seconde, ne quitte pas.

Alors que Mshak dépeignait cette horrible réalité, l'interrompre était la dernière chose que je voulais, mais je devais faire face à une réalité tout aussi terrifiante et immédiate… Un événement était apparu sur mon calendrier, envoyé par Sully, sans message.

Ben : Oh non…

Mon estomac se transforma en une boule de plomb. J'avais un vol à prendre pour le quartier général de l'ONI à Boston dans trois heures… ils me convoquaient là-bas. Ça ne m'était jamais arrivé. J'ai dit au revoir à Mshack. Et il était maintenant affreusement évident que ma conversation avec Thomas Wu avait été signalée.

Le temps d'arriver sur Terre, je m'étais transformé en une incarnation du stress. J'avais passé chaque heure de vol à me ressasser les événements dans ma tête : les histoires qui se contredisaient, la suite des événements après Boston. Je ressemblais à un zombie.

La seule chose qui me réjouissait à ce moment-là était Petra Janecek. Je l'avais contactée juste avant de partir pour qu'on se rencontre avant que j'arrive au campus de l'ONI, et heureusement, elle était d’accord.

Petra et moi travaillons dans le même milieu : nous aidons le gouvernement à polir son image. Je l'avais vu pour la dernière il y a six ans, à la Nouvelle Mombasa, ce jour-là. Nous y étions tous les deux, nous avons tous les deux vu le Major agir. Mais après, alors que je me retirais plus loin dans la galaxie, Petra est restée et s'était fait un nom.

J'espérais qu'elle me tendrait une main amicale. Alors je me suis passé de l'eau fraîche sur le visage pour me remettre d'aplomb et l'ai rejoint dans un pub du coin.

Petra : Tu sais, pour un type qui revient d'un pèlerinage de six ans dans l'espace profond, tu es à l'heure, impressionnant.

Elle n'avait pas changé. Elle savait que j'avais décroché la mission concernant le Major, et elle n'aimait pas ça. Apparemment elle attendait toujours de se retrouver face-à-face avec lui. Je me suis retenu de rire, mais elle a continué sa petite crise de jalousie.

Petra : Alors que fais-tu ici ? Non, attends, laisse-moi deviner le titre de ton article : « l’indicible l'héroïsme ».

Ben : Un truc du genre…

Petra : Ha ! Je m'y attendais. À quoi ça ressemble un travail pour Sully de nos jours ? Suivre une liste de sources approuvées par l'ONI ?

Ben : Ouais…

Petra : Mais tu pourrais tout aussi bien le faire depuis ton caillou perdu dans l'espace profond. Alors que fais-tu là ?

Si vous ne l'aviez deviné : Petra ne passe pas par quatre chemins.

Ben : Sully m'a fait venir.

Petra : Sully… Quoi ? Il t'a fait venir ?

Ben : Oui, c'est de ça dont je voulais te parler.

Je lui ai parlé de ma confrontation avec Thomas Wu, comment elle se heurtait à d'autres sources alors qu'il était censé être une des sources principales de Sully. Mais ça ne l'a pas intrigué, elle a même semblé trouver ça mignon.

Petra : Wow, wow, Ben Giraud, déjà revenu dans la course ?

Ben : Non, non, c'est que j'ai fait l’interview sur Waypoint.

C'est là que j'ai eu son attention.

Ben : Je crois que j'ai été repéré.

Petra : Tu crois…

Ben : J'ai été convoqué par Sully quelques heures après.

Son visage et sa voix n'avaient pas changé, mais son regard était animé d'une nouvelle lueur.

Petra : Ben…

Ben : J'ai foiré, Petra.

Petra : Comment ça– ?

Ben : L'histoire ne tenait pas debout. Les incohérences entre les sources, et…

Petra : Des incohérences ? Avec des sources de l'ONI ?

Ben : Non, avec les miennes.

Petra : Tu as trouvé des sources dans les colonies extérieures ?

Ben : Oui, oui, je me suis fait des amis ces dernières années. Sully ne devait pas se douter que j'avais ce genre de ressources dans mon arsenal.

Petra : Visiblement non. Ben écoute moi… Tu étais un chien-chien du gouvernement. À ton apogée. Puis tu disparais au fin fond de l'espace, où tu es sensé être coupé de tout. Sans aucune motivation, c'est pour ça qu'ils t'ont choisi. Sully t’as balancé cet os, tu es sensé être reconnaissant, remuer la queue et aller chercher. Alors pourquoi est-ce que tu es allé pisser sur le tapis ? Tu as oublié comment ce monde tournait ?

Ben : Non. Je ne sais pas. Mais ça va mal, Petra…

Petra : Ben…

Ben : Et ce n'est pas de l'histoire ancienne. Il se passe des choses dans les colonies extérieures, des choses terribles, je parlais à ce gars la semaine dernière…

Petra : Mshak Moradi, je sais.

Ben : Hein ? Comment tu sais ça ?

Petra : Je suis restée une véritable journaliste ces six dernières années. Bref, je vois ce que tu veux dire.

Ben : On pourrait révéler tout ça, Petra.

Petra : Holà. OK, cow-boy…

Ben : Sérieusement, c'est énorme. Je ne sais même pas par où commencer pour raccorder les éléments de l'histoire que je suis sensé raconter. Mes multiples sources disent que le Major est mort à six ans, des récits complètement inventés, DES ENFANTS GÉNÉTIQUEMENT AUGMENTÉS…

Petra : Je sais ! C'est complètement fou un tel tarif pour un voyage sur la côte !

Petra commença subitement à parler, fort, de la plage en enfonçant ses ongles dans la peau de mon avant-bras. J'étais abasourdi, dans la confusion la plus totale, alors qu'elle racontait n'importe quoi en regardant son terminal de données. Que se passait-il ?

Petra : Tu devrais y retourner et négocier un meilleur taux…

Puis j'ai compris, et me suis figé. Ils écoutaient. J'ai remarqué des caméras fixées sur nous, ils étaient partout. Mais y avait-il une surveillance audio constante à présent ? Était-ce même possible ? Elle regarda son terminal encore une fois.

Petra : Ne lâche pas l’affaire ! Ben ?

Ben : On nous écoute ?

Petra : Les dernières 45 secondes oui, ils nous observent alors prend un air moins… dramatique. Parle de ce que tu veux, mais fais comme si tu parlais de la météo. Et si je me mets à parler de la météo, tu me suis, d'accord ?

Apparemment, le système ne commençait à écouter que s’il détectait certains signaux visuels : expressions faciales, langage corporel, tout ce qui semble intense, comme mon dernier emportement. La vidéo vous repère et isole momentanément votre conversation. Le charabia de Petra venait de me sauver.

Petra : Écoute, je te crois quand tu dis que la vérité sur cette histoire est… horrible. Mais ce que tu veux faire, c'est de l'amateurisme alors que tu peux faire du professionnel.

Ben : Mais j'ai…

Petra : Sérieusement, qu'est-ce que tu vas faire, Ben ? Sauter sur le scoop ? Tu es trop négligent, tu ne peux pas faire ça, tu es hors du coup.

Ben : Peut-être pas tout seul, mais avec ton aide, et celle d'autres personnes…

Petra : Honnêtement, j'aime l'idée d'étaler tout ça au grand jour, mais je suis désolée… Pas aujourd'hui et, je vais être brutale : surtout pas avec toi.

C'était brutal. C’était blessant, j'étais hors de moi. Mais je sus tout de suite qu'elle avait raison.

Petra : Ben… Prend le fric, fais ton boulot.

Ben : Oh mon Dieu, je suis sensé y aller…

Petra : Dis à Sully que tu étais bourré, que tu t'en es pris à lui sans raison, joue au con. Tu n'es même pas sûr d'avoir été repéré, cette rencontre pourrait être une totale coïncidence.

Ben : Ils m'ont convoqué. C'est tellement bizarre…

Petra : Ça ira, le pire qui peut…

Ben : Je n’avais jamais…

Petra : Écoute. Ben. Le pire qui peut arriver, c'est qu'ils annulent tout et te mettent à la porte. Ce sera tout. Je les vois mal… Non, ce sera tout. Sois un bon chien, reste en vie. L'addition est pour moi.

Ben : Merci Petra…

Petra : Et Ben ? Avant d'y aller, je te conseille de donner tout ce que tu as à quelqu'un de confiance. Juste au cas où…

C'était l'unique touche d'attention que je pouvais attendre d'elle. J'ai immédiatement suivi son conseil et commencé à préparer mes fichiers pour les envoyer à Ray alors que j’empruntais l'avenue Torreña vers l'ONI. Le campus était parfaitement implanté dans la ville : une cour, des immeubles noirs, des chênes, de l'herbe, un trottoir, … Ça ressemblait vraiment à un campus. Seul le trottoir était différent. Deux fois plus large que les autres dans la même rue. Et la moitié intérieure était faite de pierre noire. Une large bordure d'environ un mètre entourant le complexe.

Je me suis avancé droit vers cette bande d'obsidienne, mais il y avait quelque chose d’étrange dans la cour devant moi. Il manquait quelque chose. J'ai observé dans les deux directions sur le trottoir. Il n'y avait aucune barrière et aucun garde. Plein de passants, qui ne prêtaient pas attention au complexe, à l'exception d'une chose : aucun, pas un seul des travailleurs à la peau blanche, acheteurs, parents et enfants, ne marchait près de la moitié noire du trottoir. Sur un trottoir de quelques mètres, ils marchaient tous sur une seule file. Je me suis tourné vers le campus et ait écouté. Aucun oiseau. Voilà ce qui manquait. Aucun oiseau dans les arbres. En fait, il n'y avait aucun son dans l'air. Rien ne bougeait. Je restais à la limite de l'obsidienne. Je n'avais pas le choix. Je transférais les fichiers vers le disque dur de Ray, prenait une longue inspiration, et traversait la ligne noire.

Rejoignez-moi pour le prochain épisode de la Traque de la Vérité.

 

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Episode 05 "PLUS DE TEMPS"

Ben : Bonjour, je dois voir Michael Sullivan.

Réceptionniste : Vous avez rendez-vous ?

Ben : Euh, oui, je suis Benjamin Giraud. À 13 heures.

Devoir passer par l'accueil de l'ONI est une étrange formalité. Devoir m'annoncer que me demander qui je viens voir n'est qu'un poncif, un de leurs efforts pour mettre un visage humain sur leur travail. En réalité, la surveillance permettait de savoir où je me trouvais à tout moment depuis le début de mon voyage.

Depuis mon arrivée ce matin au terminal de Boston, cette réceptionniste avait sûrement été informée en temps réel de mon heure d'arrivée, déviations de mon trajet optimal, passages aux toilettes et vitesse moyenne de marche, d'une façon ou d'une autre. Bref, ils m'attendaient déjà.

Réceptionniste : Je vais les informer de votre arrivée, Ben.

Ben : D'accord, merci.

Tout le complexe était élégant et sombre, des lignes nettes à perte de vue, les matériaux de la plus haute qualité. Mais le plus impressionnant était la quantité d'espace et le silence. La salle d'attente était dépouillée : deux chaises minimalistes en fibres de carbone éloignées de quelques mètres, que je remarquais étrangement basses. Je me suis assis sur l'une d'elles. Elle était en effet très basse. C'était étrange. Je m'attendais aux soixante à quatre-vingt-dix minutes d'attente habituelles et cette position n'allait pas arranger mon anxiété. Mais alors que je sortais de quoi travailler, la porte derrière moi s'ouvrit.

Réceptionniste : Ben ? Monsieur Sullivan va vous recevoir maintenant.

Ben : Maintenant ?

Réceptionniste : Oui.

Je me levais maladroitement de la chaise et traversait la pièce. Mon cœur cognait dans ma poitrine.

Ben : Euh, merci.

Elle n'a pas répondu.

Je m'engageais dans un couloir étroit et vide, des portes fermées alignées sur les murs. Je m'apprêtais à me retourner pour demander où aller quand la porte se ferma derrière moi. Les lumières changèrent, éclairant une porte au bout du couloir.  Je marchais en passant devant ce qui devait être des bureaux. Mais, cependant, tout était insonorisé et je ne pouvais pas savoir si des personnes y travaillaient. Au bout du couloir, la porte de Sullivan s'ouvrit à la dernière seconde. En entrant, Sullivan n'a pas levé les yeux. Il était derrière son bureau, travaillant sur son terminal.

Ben : Hey…

Sully : Ben, content que tu sois là.

Je restais debout un peu maladroitement pendant quelques instants. Je réalisais qu'il s'agissait sûrement de la pièce d'où il me parlait à chaque fois. Elle était aménagée aussi simplement que le reste du complexe, mais quelques signes de personnalité se trouvaient derrière lui : des bibelots et une vieille horloge analogique simulée. Sullivan n'avait toujours pas levé les yeux.

Ben : Je dois, euh… Je…

Sully : Mets-toi à l'aise.

Il continuait de taper sur son terminal. Je m'asseyais sur une chaise, comme les précédentes, mes genoux au niveau de mes oreilles. Je me sentais étrangement éloigné de son bureau. J'ai tenté d'engager une conversation.

Ben : Euh, je ne pensais pas que tu aimais les antiquités, Sullivan. Où tu as trouvé l'horloge ?

Sully : Je l'ai toujours eue.

Ben : D'accord, d'accord… Alors…

Sully : Comment vas l'histoire, Ben ?

Ben : Bien, bien.

Sully : Tu as tout ce qu'il te faut ?

Ben : Absolument.

Sully : Je veux m’assurer que tu obtiens toutes les… disons… réponses à tes questions.

Ben : Ah, non… Euh, oui, oui ! Je veux dire, euh…

Sully : Parfait.

J'essayais toujours de comprendre ce qui se passait quand Sullivan arrêta de toucher à son terminal. Il leva les yeux vers moi pour la première fois avec une certaine lueur dans le regard.

Sully : Quelqu'un veut te parler, Ben.

Je suis Benjamin Giraud, et voici la Traque de la Vérité.

Sullivan marchait vite et je devais m'adapter à son rythme. Tout le complexe était connecté par un réseau souterrain qui le rendait bien plus grand qu'il ne le paraissait de l'extérieur. À mesure que nous nous enfoncions dans ce labyrinthe, notre environnement devenait moins bureaucratique et plus militaire. Et plus militaire il était, plus nerveux j'étais. >>>

Ben : Je ne savais pas… Je ne savais pas qu’ils laissaient entrer des civils aussi loin…

Sully : C'est un jour spécial, Ben !

Le département de Sullivan m'avait semblé vide, mais maintenant nous croisions de plus en plus de gens dans les couloirs,  beaucoup en uniforme. Ils ne parlaient pas, les yeux rivés sur leurs terminaux comme Sullivan, les manipulant tout en marchant. L'efficacité froide qui émanait de cette ambiance était palpable.

Sully : On y est.

Sullivan me fit entrer dans une grande et sombre salle de conférence et les portes se fermèrent derrière nous. Au centre se trouvait une grande table de conférence bien éclairée et entourée de chaises. Au-delà des lumières, les murs et le plafond haut étaient plongés dans l'ombre.

Sully : Assieds-toi.

Je coopérais et m'asseyais dans une des chaises, qui semblait se dérober sous moi. Je scrutais la pénombre et remarquais qu'un des murs était fait de verre noir, sûrement pour l'observation.

Sully : Tu veux de l'eau ?

Ben : Euh, non. Je… Ça ira, merci. Qui est-ce qui–

Sully : Besoin de vérifier ton micro, ou autre chose ?

Ben : Euh… Mon micro ? Est-ce qu'on–

Sully : Je veux être sûr que tu enregistres tout bien.

Ben : J'enregistre tout bien ? Écoute, je-

Sully : Calme-toi, Ben. Ça va être génial.

Ben : Sully, je veux juste dire que–

Sully : Ben ! Il va bientôt entrer, concentre-toi.

Ben : Sully– Sully je veux dire que je voulais–

Sully : Voici l'adjudant-chef Franklin Mendez !

Mendez : Bonjour, Ben. Comment allez-vous ?

Je me levais. L'homme qui venait d'entrer croulait sous les décorations : Gold Stars, Silver Stars, Bronze Stars, Purple Hearts, la Légion d'honneur. Il semblait endurci par des décennies de combat.

Ben : Bonjour, monsieur.

Mendez : Vous voulez que je vous parle du Major ?

Ben : Euh, je– Je…

Sully : Mendez est l'homme qui avait entraîné le Major, Ben ! Je t'avais dit qu'on te chouchouterait ! Tu auras tout ce dont tu as besoin pour cette histoire.

C'était une interview. Je ne m'y attendais pas du tout. Je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais, mais sûrement pas à un face-à-face de cette envergure. Toute mon anxiété venait de s'évaporer.

Ben : Oui, oui, bien sûr ! Donc, vous êtes vraiment la personne qui en connaît le plus sur les Spartans ?!

Mendez : En effet.

Ma conversation avec Thomas n'avait pas été repérée. Petra avait raison. Sullivan l'aurait au moins mentionné. Je n'y croyais pas. Mon soulagement se transforma en émerveillement. J'allais avoir la perspective de l'homme qui avait personnellement entraîné le Major.

Mendez : Oui, le Major avait la mauvaise habitude de sauter du Pélican avant qu'il n'ait atterri. Il laissait son armure absorber le choc. Mais c'était son droit après tout, et ça lui donnait un sacré avantage sur l'ennemi.

Aucun civil avant moi n'avait jamais entendu ce genre de détails concernant le Major. Mendez m'expliqua qu'après le camp d'entraînement, la combinaison unique de capacités et de volonté du Major lui valut rapidement une réputation.

Mendez : Ce gosse m'a vraiment impressionné. Sa perspicacité, sa vivacité d'esprit, ses capacités physiques, son jugement tactique. Même jeune, John avait tout ce qu'il fallait. Selon moi, il était prêt pour l'augmentation, et lui ne pouvait attendre.

Une fois les augmentations terminées, Mendez m'expliqua que tout le monde ne pouvait croire le résultat qu'elles avaient eu sur le Major.

Mendez : Les médecins ont dit que ses systèmes se sont adaptés parfaitement avec les technologies implantées. Son temps de récupération fut incroyablement court, mais le plus impressionnant fut la vitesse d'acclimatation de son cerveau aux augmentations. Après ce genre de procédures, c'est comme si vous deviez repartir de zéro.

Toute votre neurologie doit se reconstruire, et pendant que les autres réapprenaient à marcher, John courait, sautait, et combattait. Je n'avais jamais vu ça.

C'était la naissance du Major. Il avait progressé rapidement, prouvé maintes fois sa valeur sur le terrain et redéfinissait régulièrement les attentes qu'on pouvait avoir d'un Spartan. Durant toute sa carrière, Mendez avait vu et analysé ce dont un Spartan était capable sur le terrain, notamment de s'occuper seul d'une dizaine de Covenants.

Il me raconta la vitesse, la puissance et la précision qu'ils développaient au fil des années, et la détermination inébranlable du Major. Mais d'après Mendez, c'est autre chose qui fit du Major la légende militaire d'aujourd'hui.

Mendez : Je n'avais jamais vu un homme, augmenté ou non, prendre des décisions d'une telle importance aussi vite. Le Major pouvait mesurer instantanément les implications d'un choix avec un grand nombre de variables et trouver une solution créative. Il a fait face à des défis éthiques, tactiques, des situations terribles qui auraient donné à réfléchir pendant des années à la plupart des hommes.
Mais il faisait ses choix, sur le moment, et c'était toujours les bons. C'était incroyable. Et puis, il pouvait faire un saut surhumain vers un aéronef ennemi en plein vol, faire sortir son pilote à travers le cockpit, prendre les commandes et l'utiliser contre ses propriétaires. Il n'était pas en reste sur le terrain.

Mendez m’expliqua que le Major avait complètement modifié la définition du terme « servir ». D'après Mendez, c'était cette capacité de prise de décision qui différenciait le Major des autres soldats. Ce qui faisait de lui un meneur. Ce qui faisait de lui un héros.

Ben : Wow…

Mendez : Je suis content que vous écriviez cette histoire, Ben. Il est temps que les Spartans accèdent à la reconnaissance qu'ils méritent. Les gens doivent savoir les sacrifices que le Major et tous les Spartans ont faits pour notre sécurité.

Ben : Vous avez parlé de la personnalité du Major, son intelligence, sa loyauté. Je suis sûr que vous n'êtes pas du genre à discuter de vos sentiments, mais selon vous, avoir autant de responsabilités, est-ce dur pour lui ? Devoir protéger toute la galaxie, ça semble être un fardeau incroyable.

Mendez : Vous n'avez pas à l'imaginer, une chance pour vous. C'est un véritable fardeau, mais le Major a les épaules solides. Il peut prendre ces décision et faire son travail, et il accomplit ces tâches volontiers et de tout son être. C'est inspirant.

Ben : Oui, c'est incroyable, mais pensez-vous qu'un seul homme devrait posséder autant de pouvoir ?

Mendez : Là, vous voyez ? C'est cette tournure de phrase qui pourrait vous valoir des ennuis. On dirait que vous pensez que je ne pourrais pas répondre avec certitude, ce qui vous rend condescendant. Et rend cette conversation peu plaisante. Vous ne voulez pas ça, n'est-ce pas ?

Ben : Non, non, je–

Mendez : Vous voulez reformuler votre question ?

Ben : Bien sûr, bien sûr, désolé. Je–

À ce moment, la lumière de la salle changea et Sullivan revint à son terminal.

Sully : Ah, nous devons libérer la salle. Désolé pour le dérangement, messieurs, mais nous devons changer d'endroit.

Ben : Ah, je, attendez. Ce que j'aurais dû dire, c'est que, si nous laissons ce genre de décisions–

Sully : Attends Ben, je crois que nous pouvons aller à Jasper-9. On y va maintenant, si vous voulez bien.

Mendez : Très bien.

Ben : Oui, oui, d'accord.

Sully : Ce n'est pas loin.

Mendez : Attendez, messieurs. Il semblerait que je sois appelé ailleurs.

Ben : P– Pas de souci, je peux attendre.

Mendez : Ça ne sera pas long. Je suis sûr que Sullivan pourra nous planifier une autre rencontre vers 16 heures.

Ben : Bien sûr, merci.

Mendez : Vous feriez mieux de remercier mes Spartans pour ce qu'ils ont fait. La seule raison pour laquelle vous respirez l'air nécessaire pour poser cette question est qu'ils ont fait plus de sacrifices que vous ne pourrez jamais l'imaginer.

Mendez s'éloigna dans le couloir, disparaissant dans une foule d'hommes en noir entrant dans la salle de conférence derrière nous. Sullivan marchait, concentré sur son terminal. Je le rattrapais.

Ben : Sullivan…

Sully : Ouaip.

Ben : Où est-ce que je devrais aller à 16 heures ?

Sully : Ce n'est pas encore décidé ? Voyons voir… Zut, attends.

Ben : Quoi, quoi ?

Sully : On vient de recevoir une demande de rapport… Attends… Oui.

Ben : Hein, me concernant ?

Sully : Oui, il faudrait que tu ais envoyé tes premiers jets pour édition jeudi à 9 heures. Très bien !

Ben : Mais attends, je n'ai rien sur moi, tout est chez moi !

Sully : Tu pourras prendre le transport de 17 heures 30. Ça te laissera 24 heures pour leur envoyer tout ça à ton retour.

Ben : Mais attends, je n'ai pas terminé de monter les premiers épisodes !

Sully : C'est de l'éditorial, Ben. Ça sera leur problème.

Ben : Mais Mendez ?

Sully : C'était génial !

Ben : Mais je n'ai pas fini–

Sully : C'est du premier choix que tu as eu. L'interview du siècle. J'adore. Si tout le reste est à moitié aussi bon, ce sera diffusé absolument sur tous les canaux. Je t'avais dit que je t'épaulerais bien.

Ben : Oui, je sais, mais je n'ai pas terminé, je peux juste l'attendre ? Sullivan, je peux rester et terminer l'interview de Mendez ? J'ai du temps.

Sullivan s'arrêta. Il se retourna et vint s'arrêter devant moi. Pour la première fois aujourd'hui, peut-être la toute première fois, en fait, j'eus l'impression que j'avais l'intégralité de son attention.

Sully : Ben. Tu n'as pas le temps. Tu as un délai et un transport à prendre à 17 heures 30. D'accord ?

À ce moment, j'ai compris que ma conversation avec Thomas Wu sur Waypoint avait peut-être été entendue, finalement. Sullivan redevint lui-même et s'éloigna.

Sully : Vraiment, mec, c'est génial. Et n'oublie pas : une fois l'histoire diffusée, ils seront tous à tes pieds. Fais bon voyage, tu le mérites.

Voilà la traduction depuis l'ONI : je venais de me faire virer.

IA : Votre passe expirera dans 9 minutes.

Et l'IA venait de me faire comprendre que je n'étais plus le bienvenu. Je m'apprêtais à faire le long voyage de retour. Refaire un trajet après moins de 24 heures est déjà assez agaçant sans perdre son travail. Une fois assis, je voulais seulement dormir. Mais alors que nous décollions, quelque chose attira mon attention. Ou plutôt quelqu'un.

Ben : Quelqu'un se plaint auprès d'une hôtesse dans la cabine d'à côté. On dirait que c'est son premier voyage hors du système solaire.

Ce genre de voyage vers les colonies extérieures depuis la Terre comportait au moins un type du genre. Un VIP quelconque de la Terre qui se sent obligé de se plaindre des conditions du voyage en sous-espace.

Ben : Cette voix me rappelle quelqu'un… Ça m'a pris un peu de temps, mais je crois reconnaître… Je crois que c'est Jacob Walker !

Jacob Walker ! Le militaire retraité auquel j'avais parlé quelques semaines plus tôt, un type joyeux passant sa retraite sur la plage et ayant fait ses classes avec John. Ça n'avait aucun sens, il s'était retiré près de Saturne. C'était la dernière personne que je m’attendais à trouver dans un vol quittant la Terre.

Ben : On est en train de décoller, mais je dois en avoir le cœur net.

J'ai décroché ma ceinture et ait remonté le couloir, et en inspectant la cabine, je le vit. Assis, en train d'importuner une hôtesse. Mais il portait un costard-cravate et ses cheveux étaient bien peignés. Il ne ressemblait absolument pas au vacancier détendu vu durant l'interview. Je m'introduisais néanmoins.

Walker : Je n'essaie pas d'être difficile, mais vous ne pouvez pas avoir un air de cette qualité et–

Hôtesse 1 : Monsieur, je suis désolée il n’y a rien que je puisse faire concernant la qualité de l’air.

Ben : Jacob Walker ?

Les couleurs fuirent le visage de l'homme.

Hôtesse 1 : Monsieur, il faut vous asseoir.

Ben : Jacob Walker ?

Si vous pensez que je délirais et embêtais un businessman quelconque, voyez sa réaction lorsque je lui disais qui j'étais.

Ben : Je suis Ben Giraud. Nous avons parlé il y a quelques semaines.

Walker : Oh… Oui, bien sûr… L'histoire du camp d'entraînement… Oui, je me souviens.

Voilà le Walker dont je me souvenais.

Ben : Vous– Vous êtes là pour affaire ?

Walker bredouilla. Il semblait vouloir désespérément fuir, mais il était coincé.

Ben : Qu'est-ce que vous faites ici, sur Terre ?

Walker : Oh, et bien, je voyageais un peu–

Hôtesse 2 : Monsieur ! Nous sommes en vol, veuillez-vous asseoir.

Ben : Je croyais que vous étiez retraité.

Walker : Oui, oui, en effet. Mais, Ben, je crois que nous–

Ben : Je croyais que vous étiez retiré sur la plage ?

Walker : Oui…

Hôtesse 1 : Monsieur, dernier avertissement : allez immédiatement vous asseoir.

Ben : Vous allez attendre un peu ?

Hôtesse 2 : Non, c'est fini.

Ben : Non, je– Mais, lâchez-moi–

C'est là qu'un membre d'équipage m'endormit. Tout devint noir et ma conversation avec Walker s'arrêta là. Je me réveillais dans le terminal sur ma planète avec un terrible mal de crâne. Une fois chez moi, une mauvaise surprise m'attendait dans ma boîte mail : un ordre de l'Inner Territories Transportation Administration.

Ben : Procès-verbal, Benjamin Giraud, veuillez trouver ci-joint un ordre de l'ITTA concernant la condamnation civile due à l'incidents de vol. Quoi ? 50 000 crédits d'amende ?!

Au moins, l'ONI m'avait bien payé. Je vérifiais l'heure. J'avais 23 heures pour envoyer les fichiers à Sullivan. Ça me laissait du temps pour être un bon chien et suivre les ordres. J'avais été viré, mais je ne voulais pas manquer un prochain travail, je devais juste laisser tout ça derrière moi. Cette histoire serait le problème d'un autre. Je commençais le transfert des fichiers pour Sullivan quand je remarquais que mon terminal enregistrait toujours. Il avait tout entendu. Le fichier était lourd. Je l'écoutais du début, où on m'entendait surtout dormir, mais aussi quelques passages dont je ne me souvenais plus. Juste après que les membres de l'équipage se soient occupés de moi.

Walker : Oui…

Hôtesse 1 : Monsieur, dernier avertissement : allez immédiatement vous asseoir.

Ben : Vous allez attendre un peu ?

Hôtesse 2 : Non, c'est fini.

Ben : Non, je– Mais, lâchez-moi–

C'était le passage avec les sédatifs. Puis il eut ceci.

Agent 1 : On s'en occupe.

Hôtesse 1 : Attendez, quoi ?

Hôtesse 2 : Laisse-les faire leur travail, Carolyn.

Agent 1 : Monsieur Giraud, le règlement de l'ITTA requiert légalement que vous suiviez les ordres donnés par le personnel de bord à tout moment.

Ben : Qu'est-ce que… vous m'avez fait…

Agent 2 : Prends ses pieds.

Agent 1 : Donne-lui une autre demi-dose.

Plus de sédatifs ? Pas étonnant que j'ai un tel mal de crâne.

Ben : Attendez… Qu'est-ce que vous… Vous n'avez pas…

Agent 2 : Tout ira bien, Ben.

Ben. C'est comme ça qu'ils m'appelaient. Je sautais vers un autre morceau de l'enregistrement, où ils me transportaient dans le terminal lors du changement.

Agent 1 : Ouais, il sera dans les vapes pendant encore 12 bonnes heures.

Agent 2 : Qu'est-ce qu'il faisait dans ce vol ?

Agent 1 : Aucune idée, mais–

Agent 2 : L'ordre de non-intersection était de la plus haute priorité. Je n'ai aucune idée de comment ça a pu arriver. Le système n'aurait jamais dû laisser leurs itinéraires se croiser.

Agent 1 : C'est moche. Sullivan en entendra parler, c'est sûr.

Ils parlaient de moi et Walker, mais pourquoi ? Ils ne voulaient pas que je sache qu'il était sur Terre, mais pourquoi ? Ils m'ont chargé dans la navette, m'ont assis, attaché et fait leurs adieux.

Agent 1 : Bon voyage, Ben.

Ben. Comme si ils me connaissaient.

Agent 1 : Allez, on y va.

Je me repassais l'enregistrement, encore et encore. J'avais passé toute ma carrière au service de ces gens, retouchant des photos, détournant des sujets, réduisant la tragédie de certaines histoires et augmentant le patriotisme d'autres.

J'avais toujours pris les histoires qu'ils me donnaient et les régurgitais aux masses. Et j'étais toujours d'accord avec ça au final. Et maintenant, après toutes ces accusations, ces trous béants dans les faits que je devais ignorer… J'avais toujours joué leur jeu. Je pensais que les principes n’interféreraient jamais, et pourtant.

J'avais ma dignité. En écoutant cet enregistrement, comment ils m'avaient simplement jeté, comment ils m'appelaient Ben. Je vérifiais l'heure. J'avais encore un peu de temps avant d'envoyer les fichiers à Sullivan. J'annulais le transfert. Je voulais prendre ce temps pour moi.

Je m'asseyais dans mon fauteuil, devant ce même micro, enregistrais une courte introduction, et envoyais le début mon histoire, la véritable histoire du Major, complète avec ses incohérences, dans toute la galaxie.

Agent 1 : Bon voyage, Ben.

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Episode 06 "UNE HISTOIRE DE BOXE"

Message, Civil #1 : On s'en fout de qui ment, ou plutôt de qui vous croyez qu'il ment. Le Major a sauvé le monde et vous… Vous avez fait quoi ? Vous avez interviewé quelques fous et idiots pour monter votre petite théorie ! Laissez tomber, Giraud. Arrêtez votre merde.

[Lecture de plusieurs messages d’auditeurs]

Ma boîte était inondée de messages de ce genre depuis quatre jours sans interruption. Des voix des quatre coins habités de la galaxie. Un échantillon de témoignages et de théories d'une incroyable variété provenant de tous les coins de l'espace habité.

Plus tôt cette semaine, j'avais commencé la diffusion de mon histoire, la traque de la vérité sur le Major, posant une importante question  lourde d'implications à tous ceux qui voulaient l'entendre.
À présent, alors que je n'avais aucune idée de comment les traiter, les réactions déferlaient. J'avais accès un accès direct à un esprit de ruche de la taille de la galaxie, et son bourdonnement était assourdissant.

Mais avant cela, c'était le silence. Cloîtré chez moi en préparation des épisodes, je n'avais parlé qu'à deux personnes. Petra m'avait appelé pour savoir si j'étais revenu vivant de ma rencontre avec l'ONI, et j'avais contacté Ray concernant les problèmes sur mon vol. Il m'a dit qu'il creuserait sur l'identité de Walker. Je ne leur ai pas parlé de mon plan. Personne n'en savait rien.

Après avoir dépassé les délais pour le retour des documents à mon employeur, et alors que je terminais mon histoire, j'évitais les appels du bureau de Sully, gagnant du temps pour terminer mon plan. Avant que je n'uploade l'histoire j'étais confiant dans l'idée que l'ONI ne s'attendait pas à ce qui s'apprêtait à arriver jusqu'à ce dernier message de Michael Sullivan en personne. >>>

Sully : Ben… Le délai est dépassé. Ça enrage dans le coin, ils y tiennent à leurs délais, tu sais. Je leur ai dit « Ben sait bien ce que c'est », que tu avais sûrement un problème de ton côté. Je les ai convaincu de te laisser jusqu'à demain, dernière offre. Je crois que ton histoire est à un point critique, et en fonction de ce qui va se passer…
Ta vie risque de prendre un tournant décisif. C'est excitant. Bref… C'était juste pour vérifier une dernière fois. J'espère que tout va bien pour toi. À plus.

Toutes les pensées que j'essayais d'éviter, sur comment l'ONI allait gérer ce qui allait arriver, remontèrent dans ma gorge, mais je les repoussais.
J'ai pris ces données extrêmement sensibles du gouvernement, rassemblées sur une piste audio exposant ma propre opinion plutôt que celle de la propagande, et ait tout envoyé sur le réseau public. Le bureau de Sully arrêta d'appeler. Je n'avais pas entendre une seule voix familière avant cela. Je restais là, à écouter tous ces messages, terriblement seul, parfois terrifié, mais surtout exalté. J'avais pris la porte n°2, et l'ONI allait devoir faire avec.

Je suis Benjamin Giraud, et voici la Traque de la Vérité.

Message, Civil #2 : Vous osez appeler le Major un traître ?! C'est vous le traître, sale con. Faites une faveur à cette galaxie : jetez-vous à poil par un hublot. Les journalistes… Je vous déteste !

C'était fascinant, et souvent enrageant, d'écouter les théories de tout un chacun sur la vérité. Mais j'étais encore plus excité par l'idée d'utiliser tous ces retours pour discerner les faits dans le capharnaüm qui m'avait été donné.
De nombreux messages confirmaient ce qu'avait dit Ellie : tous les habitants des colonies extérieures s'accordaient pour dire qu'il n'y avait eu aucun enlèvement dans la ville de John, qu'il n'y avait pas de boxe sur sa planète, et que, oui, les rapports sur les planètes vitrifiés étaient pleins d'erreurs.
Rassemblés, ces messages me donnaient une vision d'ensemble : entre les témoins qu'on m'avait fourni et les rapports gouvernementaux, il était clair que l'ONI avait monté un immense mensonge. Mais pourquoi ? Pour cacher quoi ? Les messages avaient définitivement tracés la limite entre fiction et réalité, mais il ressortait surtout qu'une personne en particulier était impliquée, la seule qui avait vu John en vie entre six et treize ans.

[Messages, plusieurs auditeurs accusant Deon d’être un menteur.]

Ellie avait de nouveau raison : il n'y avait définitivement pas de boxe sur Eridanus II. Si l'histoire de Deon était fausse et qu'on prenait en compte celle de Gabriella où se trouvait le mensonge ?
Personne n'avait contesté les six premières années de la vie de John jusqu'à présent, la question était donc : qu'était-il arrivé à John entre ses six ans et son arrivée au camp d'entraînement à seize ans ? L'ONI voulait le cacher et je n'avais aucune idée de par où commencer.

Deon (Enregistrement) : John était différent…

Quelque chose me dérangeait. Si l'histoire de Deon était discréditée, cela faisait de lui non seulement un menteur, mais un terriblement bon menteur. Je réécoutais son interview. J'avais été tellement touché par ses émotions.
Plus étrange encore : alors que je savais qu'il n'avait pas fait une seule déclaration vraie, j'étais toujours enclin à croire que lui-même était convaincu de son histoire. C'était effrayant. Qui était cet homme ? Alors j'ai commencé à recevoir des messages de gens qui disaient le connaître.

[Messages, auditeurs prenant la défense de Deon Govender.]

Deon m'avait-il raconté une certaine version de la vérité ? L'ONI avait-il forcé un vieil homme vulnérable à raconter des mensonges ? L'avaient-ils convaincu qu'une histoire fausse de sa propre vie était réelle ? Quoi qu'il en soit, Deon avait été complètement discrédité et ma vision sur les origines du Major étaient plus floues que jamais.
Peut-être qu'en me concentrant sur les mensonges, j'arriverais à trouver la vérité. Alors, je plaçais tous mes espoirs sur Ray. Heureusement, il était déjà en route vers mon appartement. En l'attendant, j'essayais de comprendre où ce coup monté avait commencé. Et les théories ont commencé à apparaître.

Ben : Ray ! C'est bon de te voir, merci d'être venu…

Quand Ray arriva, j'étais fatigué. Je voulais lui parler de mes réflexions avant qu'il ne me dise ce qu'il avait trouvé sur Walker. Je voulais qu'il sache ce sur quoi je travaillais.
À présent, je réalise que je ne lui avais même pas laissé une chance de parler. Je comprends qu'après plusieurs jours d'isolement, mes manières n'étaient plus ce qu'elles étaient.

Ben : Merci, merci. Tu es vraiment le meilleur, assieds-toi.

Ray : Besoin d'aide ?

Ray essayait de trouver un endroit où s'asseoir, mon ménage ayant été délaissé.

Ben : Oh, excuse, laisse-moi juste… Ça, ça n'a rien à faire là.

[Ben pousse des objets hors de son canapé.]

Ben : Une question simple : que sait-on des origines du Major ?!

Ray : Ben…

Ben : Voilà : seules deux sources le mentionnent en vie à Elysium entre six et seize ans, Deon et Gabriella Dvorak. Deon est discrédité, et l'histoire de Gabriella mentionne un camp d'enfermement à Elysium City qui n'a jamais existé. La seule chose sûre à propos de l'enfance de John est qu'il est mort à six ans.

C'est là que j'ai déroulé ma théorie à Ray. À propos de l'identité de John, de pourquoi les informations ne concordaient pas, j'avais même fait ma propre rétro-ingénierie d'une interview de l'ONI, et j'avais analysé chaque détail.

Ben : … Et tu contrôles les journalistes, comme ça en cas d'incohérence, tu n'engagerais personne capable de le trouver dans les colonies extérieures.

Rétrospectivement, ce n'était pas une très bonne théorie. Certaines parties étaient bonnes, mais impossibles à prouver. Et en les racontant à Ray, je ne faisais qu'ajouter à la confusion.
Il fut extrêmement patient avec moi, m'écoutant, jusqu'à ce que j'arrive à une requête de recherche complètement déraisonnable et qu'il semble comme frappé par une tornade.

Ben : Est-ce qu'on pourrait accéder au profil génétique des dossiers médicaux du Major et à ceux des parents de John depuis des rapports médicaux pour les comparer, sans attirer l'attention ?

Ray : Hein ? Ben… Je suis désolé, mais je ne peux plus t'aider.

Ben : Quoi ? Pourquoi ?

Ray : Je suis venu pour te donner ces infos : Walker existe. États de service complets, son formulaire d'enrôlement indique Reach à la même période que John. Pareil pour Gabriella, leurs histoires concordent.

Ben : Mais nonnonnon, ils mentent. Tout ce qui s'est passé avec Walker pendant le vol. Tu l'as entendu, il joue un rôle ! Et Gabriella a été invalidée par des tonnes de gens qui vivaient à Elysium à ce moment–

Ray : Même si c'est vrai, quelqu'un a dû couvrir ces traces. Je n'ai pas pu discréditer leurs identités.

Ben : OK, d'accord, mais Deon ? Les messages à son propos ! L'ONI a manipulé un pauvre citoyen et je–

Ray : Non, Ben…

Ben : Attends… C'était quoi ?

Il y avait du bruit de l'autre côté de ma porte. Les couleurs fuirent le visage de Ray, mon cœur se mit à cogner dans ma poitrine.

Ben : Je crois qu'il y a quelqu'un dehors…

Ray était paralysé, je ne savais pas quoi faire entre éteindre les lumières, me cacher et passer par la fenêtre de la chambre, mais il était trop tard.

[Bruit sourd de porte défoncée.]

Petra : Tu as dépassé les bornes, Ben !

Ben : Non, attends, Petra ! Ah !

Petra : Tu pensais que je ne verrais rien ?! Hein ?!

Ben : Petra…? Ahhh !

Petra : Tu m’as enregistrée ?

Ben : Hein ?!

Petra: … Alors que je t'aidais ?! Salopard !

Ben : Hein… ? Oh ! Petra, Petra, désolé ! Je n'avais pas pensé que–

Petra : Tu n'y as même pas pensé ?!

Ben : Non, non, je te le jure !

Petra : Tu as– Assieds-toi Ray !

Ray : OK…

Petra : Tu as pointé ton terminal vers moi et tu n'y as même pas pensé ? Tu sais aussi bien que tout le monde que tu peux utiliser les mots de quelqu'un contre lui, et c'est pour ça que ton terminal est semblable à un flingue. Mais attends, j'en ai un, moi, de flingue ! Juste sous mon gilet ! Et si je le sortais et que je le pointais sur toi ?!

Ben : Non, s'il te plaît…

Petra : Tu voudrais que je réfléchisse à ce que je fais avec ?

Ben : Oui, mais, Petra–

Petra : Et si je ne le fais pas, Ben ? Hein ? Peut-être que je n'ai pas envie ? Peut-être que je vais le ranger… Ou balancer des enregistrements incriminant dans toute la galaxie !

Ben : Désolé, d'accord ?!

Petra : Et laisse-moi deviner, tu enregistres en ce moment, pas vrai ?

Ben : Oui.

Petra : Mais quel– !

Ben : Wow, wow !

Ray : Ben, vraiment ?

Ben : Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ?

Ray : Ne pas nous enregistrer, supprimer ce que tu as ?

Ben : Oui, mais j'en ai besoin pour l'histoire !

Petra : Je devrais vraiment le tuer, Ray.

Ben : N'en fais pas tout un plat, Petra.

Petra : Voilà le marché, Ben : je vais m'en aller et rentrer chez moi. Mon pistolet restera sage, mais je l'ai toujours sur moi. Si je te revois, je te plombe sans hésiter, compris ?

Ben : Petra, je suis désolé. Je n'aurais jamais dû faire ça, c'était idiot de ma part. Tu as raison, je ne devrais pas vous enregistrer sans votre accord, je n'aurais jamais dû vous le cacher, je sais !

Petra : Non, Ben, tu n'as pas l'air de savoir. Tu n'as l'air de comprendre à quel point tu mets en danger tout le monde autour de toi. Je te l'ai déjà dit : tu es hors du coup.

Ben : Je sais que je ne suis plus au point pour l'aspect technique, mais Ray s'en occupe…

Ray : Oh non.

Ben : … Et Mshak s'occupe de sécuriser mes liaisons, tout est sous contrôle.

Petra : Ben… Mshack est sûrement en train de nous écouter via ton terminal en ce moment même.

Ben : Mais non…

Petra : Pff… Mshack ? Tu es là ?

Mshak : Salut les gars !

Petra : Tu vois.

Ben : Je n’y crois pas ! Mshack, depuis quand tu nous écoutes ?!

Mshak : Oh, tu sais, je me suis infiltré il y a quelques semaines, tu sais, histoire de bien sécuriser ta ligne. Tu t'y prends tellement mal. J'ai juste laissé la porte déverrouillée…

Ben : Rassurant… Au moins nous sommes tous là…

Petra : Tous là ? Qu'est-ce que tu crois, Ben, qu'on est en excursion ?

Ben : Non, mais nous–

Petra : C'est la réalité, Ben ! Et tu donnes des coups de pied dans la fourmilière. Je m'en vais.

Ray : Ouais, moi aussi…

Ben : Mais attendez ! Qu'est-ce que tu me caches encore, Mshak ?

Mshak : Oh, pas grand-chose. J'ai détourné quelques logiciels d'observation, détruis des drones de surveillance, ce genre de choses. Je ai aussi fait en sorte que ton vol soit le même que Walker.

Ben : C'était toi ?!

Petra : Attends, tu t'es infiltré dans les systèmes de l'ONI pour modifier un protocole de voyage ?

Mshak : Yup.

Ben : C'est incroyable !

Petra : Vraiment ? Mais tu es un agent de l'ombre, et c'est de l'intervention active. Pourquoi as-tu fait ça ?

Mshak : Et bien… J'ai été contacté la semaine dernière par quelqu'un. Avant de t'en parler, je voulais que tu croise Walker, histoire que tu vois l'ONI paniquer et que tu saches que tu as le choix.

Ben : Un choix ?

Mshak : Je suis un pro avec des standards, Ben. Je ne peux pas révéler ça à n'importe qui J'ai une réputation, tu vois.

Petra : Qui t'as contacté ?

Mshak : Un agent dont j'avais entendu parler avant, sans jamais établir de contact : FERO.

Petra : FERO ?

Ray : Qui est FERO ?

Petra : C'en est trop, je vais me tenir le plus loin possible de vous, à plus. Bonne chance pour… Quoi que vous fassiez.

Ben : Petra !

Ray : Qui est FERO ?

Petra : Tu ne comprends rien. C'était déjà un sacré bordel et maintenant– Bon, chaque personne dans cette pièce a sa chance de s'en aller et de ne plus jamais entendre parler de cette affaire, même toi, Ben. Arrête les frais.

Ben : Pourquoi ? FERO peut nous aider à mieux comprendre ce qu'ils ont fait à Deon. On ne sait pas–

Ray : Ben. Je m'en vais. Je ne veux pas être mêlé à tout ça, mais je dois te dire que j'ai aussi cherché des infos sur Deon.

Ben : Et ?

Petra : Qui est Deon ?

Ben : La première personne que j'ai interviewé, envoyée par Sully. Mais tout ce qu'il a dit était un mensonge. Pourtant, Ray, toutes mes sources me disent que c'est une personne réelle.

Ray : Était.

Ben : Quoi ?

Ray : Ben, Deon est mort il y a sept ans.

Petra : Comment ça ?

Ray : Je n'ai aucune idée d'avec qui tu parlais pour cette interview. Mais ce prof de boxe auquel tu pensais parler est mort.

Ça a été un choc terrible. Deon était une vraie personne pour moi, je l'avais eu devant moi. C'était impossible. J'étais paralysé. J'ai à peine remarqué le départ de Ray.

Ray : Fais ce que tu veux avec mes enregistrement…

Ben : Merci, Ray…

[Ray quitte l'appartement.]

Ben : Ils ont tout monté… Avec qui ai-je parlé… ?

Petra : Je ne sais pas.

Ben : Qu'est-ce que je dois faire ?!

Mshak : Trouver plus de preuves.

Petra : Non. Ben…

Ben : Ça va. Petra, tu devrais y aller, tu as raison, tu peux laisser tomber tout ça, je comprends, je supprimerais les enregistrements. Je promets que–

Petra : Gardes-les.

Et Petra partit. Je comprenais. Ce n'était pas son problème, ni celui de Ray, et ça n'aurait jamais dû l'être.

Mshack : Bon… On fait quoi ?

Ben : Je dois parler à FERO, je peux le contacter ?

Mshack : T'en fais pas pour ça. Elle te contactera bientôt.

Rejoignez-moi pour le prochain épisode de la Traque de la Vérité.

 

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Episode 07 "ILS ÉCOUTENT"

Mshak [Répondeur] : Allô ?

Ben : Allez, Mshak…

Mshak [Répondeur]: Ah! Si vous croyez que c’est Mshak, j’vous ai eu ! C’était Mshak !

Répondeur : Message reçu il y a : 71 heures.

Mshak [Répondeur]: Même si vous avez tracé mon appel, la piste est déjà froide !

Ben : Comment a-t-il pu croire que c’était marrant ? C'est ça que tu choisis de laisser sur ton répondeur ? Ce n’est même pas drôle ! Mshak, tu n’es même pas drôle ! Ce n’est pas drôle !

Mshak [Répondeur] : Bonne chance !

Ben : Mshak, rien de tout ça n'est drôle !

Cela fait trois jours depuis la révélation à propos de Deon. Le gentil entraîneur de boxe que j'avais interviewé et dont le témoignage était faux ? Il s’avère qu’il serait mort depuis 7 ans… À qui ai-je parlé alors? Je n’en ai aucune idée. Quoi que cela puisse cacher, ce devait être quelque chose de bien plus sinistre. Ray et Petra ont fait le choix logique : ils ont coupés tout contact. Mshak était le seul qui n’avait pas jeté l'éponge.

Ben : Ho mon dieux tu sais quoi ? Ce n'est pas drôle Mshak.

Au lieu de ça, Il m’avait mis sur une bonne piste. Apparemment je suis sur le point d'être contacté par FERO, un mystérieux insurgé connaissant bien les tactiques de l’ONI et sont historique secrète. C’était la bonne nouvelle. La mauvaise : aucune nouvelle depuis. FERO ne se montrait pas, Mshak était injoignable, et durant les dernières 72 heures je n'ai fait qu’écouter ces deux ridicules messages préenregistrés, encore et encore.

Ben : Tu sais quoi … Qui va tomber dans le panneau ?! Je suis la seule et unique personne dans l’univers à vouloir te contacter !

Mshak [Répondeur] : Bonne chance !

Mon équipe était réduite à cet individu. Étrangement, l'idée que Mshak me surveillait constamment me réconfortait. J’aimais l’idée qu’au moins une personne était là, mais si c'était juste pour me confirmer que je suis en vie.

Mshak [Répondeur] : Salut, ça va ? On appelle pour me dire bonjour ? Alors que tu parles à un message enregistré ?! Perdu, idiot !

Et à présent, il était parti. Je commençais à craindre que quelque chose lui soit arrivé.

Ben : Mshak… est-ce que tu m'écoutes ? Dit moi juste si …

Mshak [Répondeur] : Est-ce que c'est toi ?

Ben : Mshak !

Mshak [Répondeur] : Je suis si content de t’avoir.

Ben : Oh Dieu merci ! Où étais-tu passé ?

Mshak [Répondeur] : Pour pouvoir t'annoncer que je me paie ta tête depuis 3 jours !

Ben : Putain, Mshak !

[On entend Ben lancer et casser des objets]

Ben : Oh mon dieu … Oh mon dieux si un joueur je le croise je le tue … je vais l'étrangler ce type !

Je suis Benjamin Giraud et voici la Traque de la Vérité.

Ray [Mesage] : Salut Ben, c’est Ray. Heu, écoute … tu aurais le temps pour boire un petit verre ?

OK, j’étais très heureux d’avoir des nouvelles de Ray. Avec Mshak qui manquait à l’appel, je commençais à perdre la tête. Tout ce qui aurait pu leur arriver, à eux ou Petra, aurait été de ma faute. Cet appel était donc un réel soulagement. Mais Ray n’avait jamais vraiment été le genre de type à inviter quelqu’un boire un verre, quelque chose avait dû le faire sortir de sa tanière. Je le rencontrais donc dans un bar miteux près de chez lui.

Ben : Alors, je suis ici avec Ray et… beaucoup de gens bruyants et ivres.

Ray : Vois-les comme une couverture qui nous permet de parler en secret.

Ben : Exactement, exactement, et Ray sait que j’enregistre cette conversation.

Ray : Ouais, j’essaie de ne pas y penser honnêtement, mais ça me va.

Ben : Donc…que voulais-tu me dire ?

Ray : Eh bien, mon ami pilleur est finalement revenu vers moi, il faisait quelques recherches sur les états de service de Walker.

Je ne m’y attendais pas. Je pensais que Ray voulait rester en dehors des magouilles du gouvernement autant que possible, mais il voulait en parler et j’étais tout ouïe.

Ben : Et ?

Ray : Tous les détails correspondent aux témoignages.

Ben : L’ONI détient tous les dossiers militaires, alors…

Ray : Eh bien, presque tous.

Selon Ray, chaque soldat enrôlé doit signer une attestation de service volontaire. Ainsi, si plus tard un membre de la famille en deuil avançait qu’il n'était pas volontaire, l'ONI avait la preuve du contraire.

Mais le bureau créé pour contrôler ce type de fichier est une vaste plaisanterie. Sur les quelques deux cent mille réclamations de service involontaire reçues au fil des années, toutes ont connu la même issue : les familles perdent et l'ONI gagne, à chaque fois. Le processus est si automatisé selon Ray que quand son gars a retiré le dossier, il s’agissait de la première demande reçue par le système d’un être humain, en 50 ans. Et Ray rayonnait, je savais qu'il s'apprêtait à faire sa révélation.

Ray : 180 jours après que le service d’un soldat se soit terminé, le système est supposé reclasser le dossier de « service actif » à « retraité ».

Ben : Non…

Ray : Si…

Ben : Le dossier de Walker n’était pas classé comme retraité…

Ray : Et il n'est pas actif non plus. Jacob Walker est le seul soldat de la base de données militaire qui n’est enregistré ni actif, ni retraité.

Ben : Ils n’ont rien remarqué ? Comment ont-ils pu passer à côté de ça ? Personne ne vérifie ?

Ray : Non… Personne sauf moi !

Ray avait trouvé une faille dans les manipulations bureaucratiques de l'ONI et ce n'était pas terminé, car la suite de la conversation m'a complètement soufflé. Mon vieil ami analyste Ray Kurzig avait utilisé mon enregistrement du témoignage de Walker comme schéma pour scanner l’agglomérat à la recherche d'une voix similaire. C'était du travail de pirate !

Ben : Quoi ?! Ray… Tu es génial ! Qui est en face de moi ?!

Ray : Et tu vas adorer ce que j'ai trouvé, Ben.

Jacob Walker [Enregistrement]: Prépare-toi à reprendre la route, Ganymède ! C'est l'occasion ou jamais d'être le premier de la planète à recevoir ton propre 'Hog ! Plus de trois tonnes de–

Ray : C'était notre Jacob, il y a 19 ans, en train de vendre un véhicule utilitaire pour une enseigne quelconque !

Ben : Non… C'est une pub ?

Ray : Ouaip. C'est un acteur.

Walker [Enregistrement]: Le nouveau 'Hog 56 vient de sortir ! C'est la Belle et la Bête.

Je ne pouvais pas y croire. J'écoutais la voix d'un soldat considéré par l'ONI comme une source sûre faire une pub pour un revendeur de 'Hog sur Ganymède … alors que les enregistrements le plaçait à l'autre bout de l'espace humain. Walker était une pure invention de l'ONI, et Ray avait pris le salaud la main dans le sac.

Ben : C'est incroyable !

À ce moment, assis avec Ray et un verre, toute la frustration et l'anxiété qui m'habitaient ces dernières semaines s'évaporèrent. Nous commandâmes une autre tournée, Ray rigolait, nous ne parlions même plus de l'histoire, et pendant quelques instants je me sentais… normal.

Ça n'a malheureusement pas duré. Les implications se formaient dans mon esprit et les inquiétudes revinrent à la charge. Si l'histoire du camp d'entraînement de Walker n'était pas réelle, alors le flou autour de l'origine du Major s'étendait au-delà de son faux enrôlement à seize ans. Jusqu'où tout cela allait-il ? Où commençait la vérité ? Tout ce que je savais en sortant de ce bar, c'était à qui je devais parler. C'était à la seule personne dont le témoignage avait contredit celui de Walker et que j'avais tout simplement ignoré. J'espérais juste qu’Anthony Petrosky me répondrait.

Petrosky: Oh oh, alors maintenant vous voulez entendre mon histoire.

Ben : Euh, oui. Je… Je vous dois des excuses. Je ne savais pas quoi croire à ce moment, je… J'aurais vraiment dû vous offrir le bénéfice du doute–

Petrosky : OK, ne rendez pas les choses trop bizarres.

C'était dérangeant, mais après quelques minutes Petrosky commença à parler plus naturellement.

Petrosky : J'ai écouté votre histoire.

Ben : Vraiment ? Vous en pensez quoi ?

Petrosky : Et bien… L'ONI ment non ? C'est dégoûtant, ils inventent tous ce qu'ils veulent, que si on était stupide ou un truc du genre. "Oh, où est le problème ? Oh, l’espace profond ? Bon, on a qu' dire qu'il y avait un planète vitrifiée à cet endroit, avec quelques insurrectionnistes dessus". C'est ridicule. Vraiment ridicule. Les gens des colonies extérieures, les auditeurs, vous avez toute leur attention.

Ben: Oh, je sais …

Je savais exactement quelles questions poser à Petrosky … mais je ne voulais pas les poser. Honnêtement, j'avais évité cette question pendant toute ma carrière. Les origines du programme Spartan étaient couvertes d'une brume noire et épaisse. Les civils l'ignoraient mais les soldats en avait toujours parlé à voix basse dans les rangs. Les quelques détails que j'avais pu rassembler durant mes années au front m'avaient convaincu que c'était une porte que ne voulais pas ouvrir. C'était difficile de l'admettre. Je l'avais toujours évité, mais je ne pouvais plus le faire. Anthony allait tout me dire. Je devais juste rassembler le courage nécessaire pour demander, et voici ce qu'il me dit.

Petrosky : Écoutez, tout ça, ce n’est que des rumeurs, mais tout le monde en parle. Que l'ONI kidnappe des enfants et les remplacent par des faux pour couvrir leurs traces, des clones. Des clones condamnés à tomber malade et mourir. Les familles pensaient qu'elles enterraient leur enfant… mais en réalité, ils étaient maintenant la propriété de l'état, entraînés pendant des années par l'ONI pour devenir des Spartans. Et quand ils sont à peine adolescents, on les augmente biologiquement, une manière de dire qu'ils les charcutent pour les reconstruire avec de nouvelles technologies. N'importe quoi qui puisse donner un avantage tactique au gouvernement. Putain, leur taux de survie était de, quelque chose comme… bref, ceux qui y survivaient, l'ONI les lâchaient, pshh, les envoyaient à l'autre bout de la galaxie pour éliminer ce qui gênait. Tout ça est top secret, « les Spartans sont super-secrets, alors chut, ferme-la, soldat ». Puis les Covenants débarquent. La Terre est au premier rang et d'un coup, tout le monde leur fait des ronds de jambe et s'agenouillent sur leur passage, parce qu'ils sont l'élite de l'humanité. Mais ils ne sont pas humains. Personne ne sait réellement ce qu'ils y a sous leurs masques mais ce ne sont pas des héros, et ce ne sont pas des personnes. Quoi qu'ils soient … ils ne sont pas nous.

C'était l'histoire que je ne voulais jamais entendre. Je ne pouvais rien prouver. Je ne pouvais pas publier des rumeurs. Mais cette histoire était la seul explication cohérente que j'avais entendu depuis le début et elle donnait raison à l'ONI de vouloir l'enterrer. Parce que cette vérité était cauchemardesque. La vérité était une trahison, planifiée et menée dans l'ombre en toute impunité.

Quand vous laissez ce genre de pouvoirs agir dans l'ombre assez longtemps, quelque chose de sombre en prend possession. Sans limites et surveillance, notre nature nous pousse au vice au nom de l'efficacité. À nous débarrasser petit à petit de notre humanité en justifiant chaque pas jusqu'à ce qu'elle ait disparu. En racontant cette histoire, Tony venait de faire voler en éclat une omerta. Je lui ai demandé pourquoi.

Ben : Vous n'avez un code de conduite, genre secret professionnel à respecter ?

Petrosky : Quel code ? Celui de l'ONI ? Ouais, je m'en fiche. Je n'en veux pas au petit John, le Major, ou comment vous décidez de l'appeler. Il fait ce pour quoi on l'a programmé. Mais l'ONI, l'ONI est le vrai croque-mitaine. Un sous-officier sadique voulait tester ses nouveaux jouets et il les huiles avec le sang de mes camarades ?! Ils peuvent aller se faire foutre.

Ben : Vous n'avez pas peur des représailles ?

Petrosky : Et qu'est-ce qu'ils vont faire ? Dites-moi ? Qu'est-ce qu'ils pourraient faire pour me pourrir la vie encore pire. Impossible de faire pire. C'est trop tard. Je comprends, Ben, vous n’avez pas vu ma maison, là où je vis. Je vous dis juste un truc : vous préféreriez un refuge pour sans-abris. Je bouffe des protéines en boîte, putain. Je suis à un retard de paiement de me retrouver à la rue, constamment. J'ai un bras en titane. Privilèges de vétéran ? C'est de la merde, sur cette planète. Voilà comment ils me remercient pour avoir accepté qu'ils m'envoient à l'abattoir pendant 15 ans. Pour avoir mis en jeux ma vie chaque putain de jour pour eux. Et vous pensez que je dois leur obéir et fermer ma gueule ? Je ne leur dois rien. Pas après ce que j'ai vécu.

Ben : Je… Je vous remercie. Je … Je dois vous laisser. Je dois y aller

Je pourrais paraître insensible, mais alors que Petrosky me parlait de ses difficultés, mon esprit était ailleurs. Son histoire m'avait troublé. J'ai dit que je ne me sentais pas bien, que je devais raccrocher. Il comprit.

Petrosky : J’espère que ça vous aidé ?

Ben: Oui, complètement. Merci.

Je devais prendre du recul pour analyser l'ensemble de ce qu'avait fait l'ONI, mais mon esprit s'y refusait. A la place, il se fixait sur une seule chose : les clones des enfants enlevés. Dans la masse d'informations que m'avait transmises Petrosky, je m'imaginais la vie tragique de ces clones.

Ils étaient humains, créés en laboratoire, altérés pour que leurs corps grandissent plus vite, leurs os étirés, des nourrissons gonflés pour paraître avoir six ans. Quelqu'un leur a appris à marcher, à parler. Avaient-ils seulement eu un seul contact physique ? Un seul regard les yeux dans les yeux ? Un nom ?

Quand l'ONI les avait envoyé remplacer un autre enfant, en les laissant dans un endroit inconnu et sombre, le lit devait encore être chaud. Au matin, la famille entrerait dans la chambre, des étrangers auxquels ils seraient incapable d'expliquer quoi que ce soit. Personne ne serait là pour les réconforter. Ils seraient perdus. 

Puis, ils commenceraient à mourir. Se brisant, s'affaiblissant petit à petit entourés d'étrangers déboussolés et en pleurs incapables de les aider, de docteurs essayant frénétiquement  de stopper ce qui rongeait vivant ces petites personnes terrifiées. C'était une cause perdue dont chacun devrait porter la douleur, car personne ne savait que ces enfants avaient vécu dans le chaos jusqu'à ce qu'ils meurent dans la souffrance, parce qu'ils avaient été conçus pour ça. Le cauchemar de ces clones n'était pas un effet secondaire du plan de l'ONI, le cauchemar était le plan.

FERO [Voix brouillée]: Tu as entendu toute la déplaisante histoire ?

Il faisait nuit lorsque je fus réveillé par cette voix. Je vivais seul et quelqu'un m'appelait dans les ombres." Ben, par ici". J'étais pétrifié. Puis je réalisais qu'elle émanait du réseau, mon système de communication avait été piraté. J'ai commencé à enregistrer. FERO était là. Et elle s'était mise à l'aise.

FERO : Tu as écouté, cette fois ?

Ben : Oui. Je me dis que si cette histoire était divulguée, si on pouvait tout prouver, ça pourrait être l'étincelle qui met le feu.

FERO : Peut-être. Mais vous n'avez pas grand-chose sous la main. L'ONI contrôle 90 % des moyens de communication, ce feu prendrait trop de temps à se propager. Nous n'avons pas ce temps. Quelque chose approche.

Ben : Quoi ? Qu'est-ce qui approche ?

FERO : Les anomalies dans l'espace profond que ton ami Mshak surveille. Nous ignorons encore de ce dont il s'agit, mais ça devient plus fort. Les choses s'agitent au-delà des limites de l'espace contrôlé, et nous devons agir plus vite qu'elles.

Ben : Ok. Comment ?

FERO : Il y a des oreilles attentives au sein de l'UEG. Des gens tenus à l'écart des secrets, des gens puissants. Ils pourraient renverser la situation s’ils venaient à entendre ton histoire.

Ben : De qui parlez-vous ? Des politiciens ? Qui l'ONI tient-elle à l'écart ?

FERO : Il y a des sénateurs puissants qui ne savent rien de ce qui se passe. Tu dois tout leur révéler. Dis-leur la vérité, en face de l'ONI, dans la même pièce pour qu'ils ne puissent pas manipuler l'information et que les sénateurs puissent tout mettre au clair.

Ben : Mais qu'est-ce que je peux faire ? Arranger une réunion entre l'ONI et le sénat ? Si on pouvait faire ça, l'ONI ne m'inviterait jamais à cette réunion, nous n'aurons jamais l'opportunité de faire ça !

FERO : Nous créerons l'opportunité.

Ben : Comment ?!

FERO : En créant la panique. Nous donnons au public une vérité brutale. Une information tellement révoltante que l'ONI sera incapable de la contrôler

Ben : La vérité sur le programme Spartan …

FERO : Non. Pour attirer l'attention des sénateurs, le public a besoin d'une information récente et explosive. Le public doit créer une vague touchant aussi bien les colonies extérieures que la Terre, si c'est trop complexe ils manipuleront les faits et nous n'avons pas le temps pour un feu lent. Le public a besoin d'un message simple : que nous sommes tous en danger de mort. Et c'est ce que nous allons lui donner.

FERO était une force de la nature. Quelque chose d'immense s'apprêtait à arriver. Cela allait mener l'ONI et les principaux politiciens à se rencontrer dans la même pièce pour que je puisse leur révéler la vérité, et tout dévoiler au grand jour.

FERO : L'ONI sera à l'endroit précis où l'on veut qu'il soit, et ensuite je me chargerai d'ouvrir les portes. Et quand tu y seras… Saute-leur à la gorge.

Rejoignez-moi pour le prochain épisode de la traque de la Vérité.

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Episode 08 "TIC, TAC, TIC"

Petra [Message] : Ben, qu'est-ce que tu as fait ?! Tu te rends compte du bordel que t'as mis ?! Je ne peux même pas– Tu fais quoi ?!

Assistant [Message] : Ce sont des flux en direct depuis-

Petra [Message] : Je sais ce que c’est, pourquoi tu me montres ça ?! Donne-moi le rapport !

Assistant [Message] : Je pensais juste que-

Petra [Message] : Ben, je te recontacte, je dois virer un idiot. Et pour une bonne raison !

C’était la première fois que j’entendais Petra depuis un moment.

Petra [Message] : Ben, sors ton cul du lit et appelle-moi. Maintenant !

À en juger par le message qu’elle m’avait laissé pendant la nuit, quelque chose d’important était en train de se passer. Je l’ai rappelée directement.

Petra : Eh bien Ben, mes félicitations. Tu nous a tous plongé jusqu’au cou dans les flammes. Tu voudrais bien nous expliquer pourquoi ?

Ben : Euh…

Je n’avais aucune idée de ce qui se passait.

Petra : On a tout le temps aujourd’hui, Ben.

Et Petra le remarqua.

Petra : Oh, ce n’est pas toi qui as fait ça.

Ben : Qu-quoi ? De quoi sommes-nous–

Petra : Je n’ai pas le temps pour ça, regarde ton fil d’actualités et rappelle moi.

Je fis ce qu’elle disait. Et le fil me frappa d'une immense vague d’informations, d'une ampleur jamais vue. Chaque journaliste, chaque moyen de communication, chaque réseau social, en fait presque toute personne en vie parlait de la même chose : la fuite. La fuite ! Elle avait frappé le réseau pendant la nuit et concernait le Major. Je ne comprenais pas.
Les civils avaient toujours été tenus à l'écart des activités des Spartans. Et maintenant c’était en une de chaque journal ?

Je survolais l’histoire frénétiquement. Je voyais les mêmes références ressortir à chaque fois : complicité avec l’ennemi, pertes civiles, enlèvement d’un héros. L’assassinat d’une icône.

Ben : Oh mon dieu, non… Quoi ?! Il se passe quoi ?!

C’est le Major qui a fait ça ? Ces informations étaient des faits rapportés par des journalistes.

L’opinion publique était beaucoup plus effrayante. Tels des missiles partant dans tous les recoins habités de l’espace. Cette fuite, quoi qu'elle dise, avait commencé à diviser les gens. Les deux camps tentaient de prendre le dessus en échangeant des hypothèses.

J’avais besoin de voir la source originelle. Cela ne me prit pas longtemps. Tout le monde avait le même fichier : un rapport d’incident effacé concernant une ambassade aux limites de l'espace habité, qui avait déjà été visionné environ un demi-milliard de fois.

Ce que ce rapport disait était parfaitement clair : il y a 10 jours de cela, dans les colonies extérieures, le Major était subitement apparu, au beau milieu d’une ville densément peuplée, dans une ambassade régionale. À l’intérieur se déroulaient des pourparlers très attendus entre délégués humains et aliens, la dernière ligne droite vers un accord historique.

Le Major entra en force et tua instantanément le garde du corps de l’ambassadeur des colonies extérieures Richard Sekibo, engageant un échange de tir qui provoqua la mort de 19 personnes.
Il enleva l’ambassadeur et se fraya dans le sang un chemin à travers le personnel de sécurité, les abattants tous un par un alors qu’il escortait la délégation alien en sécurité ? Une fois à bord de leur moyen d’extraction, ils s’échappèrent de la planète, laissant derrière eux des années de travail diplomatique en ruines. Le lendemain, les représentants légaux locaux perçurent un signal de détresse dans un champ à proximité. À cet endroit, ils trouvèrent l'architecte des pourparlers, le noble activiste pacifiste Richard Sekibo, vu pour la dernière fois aux mains du Major, mort, allongé dans l’herbe.

Je suis Benjamin Giraud, et voici la Traque de la Vérité.

Ben : Petra ! Qu'est-ce qui se passe ?

Petra : Je ne sais pas, mais je suis en train d’analyser les faits depuis 7 heures et ça ne sent pas bon. Les complotistes l'appellent déjà : « le Spartan déchu ».

Ben : Attends, tu penses que tout ça s'est vraiment passé ?

Petra : Dis-le moi, maintenant : c’était FERO ? Elle a fait ça ?

Je lui disais que je ne savais pas, ce qui était techniquement vrai, mais c’était l'évidence même. Bien sûr que c’était FERO. Mais pourquoi ? Cela n’avait aucun sens. Pourquoi traîner le Major dans la boue comme ça ? Après tout ce qu’il avait fait pour nous ? Après tout ce que l’ONI lui avait fait ? Au fil des années, il avait affronté de terribles situations.
Il était impossible de dénombrer le nombre de vies en jeu. L'ONI nous avait tous gardés dans le noir. Mais peu importe que le Major ait toujours fait les bons choix ou non, ce n’était pas le problème. Il n’aurait jamais dû supporter toutes ces responsabilités. Il supporterait maintenant toutes les fautes.
Ce n’était pas juste. Alors que Petra relayait ce que certaines huiles disaient sur le Major sur Terre, je commençais à me sentir vraiment dégoûté.

                [Waypoint subit un bug, extinction]

Puis Petra disparut avec Waypoint, mon terminal, tout…

Voix d’automate : Votre réseau rencontre actuellement un problème. Un diagnostic sur site immédiat est requis. Voulez-vous que je fixe une date ?

Ben : Oui !

Voix d’automate : Le premier rendez-vous possible est disponible dans 12 jours à 15 heures. Voulez-vous que je fixe cette date ?

Ben : Mon dieu, c’est une blague ?

Voix d’automate : Je suis désolé, mais je n’ai pas compris votre dernière réponse. Voulez-vous que je fixe cette–

Ben : Oui !

Voix d’automate : Rendez-vous fixé. Tous les services vont être désactivés. Bonne journée.

Ben : Non ! Ne faites pas ça !

Ils me coupaient les communications pour 12 jours ? Ce n’était pas un problème de réseau. L’ONI essayait de me mettre hors course. Et bien sûr, ils le faisaient discrètement. Les piratages de sécurité de Mshak m’avaient permis d’avoir une longueur d’avance la plupart du temps, mais je n’avais plus le temps pour ça. Il fallait que je sache si les choses allaient s’accélérer.
Je devais trouver Mshak et pour ça, il fallait que je trouve un endroit sûr avec une connexion valide et sécurisée. J’emballais donc quelques affaires et je partais. Je prenais des chemins détournés, évitais la surveillance. J’avais de toute façon besoin de changer de lieu de travail pour une destination inconnue, par précaution.
Le dernier coup de l’ONI m’obligeait juste à le faire plus rapidement. Alors que j’arrivais, mon contact m'installa et une fois en ligne, un message m’attendait.

Mshak : Bento box ! J’adore ce que t’as fait avec l’histoire, mec ! Narration au poil. Mais dans la dernière partie, il y avait un je ne sais quoi… Un truc… Ah oui, moi ! Ha ! Bon, appelle-moi.

Après avoir disparu pour 8 jours, Mshak Moradi m'appelait pour dire bonjour. C’est la personne la plus frustrante que j’ai jamais rencontré.

Mshak : Benjamin !

Ben : Mshak, je te croyais mort, mec ! Vu que je ne pouvais pas t’a–

Mshak : Euh, t’avais faux.

Ben : Mshak, tu foutais quoi ?

Mshak : Ben écoute, je suis désolé, vraiment désolé, mais il fallait que je passe dans l’ombre. Il fallait que je disparaisse.

Ben : OK, mais pourquoi ?

Je lui demandais si cela avait quelque chose à voir avec les perturbations qu’il  traquait aux limites de la galaxie.

Il me répondit que non.

Mshak : Tu sais, cet autre truc que je traquais pour toi ? Je ne suis encore sûr de rien, mais je le saurais bientôt.

Ben : OK, cool, je sais que ton milieu c'est le secret, mais tu aurais au moins pu me prévenir avant de disparaître, non ?

Mshak : Non, pas vraiment. C’est vrai, je travaille dans les secrets mais cette mission était trois niveaux en dessous du sous-sol de la deuxième cave de ma tonne de secrets. Je ne devrais même pas y penser ! Crois-moi, le fait que tu ne le sache pas était le seul moyen.

Heureusement Mshak fini par arrêter les énigmes pour un moment et commença à me parler des nouveautés. Le dernier épisode portait ses fruits. Les gens écoutaient. Ils prenaient tout à cœur, et étaient énervés. L’enlèvement, les améliorations physiques. À moins qu’ils cherchent quelqu’un pour enterrer la vérité, l’ONI n’avait aucune forme d’intérêt pour les colonies extérieures.

C’était une vieille rancœur pour ces personnes. À l’époque où l’esprit survivaliste côtoyait l’indépendance, l’ONI avait donné à ces personnes toute son attention. Ils utilisèrent tous leurs moyens pour détruire l’oppression insurrectionnelle. Personne n’y voyait rien à redire mais lorsque les Covenants étaient apparus et commencèrent à vitrifier les colonies extérieures, ces mêmes colonies se retrouvèrent à devoir se défendre elles-mêmes. C’était ce principe d'intervention sélective qui n’avait pas plu. Mais là où mon histoire avait commencé à réveiller ces anciennes haines dans les colonies extérieures, la fuite d'hier les avaient portées à ébullition.

Mshak : Alors le Major est passé en mode berzerk ? Ce goutte à goutte à un effet vraiment différent selon les endroits. Tous ces ignobles bébés pensant qu’ils méritent leur propre Spartan. Comme si il allait se diriger vers la lune, à attendre pour tuer des aliens, laissant les médias faire croire qu’il les protège. Alors dès qu'ils entendent « rebelle », c'est la panique.

Mais Mshak dit que cela ne se passait pas ainsi dans les colonies extérieures. Peu importe si l’histoire était vraie ou pas, au vu de leur façon de penser, ce n’était pas le Major le problème. L’ONI l’utilisait, de la même façon que l’UEG les avaient tous utilisés. Comme des éléments utiles un temps, mais toujours jetables.

Mshak : Bien entendu, personne ne veux entendre parler d’une machine à tuer avec des talents fous traînant dans le voisinage. Mais dans les colonies extérieures, l’ONI est toujours le vrai monstre.

Mon énervement contre Mshak s'était calmé. J’étais content qu’il soit de retour. Si j’allais confronter l’ONI et exposer tout cela aux sénateurs, il fallait que j’aie autant de munitions que possible et heureusement nous étions sur la même longueur d’onde. Après avoir entendu mon interview avec Petrosky, il replongea tête la première dans la purée de pois. Fouillant des années de données et les recherches de ses anciens prédécesseurs fous, compilant les meilleures infos sur les atrocités de l’ONI.

Il me mit sous le nez une carte de chaque cas de désordre autoimmune pédiatrique de ces dernières années, chaque enfant ayant une maladie similaire à John. Après quelques ajustements, une carte galactique de l’espace humain apparut dans une nuée de points, un pour chaque enfant malade. Il m’annonça que c’était une représentation à peu près correcte de la position de chaque clone que l’ONI avait laissé derrière elle.

Ben : Waow.

Mshak : Waow, qu'il dit… Bien sûr waow ! Mais tu vas être submergé par le waow en voyant ça !

Il recouvrit la première carte d'une seconde présentant la distribution de la population humaine dans l’univers et me demanda ce que je remarquais.

Ben : Ce n’est pas aléatoire !

Mshak : "Ce n’est pas aléatoire" ? Ben, tu ne seras jamais un prof de statistiques. Ceci est l’exact opposé d’aléatoire, OK ?  En ce qui concerne les enlèvements pour les Spartans, l’ONI a énormément favorisé les colonies extérieures. C’était leur magasin à bonbons préféré sauf qu’à la place de bonbons, ils récoltaient des enfants soldats.

Ben : C’est plus simple pour couvrir leurs traces…

Mshak : Ouais, et tu peux facilement trouver un mensonge pour couvrir les traces vu que ces enfants avaient beaucoup moins de valeur que ceux provenant de la Terre ou de Mars. Génétiquement, ils n’ont aucune différence avec ceux des colonies intérieures mais en ce qui concerne les coûts humains, les enfants des colonies extérieures sont juste plus bon marché.

Je ne suis pas sûr que les infos soient assez concluantes pour les sénateurs mais les implications ne seraient pas inoffensives. Le but premier de l’enlèvement des enfants était de faire d’eux des supers soldats pour écraser l’insurrection. C’était ça le but premier du programme Spartan. Mais lors de la sélection des enfants, l’ONI avait choisi ces mêmes colonies extérieures qui étaient visées par cette campagne militaire.

De cette façon, des années plus tard, lorsqu’ils engageraient le combat anti-insurrectionniste dans les colonies extérieures, la plupart de ces Spartans étaient simplement les enfants collectés de ces mêmes communautés rentrant à la maison. Mais ces enfants ne combattaient pas pour leur pays d’origine, ils ne protégeaient pas leurs familles : ils menaient la politique de l’ONI.
Ils servaient ce même gouvernement qui avait détruit leurs familles et brisé leur enfance. Aussi loin qu’aille la philosophie du « pas de ça chez moi », c'était vraiment fort de la part de l'ONI. Assez suffisant pour engendrer une pure rage, mais Mshak travaillait sur quelque chose en plus.

Mshak : J’ai scanné tous les rapports de police pour ta grande entrée en scène. Ça va faire une sacrée affaire.

Ben : OK ?

Mshak : Tu ne t’es jamais demandé ce qui aurait pu arriver si l’un des clones condamnés avait survécu ?

Je n’avais pas considéré cette possibilité, mais c’était effrayant.

Ben : Que lui est-il arrivé ?

Mshak : Les clones rencontrent la personne qu'ils devaient remplacer, deux soldats se retrouvent face à une parfaite copie d'eux-mêmes.  Imagine-toi la scène : tu es discrètement enlevé de ton lit d’enfance, foutu dans une vie totalement différente et des années plus tard, tu tombes sur une copie conforme de toi ? Quelqu’un qui a continué à vivre ta vie. Il est plus toi que toi. Deux fichiers que j’ai trouvé, deux soldats, les deux se sont suicidés.

Une histoire pareille devrait être dure à écouter.

Ben : C’est horrible !

Mais devait aussi être dure à ignorer.

Ben : Il faut que tu m’obtiennes ça.

J’espérais simplement que FERO soit capable de me joindre.

Mshak : Ne t’inquiète pas. Elle te trouvera. Peut-être même plus rapidement qu’on le croit. Ses secrets à elle plongent sous la croûte terrestre. Tiens-mois au jus. Au moment où vous pénètrerez le pays des dragons et ferez exploser le sérum de vérité, je serais là pour voir les fissures apparaître.

Ben : Merci Mshak.

J’avais du mal à dormir dans mon nouvel environnement de travail. La fois suivante où j’entendis une voix m’appeler des ténèbres, FERO semblait humaine.

FERO : Tu apprécies le spectacle ?

Ben : Non, en ce moment pas du tout. Après tout ce que l’ONI a fait, tout le monde prends le Major pour–

FERO: L’infection va au cœur, Ben. Lorsque tu pénètres au cœur, tu ne peux pas toujours contrôler ce qui en sort.

Ben : Mais c’est vous qui répandez cela. C’est vous qui avez choisi de diffamer le Major–

FERO: Je ne diffame personne, tout ce que j’ai fait fuiter était réel.

Ben : Mais on ne connaît même pas toute l’histoire, ni ses implications !

FERO : La seule implication est le fait qu’un Spartan vieillissant soit en train de sortir des sentiers battus et ça semble malheureusement vrai. C’est ton histoire qui a mis en place les bases pour ça. Lorsque tu casses mentalement des enfants pour en faire des soldats, tu prends le risque de laisser des dommages psychologiques profondément ancrés. Les huiles en sont responsables. Je ne sais pas ce qui a motivé le Major pour attaquer cette ambassade et je sais encore moins ce qu’il fait en ce moment mais il n'est plus en laisse. Il met en avant leur responsabilité. J’ai uniquement exposé le berceau de cette responsabilité en supprimant chaque couche de secret mise en place par l'ONI !

Je ne savais pas quoi dire, je ne trouvais pas ça juste.

FERO : Ben, le Major est le sauveur de l’humanité, je le sais. Les patriotes le savent mais c'est dorénavant la partie la plus douloureuse. Le Major se fait descendre en flammes, mais tout sera justifié. C’est de cette façon que nous atteignons le cœur du problème. En sacrifiant le Major sur une courte période, nous avons ouvert un énorme trou et une fois que le sang aura coulé, l’ONI aura les nerfs à vif.

Ben : C’est juste dur d’entendre les gens raconter des conneries et devenir cinglés. La plupart des habitants des colonies intérieures s’en prennent au Major.

FERO: Ils sont terrifiés.

Ben : Et la colère dans les colonies extérieures commence à devenir de pire en pire. Vous le voyez ça, hein ?

FERO : Le sang de leur héros leur éclabousse le visage. C’est exactement ce dont nous avons besoin. Voici le chaos que j’avais annoncé.

Ben : Je suppose que je ne pensais pas que cela tournerais de cette façon.

FERO : Le chaos a un prix élevé, Ben. Mais les pions continuent de bouger. Nous avons enfin notre opportunité.

FERO m’annonça que, ce matin, la réunion avait enfin été fixée. Les huiles étaient déjà en route vers la Terre et dans quelques jours, l’ONI sera en train d’argumenter en face des sénateurs de l’UEG en session close. FERO allait pirater leur réseau et me donner une connexion sécurisée directe pour que je puisse exposer les horribles secrets de l’ONI à une poignée des plus anciens sénateurs.
Il fallait que je me prépare rapidement. J’avais peur de ne pas avoir assez de temps pour tout rassembler et faire en en sorte que les données de Mshak soient assez convaincantes. Mais FERO m’avait donné une idée qui pouvait décupler la persuasion. Elle écouta alors que je passais l’appel.

Ben : Anthony ?

Petrosky : Hé mec, comment ça va ?

Ma demande fut directe.

Ben : Tu veux m’aider à détruire l’ONI ?

Il ne répondit pas. Je commençais à me sentir nerveux, puis il parla.

Petrosky : Putain, bien sûr que je veux. Qu'est-ce que je peux faire ?

Petrosky était dans le coup. Je lui ai donné ses ordres de mission et ai raccroché.

FERO : Je suis tellement contente d'entendre ça.

FERO semblait heureuse. Tout semblait enfin se mettre en place.

Ben : Alors c’est ça votre vraie voix ?

FERO : En grande partie oui. Elle est juste assez modifiée pour la rendre intraçable.

Ben : Pourquoi vous avez changé la tonalité alors ? Pourquoi avez-vous enlevé votre voix effrayante ?

FERO : Nous nous apprêtons à faire quelque chose d'encore plus effrayant, je pensais que ça serait mieux que tu penses connaitre la personne combattant à tes côtés.

Ben : J’apprécie le geste.

Je n’arrivais toujours pas à croire que nous allions réellement faire ça mais j’étais prêt et chargé à bloc.

FERO : Ben… Je voulais te prévenir avant , il y a encore une chose qui va fuiter.

Ben : Attendez, quoi ? De quoi parlez vous ?

FERO : C’est la cerise sur le gâteau. Juste pour garder maintenir l'effervescence.

Ben : OK, et ça fuitera quand ?

FERO : Maintenant.

J’ai actualisé mon fil d’actualités. Cela pris un moment, puis apparu d’un seul coup. Une vidéo de sécurité de l’ambassade régionale des colonies extérieures.

Sekibo [enregistrement] : Nous nous tenons côte à côte désormais, affirmant –

[Bruits de combats et de tirs d’armes]

Ben : FERO…

FERO était déjà partie.

Ben : …c’est réel ça ?

Mais la fuite était en ligne. En ce moment même, des millions de personnes dans l’univers entier étaient en train de regarder la même chose. Le Major Spartan 117 était sans raison apparente en train de lancer un assaut brutal sur les pourparlers de Biko.

Rejoignez-moi pour le prochain épisode de la Traque de la Vérité.

 

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Episode 09 "FANTÔMES"

Petrosky : Test, test. Un, deux, trois. Vous m'entendez bien ?

Ben : Oui, essayez juste de ne pas bouger pour garder un bon son.

Petrosky : D'accord, bien reçu.

L'échéance approchait. Dans quelques heures, FERO allait s'infiltrer dans la réunion entre l'UEG et l'ONI et j'allais exposer tous leurs secrets aux leaders du sénat. Faire enregistrer son témoignage à Petrosky en avance me donnerait une variable instable de moins à gérer une fois sur place. Mais j'attendais encore la partie de Mshak. Je n'avais pas entendu FERO de toute la journée et j'essayais de tout mettre en place rapidement. J'étais épuisé.

Ben : Allez, allez…

Étant donné qu'il était sur le point d'accuser l'ONI d'atroces violations des droits de l'homme, Petrosky semblait particulièrement calme. Il voulait qu'on discute du Major.

Petrosky : Trahison, hein. Vous pensez que c'est vrai ?

Ben : J'imagine. Les gens le pensent. Vous pouvez rester assis comme ça ?

Petrosky : Le Major. Ça va foutre un sacré bordel aux RP de l'ONI. Vous savez, les militaires caquettent comme des gamins à une soirée pyjama.

Il y a trois jours, FERO avait fait fuiter un rapport d'incident supprimé à propos d'une ambassade dans les colonies extérieures qui avait plongé la population dans l'incrédulité ou le désarroi. Moins de quarante-huit heures plus tard, FERO largua la véritable bombe : une vidéo de sécurité de l'ambassade, prouvant les informations du rapport. Le Major avait transformé les pourparlers en stand de tir et tué dix-neuf personnes. Le choc de cette seconde fuite avait provoqué un scandale et polarisé la population selon leur origine géographique : les patriotes de la Terre contre les survivalistes des colonies extérieures. Le même régionalisme caustique qui avait malheureusement défini le contexte politique actuel. Et ces idéologies revenaient à la charge, déguisées en opinions, rouvrant de vieilles blessures. Pendant ce temps, le Major, le sujet de toute mon enquête, était la personne la plus recherchée dans la galaxie. Et je n'avais pas encore eu le temps de creuser dans cette direction.

Petrosky : Vous pensez qu'il la fait, alors ?

Ben : De quoi ?

Petrosky : Vous pensez que le Major a provoqué une fusillade dans l'ambassade de Biko ? Peut-être qu'il a perdu la tête, au final. Qu'il pense qu'on est toujours en guérilla contre les insurrectionnistes. Je ne sais pas. Mais la vache, qu'il bosse pour les Covenants ? Sacré retournement de situation.

Ben : Vraiment, je ne sais pas. Désolé. Il faut qu'on fasse vite.

Petrosky : OK, bien reçu.

Le temps filait et je devais tenir Petrosky concentré. Il commença sa déclaration ? Je lui demandais de se présenter et de tout dire sur le programme SPARTAN. Il était alors complètement concentré.

Ben : Donc… Dites qui vous êtes et lancez-vous.

Petrosky : Oh. Hum. Je suis le caporal-chef Anthony Petrosky, retraité de la 105e division ODST. Je témoigne ici de mon plein gré sans pression d'aucun parti et souhaite faire la déclaration suivante :En avril 2525, en servant dans un détachement sur l'UNSC Atlas, j'ai été témoin direct d'un incident impliquant un homme de douze à treize ans s'identifiant comme John-117. Il possédait de nombreuses cicatrices sur le torse, semblables à des cicatrices post-chirurgicales précédemment vues sur des Spartans. Sur ordre d'un premier maître de l'ONI, John tua deux ODST et blessa grièvement deux autres, une attaque excédant grandement les capacités naturelles d'un être humain.

Il était absolument clair. Aucune hésitation ni bafouillement. Ses pensées étaient claires comme le cristal et énoncées comme si il avait attendu ce moment toute sa vie… Après une carrière militaire rude qui avait pris son bras gauche, Anthony Petrosky aurait dû être récompensé par la dignité et l'opportunité. Pourtant, il était un des nombreux vétérans laissés sur le carreau par le gouvernement.
C'était son instant et il n'avait jamais paru si vivant. Alors qu'il énonçait ce témoignage condamnant les augmentations biologiques de l'ONI sur des enfants, je savais que FERO avait raison. Les mots de Petrosky donneraient de l'humanité à l'histoire et persuaderaient les sénateurs les plus bornés. Petrosky me donnait exactement ce dont j'avais besoin.

Petrosky : Je témoigne avec la certitude absolue que la vitesse, la puissance et la coordination de cette personne étaient catégoriquement impossibles à reproduire sans une batterie d'augmentations militaires. Plus tard, les Services de renseignement de la Navy, par le biais de nos supérieures directs, nous communiqua l'ordre de tenir cet incident sous silence. C'est par la coercition et la pression que nous fûmes tenus au silence, condamnés à ne jamais parler publiquement de ce fait sous peine d'être appelé devant la cour martiale… C'était comment. C'était bon ?

Ben : Oui ! C… C'était parfait. Je… Je ne peux pas vous remercier assez.

Petrosky : Ouais. Allez, faites-leur vivre l'enfer.

Je n'avais plus qu'à attendre l'appel de Mshak. FERO serait capable de contourner les systèmes de sécurité les plus sophistiqués de l'histoire humaine, et je pourrais m'infiltrer dans une réunion entre les personnes les plus puissantes de notre époque. J'avais besoin d'un miracle et j'en avais besoin dans les 90 minutes à venir.

Je suis Benjamin Giraud, et voici la Traque de la Vérité.

Ben : Mais à quoi je pensais, merde !

J'essayais de contacter Mshak sans succès, tentant de ne pas penser à quoi ressemblerait mon plan sans lui. J'essayais de corroborer mes accusations contre l'ONI en confiant à Mshak Moradi la transformation de théories du complot en documents capables de convaincre un sénateur. Mais je n'avais pas le temps pour modifier le plan. J'avais besoin impérativement de ces documents. Mes appels échouaient toujours, il se passait quelque chose. Le réseau était en capilotade. Je n'avais pas le temps pour ça. Je commençais à paniquer quand un message des colonies extérieures arriva.

Ben : Ces documents ont intérêt à avoir du sens, Mshak.

Mais ce n'étaient pas des documents, ni Mshak. C'était un message de Katrina, l'amie de John que j'avais rencontré via Ellie Bloom, la femme qui m'avait parlé de la mort de John. Je ne lui avais pas parlé depuis des semaines.

Katrina [Message] : Salut Ben. Je ne vois pas qui d'autre appeler, j'espérais que vous pourriez m'en dire plus sur ce qui se dit dans les colonies extérieures cette semaine ?

Je n'avais aucune idée de ce que pensaient les auditeurs. Depuis que j'étais devenu incognito, je n'avais pas eu de réponse. Comme un idiot, je n'avais pas sécurisé ce canal et j'avais peur d'y retourner. L'ONI pourrait trouver ma planque. J'avais eu écho qu'après le dernier épisode, les révélations concernant l'enlèvement des enfants dans les colonies extérieures par l'ONI avaient provoqué une forte réaction là-bas. Mais la manière dont Katrina me demandait des nouvelles laissaient penser que la réaction était bien plus forte que tout ce que je pouvais imaginer.

Katrina [Message] : Ah… Les gens deviennent fous. Ils n'utilisent plus que ChatterNet comme si ils étaient revenus 50 ans dans le passé. C'est la Nouvelle alliance coloniale. Ils sont partout, dont des démonstrations dans la rue. Des centaines de personnes se déconnectent et parlent de chacun pour soi, comme se préparer pour l'embargo à venir, des boycotts se mettent en place, les bureaux de l'UEG ferment… Je suis perdue.
C'était paisible ici, et maintenant j'ai envie de quitter la planète, au cas où ça exploserait. Je suis déjà un peu effrayée. Je suis peut-être parano, mais j'ai l'impression que je suis une cible depuis que je vous ai aidé. Pareil pour Ellie. Tous ces contre-pouvoirs qui naissent et ces interruptions de service. La dernière fois que je vous ai parlé, tout mon système s'est rempli de fichiers corrompus et le voisinage entier a perdu le courant.
Si quelqu'un essaie de vous trouver, j'ai peur de ce qui pourrait arriver si les choses deviennent chaotiques. Je ne me sens pas en sécurité, pour tout dire, donc si vous savez quelque chose ou avez une idée pour qu'on puisse se protéger, enfin, ils coupent déjà souvent le–

Le message de Katrina était coupé. Je n'avais aucune idée de ce qui se passait. Je n'avais aucune idée de ce qu'allait faire le gouvernement central. Je ne savais pas comment aider cette femme ou Ellie ou leurs familles ou n'importe qui d'autre. Nous étions plongés dans le noir.
Tout ce que je pouvais faire, c'était présenter la vérité entière aux sénateurs et espérer qu'ils seraient assez convaincus pour nous aider, et le temps pour réaliser cela manquait. Heureusement, Mshak émergea finalement de son souterrain.

Mshak : C'est envoyé.

Ben : Ah, parfait ! Je l'ai, merci, merci. Je… J'espère que c'est convainquant.

Mshak : Tu as un schéma montrant que le schéma de répartition des morts infantiles par maladies auto-immunes n'est pas naturel au début du programme SPARTAN, particulièrement dans les colonies extérieures.

Ben : Ouais, je vois ça. C'est génial, c'est du solide.

Mshak : J'ai aussi chopé et clarifié les infos du scan des données de la police. C'est un des enfants enlevés par l'ONI retournant chez lui et rencontrant son clone.

Ben : Un des suicides ?

Mshak : Ouaip. Un officier était sur les lieux d'une violation de domicile. Un couple d'âge moyen avec leur enfant en chaise roulante. L'officier reste auprès des victimes, fait le point sur la situation, préviens ses potes. Pas de combat, aucun vol, les victimes ne savent même pas à quoi le coupable ressemble. Il est entré dans la maison, dans la chambre du gosse, qui hurle, le coupable fuit… Blablabla.
Tout semble aller bien. Et pendant qu'il fait son rapport au central, l'officier entend du bruit, les rapports parlent d'un coup de feu proche. Des renforts arrivent, passent la zone au crible, et dix minutes plus tard le même officier rapporte la découverte d'un corps dans un champ proche. Un gamin, mort, suicide par arme à feu.

Voici la scène où le rapport de l'officier au central tourne court.

Central [Enregistrement] : Sept-Charlie-Dix-Neuf, qu'est-ce qui se passe ?

Officier [Enregistrement] : C'est le même gamin. Celui de la violation de domicile à Stanton. C'est… C'est, il… Ce 10-56*[Dans le Code 10 utilisé par certaines forces de police aux États-Unis, ce code correspond au suicide d'un piéton], on dirait son frère jumeau. Je ne sais pas ce qui se passe.

Central [Enregistrement] : Sept-Charlie-Dix-Neuf, un légiste est en route.

Les données médicales transmises par Mshak avec l'audio donnaient un accent encore plus dégoûtant à l'histoire. Le fils était en chaise roulante à cause des mois de procédures médicales qui lui avaient laissé des dommages nerveux permanents depuis l'âge de six ans, où il était traité pour désordres auto-immunes et cognitifs graves.
Ces procédures qui l'avaient laissé paralysé étaient presque identiques à celles des rapports médicaux de John. Avant que les survivants n'aient été effacés des listes, ce garçon avait été un des points sur le graphique des clones présumés de Mshak. J'étais bouche bée.

Mshak : Ouais, c'était moche. Que tu l'utilises ou pas, tu sais maintenant.

Je n'avais pas le temps de bien saisir ce nouvel élément. Alors j'ai fait le choix difficile de ne pas l'utiliser. Mais entendre une autre histoire d'horreur de l'ONI me rendait encore plus déterminer à révéler la vérité. J'avais juste besoin que FERO se montre dans les prochaines minutes avec un moyen miraculeux de m'ouvrir les portes.

Ben : Merci, Mshak. Alors tout va se jouer bientôt–

Mshak : Soit pas nerveux. Tu seras génial. Tous mes canaux sont ouverts et prêts. Quoi qu'il se passe, les murmures vont commencer. Et si les sénateurs jouent contre l'ONI, c'est le genre de chose dont on entend forcément parler. Te bile pas, on saura bientôt si ça a marché.

Ben : Merci. OK, je vais juste–

Mshak : Au fait, rapidement ! Je sais que t'es occupé avec ta croisade pour l'honneur mais dès que tu peux, faut que tu te mettes au jus sur ce qui se passe dans les colonies extérieures ! Le dernier épisode a mis le feu au barbecue. Les lignes de failles sont aussi instables qu'une plaque tectonique japonaise. Faut que je te parle de–

FERO : Ben te rappellera.

S'introduire et clouer le bec à Mshak, une autre arrivée en fanfare de FERO. Et celle-ci n'était pas trop tôt.

Ben : FERO, qu'est-ce qui se passe ? Je suis prêt, vous aussi ?

FERO : Je suis déjà infiltrée et voilà comment ça se passera : tu devras avoir les fichiers prêts pour l'envoi, je sécuriserais la connexion et te donnerais une ligne directe à la salle de réunion. Tu présenteras le témoignage de Petrosky, uploaderas les fichiers et feras ton spectacle. Mais vite, ils feront tout leur possible pour t'interrompre. Ils pourraient même remonter jusqu'à ta localisation. Si ils envoient trop d'interférences, je devrais passer sur un canal à un seul sens, donc nous n'aurons plus d'image, mais ils verront et entendrons tout ce que tu dis du moment que la connexion est ouverte. Prêt à plonger ?

Je le devais.

Ben : Oui.

FERO : Bien. Je te connecte. À la gorge, Ben.

Ça y est. Ce qui restait de mon intégrité journalistique allaient bientôt disparaître. J'avais une opinion biaisée et j'allais l'utiliser contre les plus grands politiciens de notre gouvernement. Ce n'était pas seulement un exposé sur les méfaits de l'ONI, mais un appel aux armes. J'espérais seulement que les sénateurs écouteraient.
Il n'y avait pas de son mais j'avais soudain une vue complète de la chambre du congrès accueillant la rencontre. J'avais du mal à croire ce qui se passait et mon regard balaya la salle. Les douze sénateurs représentant le comité des forces armées auprès du sénat étaient là et trois des six directeurs de l'ONI étaient alignés face à eux. Mon cœur cognait contre mes côtes, puis j'aperçus quelqu'un d'autre.

Ben : C'est Sully ?!

FERO : Ben, direct dans 3, 2, 1…

Je vis mon visage apparaître sur l'écran principal de la salle. Les discussions s'arrêtèrent net et toutes les têtes se tournèrent pour me fixer. Je fus paralysé un instant, puis commençais.

Ben : Éminents représentants du Gouvernement terrestre uni et du Service de renseignement de la Navy, je suis Benjamin Giraud, j'étais un journaliste recruté par le commandant Michael Sullivan pour réaliser d'un profil du major John-117 et mon contrat fut rompu après que j'ai exposé une vaste manipulation de l'ONI concernant ses véritables origines.

Alors que je parlais, j'essayais de fixer la caméra et d'ignorer la vidéo. L'image de mon propre visage parlant dans une salle pleine de gens extrêmement puissants était particulièrement distrayante. Je pouvais voir du coin de l'œil que ça marchait. Ils écoutaient. Puis le signal vira au noir.

FERO : Continue à parler, Ben. J'ai dû couper le signal retour mais tu es toujours en direct.

J'essayais de me concentrer.

Ben : L'ONI a tout mis en œuvre pour vous tenir, ainsi que le public, à l'écart d'informations critiques concernant le programme SPARTAN, leur manque de contrôle institutionnel sur le Major dans les colonies extérieures, et les modifications génétiques d'enfants enlevés voués à devenir des soldats comme le Major. Je vais diffuser le témoignage de l'ODST Anthony Petrosky concernant le programme SPARTAN.

Alors que le témoignage de Petrosky était diffusé, je commençais à doute être en direct quand je reçus un message de Sully. Il disait : Tu es hors de contrôle, Ben. Dernière chance d'arrêter. Je répondais : Je ne peux plus soutenir les crimes que toi et l'ONI avez commis. Plus jamais. C'EST FINI. Un bref instant, puis il répondit : Tu es fini. Mes tripes se tassèrent, mais je devais tenir bon.

FERO : Il faut que tu termines vite, Ben. Leur réponse est violente, je ne vais pas pouvoir maintenir le canal ouvert très longtemps.

Alors que Petrosky finissait, je corrigeais en urgence ma conclusion pour retirer tout superflu. Il était temps de tirer ma dernière cartouche.

Ben : Sénateurs, pour le programme SPARTAN, l'ONI a enlevé des enfants et illégalement conçu des clones imparfaits pour les remplacer. Ils ont fait d'enfants une propriété militaire en leur faisant subir d'horribles programmes d'entraînement durant leur croissance. Voilà l'origine des Spartans. La moitié de ces enfants n'ont pas survécu.
Je vous envoie des fichiers corroborant ces informations sur ces graves violations des droits de l'homme. Je vous demande de les observer avec sérieux. L'ONI a fait tout son possible pour cacher cette histoire, notamment des faux témoignages élaborés.

FERO : C'est bon, Ben.

Ben : J'ai également fourni la preuve de ces faux témoignages–

FERO : Allez…

Ben : –et des preuves audio des menaces que j'ai reçu ces dernières semaines pour avoir enquêté dessus. –

FERO : On va perdre le signal !

Ben : –Je mets en danger ma sécurité personnelle–

FERO : Allez, allez, allez !

Ben : –et j'espère que vous analyserez et les faits et amènerez les directeurs de l'ONI–

FERO : Encore un peu !

Ben : –et tous les autres responsables devant un tribunal. Merci de votre attention.

Le signal fut coupé, au tout dernier instant. Je– J'étais sous le choc. J'essayais d'appréhender ce qui venait de se passer.

FERO : Parfait. Maintenant, regardons le feu se propager. La révolution a commencé, Ben. Et tu étais l'étincelle. À partir de cet instant, tu es sous notre protection.

Ben : FERO ? [Soupir]

Elle était partie. Ma tête tournait. Je me sentais comme dans un rêve. Qu'avais-je fait ? Je regarderais encore le message de Sully, sa réponse à mon C'EST FINI, et j'eus la chair de poule. Tu es fini. C'était tout, et c'était tout ce qu'il avait besoin de dire. J'étais sur le point de m'évanouir. Je devais continuer, voir si cette mission kamikaze avait eu un effet. La première onde apparut presque immédiatement. Un message de ma banque.

Voix féminine automatisée : Nous sommes au regret de vous informer que votre compte chez Outer Trust a été désactivé. Si vous avez la moindre question, veuillez-vous adresser à votre représentant.

J'ai appelé immédiatement mon représentant. Elle me dit que je faisais l'objet d'une enquête pour possession illicite de données gouvernementales sensibles, les fichiers audio de mon article. J'étais sous le coup d'une amende astronomique pour les avoir conservés et toutes mes ressources m'avaient été coupées. Je n'y croyais pas. Je vérifiais tous mes comptes : tous bloqués ou vidés.
Au final, retirer ce que je pouvais aurait dû être mon premier réflexe avant de m'en prendre à la plus puissante agence gouvernementale de l'histoire. C'était trop tard, l'ONI avait abattu son marteau et j'étais financièrement vaincu. Je contemplais cette réalisation quand deux autres messages arrivèrent. Le premier était court, et de Mshak.

Mshak [Message] : Euh, Ben, les choses s'agitent ici, je ne sais pas si tu recevra ça mais avant qu'on soit coupé je voulais te dire– en fait il faut en parler en personne, c'est urgent, j'ai trouvé quelque chose mais faut pas en parler sur les comms, je viens te voir directement le jour d'après demain. Ne parle à personne, n'essaie pas de me contacter. Je serais bientôt là, on pourra s'asseoir et discuter de tout–

Je ne pouvais pas attendre que Mshak vienne, alors contrairement à son ordre et à tout bon jugement, je tentais de le contacter. Mais quelque chose clochait. Comme tout le monde dans la région, mes appels vers les colonies extérieures échouaient souvent.
Je regardais mon canal ChatterNet : il était plein de commentaires de gens paniquant comme moi parce qu'ils ne pouvaient plus contacter les colonies extérieures. Les rapports sur les problèmes du réseau eux-mêmes ne passaient plus, c'était illogique. Le deuxième message finit de charger. C'était Katrina.

Katrina [Message coupé] : Ben, c'est– Je ne peux pas… Je ne comprends pas, tout est parti, on est… Mes parents, Ellie, personne dans le système… ChatterNet et il y a plein… Pitié, si tu peux, si tu peux dire à quelqu’un ce qu’il se passe… Il nous faut de l'aide, de la nourriture–

Puis le silence. C'était tout. Je ne pouvais plus rien faire. Personne dans les colonies intérieures non plus. Les colonies extérieures avaient été coupées du reste de l'espace contrôlé. Après des années d'atrocités commises en secret par l'ONI, perchés sur leur trône, c'était comme si des fantômes se mettaient à bouger, modifiant le terrain dans un but inconnu, dans le secret des ombres qu'ils avaient eux-mêmes créées. Je réécoutais le message de Mshak. J'avais besoin de lui pour comprendre ce qui se passait, je ne pouvais pas rester assis ici à attendre, mort de peur. Je devais être patient. Je devais attendre quarante-huit heures.

Mais il ne vint pas. Ce message est le dernier que je reçus de Mshak Moradi.

Rejoignez-moi pour le prochain épisode de la Traque de la Vérité.

 

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Episode 10 "ETOUFFER L’AFFAIRE"

Écouter et attendre. C'est tout ce que vous avez à faire quand vous vous cachez dans l'ombre. Quand vous avez lancé tout ce que vous pouviez contre le monstre, c'est la seule chose que vous pouvez faire.

Ben : Un, mille … deux, deux milles, trois, trois milles …

Depuis notre infiltration dans la séance du sénat, je ne pouvais qu'écouter et attendre en espérant que mon témoignage était parvenu aux bonnes oreilles, effrayé que l'ONI n'arrive et ne nous trouve, tapis dans l'ombre. Je savais où commençait et se terminait la vérité. Et c'était malgré tout l'ignorance qui me tenait éveillé. Car même si nous avions porté un coup fatal, nous ne pouvions qu'observer et attendre que le cadavre remonte à la surface.

Pour le moment ma seul certitude, c'était que Mshak n'était pas réapparu. Je ne l'avais pas entendu depuis des jours,  pas depuis que je m'étais terré dans l'obscurité, et mes doutes s’épaississaient, chaque nuit hanté du même scénario se terminant dans de grands sacs noirs et silencieux. Qu'avais-je fait ? FERO et Petrosky pouvaient s'en sortir, mais si l'ONI s'en était pris à Mshak… ce serait ma faute, et ils viendraient ensuite pour moi.

[Un bruit sourd, Ben halète]

J'étais terré ici depuis des jours. La pénombre était pleine de cauchemars, alors je n'y dormais plus. Je travaillais la nuit, et je me faisais discret. Seul mon contact savait que j'étais ici et c'était très bien ainsi.

Ben: Un, mille … deux, deux milles …

L'endroit était fait de béton et recoins sombres. J'avais mémorisé les bruits de l'immeuble : la brise dans l'escalier, les cliquetis de la climatisation, les grattements des rats dans les murs. Au moindre bruit inhabituel, j'éteignais mes appareils, me cachais sous la fenêtre et restais en alerte jusqu'à ce que tout soit normal. Je comptais alors jusqu'à cent avant de sortir. Je n'avais pas dévié une seule fois de ce protocole… jusqu'à cette nuit. Avec la tempête martelant le toit et hurlant dans les conduits d'aération, j'étais sourd. N'importe qui aurait pu me surprendre.

Ben: Un, mille … deux, deux milles …

Le béton résonnait et chaque coin sombre semblait prendre vie pour fondre sur moi. J'essayais de me répéter sans cesse : si quelqu'un approchait, il déclencherait mon alarme, j'aurais alors cinq secondes pour me cacher. Mais chaque cognement était un pas, chaque écho était une voix et mon instinct me hurlait que quelqu'un était dans le bâtiment. Je n'attendis pas d'entendre l'alarme. Je soulevais quelques panneaux détachés du sol, sous lesquels se trouvait un espace exigu dans lequel je me contorsionnais avant de m'enfermer. Ni la tempête ni quiconque ne pouvait plus me trouver. Attendre dans le noir était le plus dur. Passer la nuit sous le sol m'offrit le meilleur sommeil depuis des semaines.

Je suis Benjamin Giraud, et voici la Traque de la Vérité.

Présentateur : Du haut des marches de la place du congrès, le nouveau sénateur Andrew Del Rio a aujourd'hui fait une déclaration officielle concernant le massacre du mois dernier dans l'ambassade de Biko. C'est la première déclaration d'un officiel depuis les fuites concernant le tragique incident qui a provoqué un vent de controverse depuis maintenant 9 jours. Et la déclaration elle-même n'est pas sans controverse, puisque la dénonciation par le sénateur du vétéran de guerre décoré, le Major, constitue la plus grosse condamnation publique du  Spartan déchu.

Ça ne veut rien dire de bon pour la démocratie quand une catastrophe touche une majorité de votants et que d'un seul coup, tous les politiciens de l'UEG le passent sous silence, que ça soit le budget militaire ou les dépenses de l'état. Sauf Del Rio. Lui se focalisait sur un seul sujet.

Del Rio : Le Major a pris d'assaut les pourparlers d'activistes et tué plusieurs personnes. Je le dis clairement : les SPARTANs-II sont fondamentalement défectueux et dangereusement dépassés. Ils sont à la fois une honte et un danger avec leur technologie obsolète et leur neurologie délabrée. Et pourtant ils continuent d'engloutir nos taxes. Nous voilà face aux vrais coûts, à présent : ce programme n'est pas construit sur une gloire passée, mais sur des principes dépassés ! Des reliques d'armes trop puissantes pour être contrôlées par des esprits corrodés. Vous ne verrez jamais une vidéo d'un Spartan-IV attaquer des civils ou tuer des héros. Je peux personnellement vous assurer de la valeur de chaque Spartan-IV en tant que soldat, mais surtout en tant que personne.  Après les événements tragiques de Biko, je doute que quiconque aujourd'hui puisse soutenir les Spartans-II. Souvenez-vous de cela : si nous n'agissons pas pour mettre les Spartans-II à la retraite, il y aura d'autres Biko et il y aura d'autres massacres. Personne ne veut le dire, et pourtant quelqu'un doit le faire ! Pour ces dix-neuf familles qui ne verront jamais les leurs revenir chez eux à cause de ce… faux Spartan, cette épave, ce simulacre de soldat qui a abandonné son poste, déshonoré son uniforme et massacré les mêmes personnes qu'il avait juré de protéger ! Il est grand temps de détruire cette statue et mettre à pied le Major !

Il faut accorder une qualité à Andrew Del Rio : il ne lâche jamais prise. Mais même si je détestais Del Rio et tout sa machine de propagande,  les documents et la vidéo fuités ne mentaient pas : le Major a abattu le garde du corps de Sekibo, a enlevé l'ambassadeur et s'est enfui avec la délégation alien dans une tempête de coups de feu avant de larguer le corps de Sekibo le jour suivant. C'étaient des faits. Et qu'importe que ce politicien soit corrompu, je ne pouvais pas aller contre l'évidence. Le Major devait faire face à la justice et nous avions droit à la vérité. Je croyais toujours en lui, que sa légende resterait immaculée et qu'il devait y avoir une raison derrière cette histoire.

Je ne sais pas si c'est la lumière du jour qui m'avait donné plus de confiance ou si Del Rio m'avait distrait, mais je n'avais pas entendu l'intrus avant qu'il ne déclenche l'alarme.

[Bruit de casseroles]

Ray : Sérieux. C'est quoi ce bordel ?

Ben : Oh non… Oh non …

Ray : Qu'est-ce que ?!

Ben : Hein ? Ray ?! C'est toi ?!

Ray : Ben oui… Je suis coincé dans ton piège

Ben : Qu'est-ce que tu fais là, tu ne devais pas être là avant demain ! J'ai frôlé la crise cardiaque !

Ray : Calme-toi et viens m'aider à retirer ce… fil dentaire ? Sérieusement, on dirait un truc qu'aurait bricolé ma fille.

Le déclencheur n'était pas en fil dentaire mais en fil de pêche attaché à une casserole suspendue… Efficace, quand même.

Ben : Voilà… Lève ton pied.

Ray : Tu as mauvaise mine.

Ben : Wow, merci Ray…

Ma vie d'exil était loin du palais royal. Matelas, toilettes, évier, quelques vêtements et draps. En dehors de mes recherches, mon quotidien était constitué de nourriture en boîte, de maintien en forme et de vérifications de sécurité. Ça rappelait la ligne de front.

Ray : L'endroit aussi a mauvaise mine.

Ben : Tu m'aides beaucoup, merci ! Heu, Attends Attends Attends Quel chemin tu as pris pour venir ici, tu as évité le–

Ray : Tranquille.

Ben : Tu connais le …

Ray : Ben, j'ai pris toutes les précautions nécessaires. En ce qui concerne la surveillance du gouvernement, je suis toujours en train de manger ma bouffe Thaï chez moi.

J'ai vite appris que  Ray n'avait malheureusement aucune info sur Mshak ou le congrès.

Ben : Ok, mais alors quoi ? Tu viens juste me tenir au courant de la mode ?!

Ray : Ca … ou alors la vérité sur Biko.

Il semblerait qu'après un tutoriel de Mshak sur le magma, Ray se soit mis à écouter. Il y a quelques jours, il avait repéré une fréquence inhabituelle à la destination peu commune. Les Sangheilis, l'espèce alien des pourparlers, avaient envoyé une transmission officielle sur les serveurs de l'UEG sur Terre le lendemain de la fuite. L'UEG l'avait alors enterré profond.

Sangheili Kaidon [Message] : Cela fait maintenant un jour depuis notre premier message. Pourquoi ne répondez-vous pas ? Nous ne sommes pour rien dans cette … déshonorable embuscade. Et le démon non plus.

Ray : Le chef de clan Sangheili dit qu'ils n'ont rien à voir avec le massacre. Et que le Démon non plus.

Les Sangheilis appellent le Major « le Démon », sûrement parce qu'il a tué des centaines de leurs soldats au fil des années, ils ne devaient donc pas avoir une haute opinion de lui. De plus, les Sangheilis ne plaisantent pas avec la vérité, mais après la fermeture d'une ambassade, un appel à la bonne justice n'est pas quelque chose auquel on s'attend.

Sangheili Kaidon [Message] : …Pourquoi garder le silence alors que votre peuple demande une réparation injustifiée… Où est votre réponse ? Où est votre châtiment ?

Ray : À l'écouter, on dirait presque que Biko cherche à prendre sa revanche…

Ben : Hein ? Non, ça fait des jours que je surveille Biko, rien à signaler là-bas.

Ray : Exactement. J'ai fait quelques vérifications. Ce canal que tu surveilles est une vieille boucle. Les communications avec les colonies extérieures ont été grandement perturbées, mais Biko est devenue totalement silencieuse. Personne à l'extérieur ne sait ce qui s'y passe. Et c'est moche.

Ray avait réussi à entrer en contact avec Ravi, un informateur se rendant sur les lieux de sinistres pour recueillir des informations en temps réel pour les revendre au plus offrant. Il traînait sur Biko depuis les funérailles de Sekibo, et sur le coup, Ray en avait pour son argent.

Ray : Des manifestations, des émeutes, la loi martiale. Mais, depuis les funérailles,  aucune figure politique locale n'en a parlé.

Pas en public du moins. D'après les contacts de Ravi à l'ambassade locale, le parti de Sekibo cherchait à réhabiliter les Sangheilis auprès de l'opinion publique, mais c'était impossible. La magistrate Laura Adams avait réduit le parti et les médias au silence. Personne n'en parlait.

Ben : Comment a-t-elle pu avoir une telle autorité ?!

Ray : Elle ne l'avait pas ! Adams est un pion, c'est la Terre qui a demandé d'imposer le silence sur cette affaire.

Ben : L'UEG… Pourquoi voudrait-elle étouffer l'affaire ? Pour protéger le Major ?

Ray : Nan. Pour se protéger eux-mêmes.

Après avoir découvert une énorme faille de sécurité une semaine avant les pourparlers, l'ambassadeur Sekibo avait demandé du soutien à l'UEG. Un soutien dont il avait cruellement besoin. Le sénat l'a rejeté automatiquement. La stabilité de la région était en jeux,  alors n'avait pas le choix : ils devaient passer outre les risques et maintenir les pourparlers. Et ça ne s'est pas bien passé.

Ray : Quand l'ordre de faire le silence est arrivé, les médias ont tout coupé, et quand Ravi a demandé qui avait fait le coup, tout ce qu'on lui a répondu c'est : "pas les Sangheilis". Mais avec la fuite de FERO, le Major est devenu le coupable désigné et les gens sont descendus dans la rue. Les gars de Sekibo ont aussi mis la main à la pâte en lançant une enquête discrète sur le massacre. Les seuls suspects sont un groupe appelé Sapien Sunrise.

Les Sapien Sunrise pensaient que l'intégration entre espèces était nocive à la civilisation. Que les humains étaient "purs" et les aliens "mauvais", ce genre de choses. Le genre de groupes qui se retrouvent dans une cave pour partager des gâteaux autour d'un discours haineux. Mais ils avaient aussi des penchants terroristes. Certains avaient un casier judiciaire ou un passif dans l'armée. Sapien Sunrise ne se limitait pas aux gâteaux. Et les pourparlers de Sekibo étaient l'exact inverse de leurs idées.

Ray : Je te le donne en mille : ce sont les coupables.

Ben : Mais c'est une enquête non officielle…

Ray : Ils comptaient assassiner l'ambassadeur Sekibo, accuser les aliens et tirer un trait sur les pourparlers. Je ne sais pas si les Sapien avaient accès à de bonnes infos ou s’ils sont juste tarés, mais en tout cas ils étaient assez remontés pour faire le coup.

D'après les notes de l'enquête, Sapien Sunrise menaçait l'ambassade depuis des mois, d'où la demande de protection à l'UEG. Une fois l'enquête débutée, quatre des civils tués furent rapidement liés à Sapien Sunrise. De même que quatre autres gardes et même le garde du corps de Sekibo, un homme ayant servi dans l'armée, et la première cible du Major lors de son intervention. Neufs Sapien étaient dans l'ambassade ce jour-là.

Ray : Et le Major les a tous allumés.

Ben : Incroyable…

Ray : Et il y a des preuves qui montrent que le Major n'a pas tué un seul innocent.

Ben : Quelles preuves ? Ce n'est pas sur la vidéo.

Ray : Il semblerait qu'il y en ait une deuxième

Ben : Ray, tu l'as ?

Ray : Non, mais elle existe. Les rapports légistes aussi.

Ben : Quoi ? On peut les récupérer ?

Ray : Non…Je-

Ben : Et les communications de l'UEG avec la magistrate ? On pourrait prouver leur négligence concernant la demande de sécurité de la part de Sekibo.

Ray : Ravi n'a pas pu mettre la main dessus. L'ordre de couper les communications est tombé subitement, Ben.

Ben : Alors on ne peut rien faire ?! Ils ont juste laissé tomber l'enquête ?!

Ray : Ravi pense que l'UEG a graissé la patte des diplomates…

Ben : Mais on pourrait disculper le Major, les Sangheilis et jeter les Sapien au trou !

Ray : Ecoute, on est déjà chanceux d'avoir mis la main sur ça. Et puis le diplomate a affirmé que justice serait bientôt rendue.

Ben : Justice ?! Ils diront juste que les Sapien l'ont fait avec l'aide du Major ! Et ils vont encore s'en sortir. Mais franchement, c'est quoi leur problème ?!

Ray : Ce sont les méchants.

Le parti de Sekibo tentait de créer un monde meilleur dans une partie de l'univers où le manichéisme n'a jamais cours. Ils avaient demandé de l'aide et l'UEG n'avait même pas lu leur demande, alors le Major était entré en action. Son vaisseau est entré en atmosphère tellement vite que les I.A. de contrôle du trafic aérien l'on enregistré comme un météore, et au vu de la surprise dans l'ambassade, il n'a donné aucun avertissement.

Le Major a chargé seul dans une situation désespérée et en une fraction de seconde, il avait interrompu une tentative d'assassinat, évitant peut-être une guerre. Il neutralisa des combattants entraînés cachés parmi les civils et il n'avait pas une goutte de sang innocent sur les mains. Puis il a escorté Sekibo et tous les Sangheilis, sauf trois, en sécurité. La seule chose que le Major n'avait pas pu faire était de garder le cœur de Sekibo battant.

Mais en réalité, sans la vidéo ou les rapports légistes, sans documentation de la négligence de l'UEG, je ne pouvais rien faire. Je pouvais juste contempler mon impuissance.

Ben : Ray… Merci, tu n'étais pas obligé de faire tout ça.

Ray : En fait, je n'avais pas le choix. J'ai besoin d'une faveur.

Ben : Bien sûr.

Ray : Avec tout ce qui se passe dans les colonies extérieures… mes parents sont là-bas. Ravi ne pouvait rien faire et personne ne passe à travers, mais … si tu peux parler à Petra, voir ce qui se dit sur Terre…

Ben : Oui, bien sûr.

Ray était incapable de retrouver ses parents. J'avais été incapable d'aider Mshak, Katrina ou de trouver Ellie. Je ne savais pas ce que je pouvais encore faire, mais j'ai tout de même appelé Petra. C'est honteux de l'admettre, mais j'espérais qu'elle ne pourrait rien non plus.

Quand Petra a répondu, j'ai commencé à bafouiller avant qu'elle ne me coupe.

Petra : Ben, Ben, écoute. Je suis contente sur tu ais appelé, j'ai une piste pour toi.

Ben : Quoi ?

Petra : Ça fait quelques jours et je n'arrivais pas à décider si je devais t'en parler ou non.

Ben : Petra.

Petra : Ça vient d'une source de confiance et…

Petra : Ben, je n'en veux pas. C'est juste que … Je ne sais pas si je veux prendre la responsabilité de te l'avoir donné, mais je sais que tu en auras besoin. Tiens.

J'ai ouvert le paquet. Il contenait des coordonnées. Quelque part vers la bordure des colonies extérieures, et avec ça une fenêtre de temps de soixante-douze heures commençant bientôt. J'ai vérifié les coordonnées : c'était sur Bliss.

Petra : Je n'ai aucune idée de ce que tu trouveras là-bas. Un serveur, peut-être.

Ben : Un serveur ? Sur une planète vitrifiée ?

Petra : Je n’en sais rien. Ce n'est peut-être qu'un cimetière. Je sais juste que c'est anormal et qu'ils n'en savent rien, et dans les prochaines soixante-douze heures, la sécurité sera relâchée, et il n'y aura aucune surveillance. C'est un timing serré Ben. Tu dois entrer et sortir dans cette fenêtre de temps, compris ?

Ben : Euh, oui … Ok.

Petra : Ben, c'est une occasion unique. On a risqué des vies pour obtenir ces infos. Je dois savoir si tu vas–

Ben : Je suis désolé, je… J'apprécie vraiment, vraiment. Je vais le faire, d'accord ? Merci.

Petra : D'accord. Voilà ton vol. Un cargo clandestin qui part cette nuit. Emporte de l'argent, tout ce que tu as. Tu en auras besoin, ils ne sont pas du genre à plaisanter sur les prix.

Pour une raison que je n'explique pas, je me sentais tout à fait capable de le faire. Il était temps d'agir.

Ben : Petra, une dernière question–

Petra : Tu peux garder l'enregistrement.

Ben : Comment tu as su ?

Petra : Tu as une sale habitude, Ben. Bonne chance.

Ben : OK, merci Petra.

Si je devais partir pour les limites de l'espace humain dans un cargo clandestin, je devais emporter un bagage minimal et récupérer tout l'argent qui me restait dans ce monde. Et pour ça, je devais rentrer chez moi. Sortir dans la rue après tant de jours était un vrai plaisir, et avoir enfin un but précis me libérait.

Je m'apprêtais à un passage rapide mais en arrivant devant mon immeuble, je remarquais quelque chose d'étrange : une note des services publics agrafée sur la porte d'entrée.

L'endroit avait été condamné. « Non propice à l'habitation » ? Qu'est-ce que c'était que ce délire ? Ma clé était toujours valide, alors j'entrais. Le courant été coupé, tout été silencieux. Toutes les portes dans le hall étaient ouvertes.

Ben : Mais qu'est-ce que… Il y a quelqu'un ?

En avançant dans le couloir, je jetais un œil dans l'appartement d'un voisin.

Ben : Bonjour ?

Tout dans l'appartement, murs, meubles, fenêtres, était couvert de plastique transparent qui crissait sous mes pas. L'étage au-dessus était similaire : silencieux, portes ouvertes, du plastique partout. En tournant à l'angle, j'apercevais ma porte, portant toujours la marque de l'irruption de Petra… et close. C'était la seule porte fermée. Je l'ouvrais d'une poussée, et mes tripes se volatilisèrent.

Ben : Oh mon dieu …

Tout avait disparu. L'appartement entier avait été éventré.

Ben : Il n’y a rien…

Tout jusqu'aux plus petits détails. Les appareils, les meubles, le sol, les boutons d'interrupteurs, la plomberie, tout s'était volatilisé… pas la moindre trace de ce tout ce était là avant. Une brise entra par l'ouverture qui avait un jour accueilli ma fenêtre. Je me rendais compte que durant ma disparition, le monstre était venu. Il était venu dans ma maison. Et tout ce que je possédais n’existait plus.

Rejoignez-moi pour le prochain épisode de la Traque de la Vérité.

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Episode 11 "JUSQU’À L’OS"

Le temps qui me restait pour prendre le vaisseau vers Bliss et suivre la piste de Petra s'amenuisait. Je ne me dirigeais même pas vers les banlieues. Je n'allais pas faire tomber l'ONI. J'allais rester là, assis entre les joints de plancher de mon ancienne chambre, les fragments de verre de silice éraflant mes vêtements et ma peau. Je ne le remarquais même plus. Il n'y avait même plus de plancher dans la pièce où je dormais.

La nuit semblait couler sur mes épaules et malgré mes efforts pour m'engoncer dans mon sweat à capuche, il faisait de plus en plus froid. Je n'aurais jamais dû venir. Ils avaient évacué mes voisins, pris tous mes biens, trouvé mes caches de liquide et n'avaient laissé que le squelette de mon appartement. Il n'y avait plus aucun indice que j'avais existé dans cet endroit. L'ONI pouvait faire disparaître tout ce dont ils avaient envie.

Ben (murmure) : Traque la vérité…

Je restais assis là, silencieux, quand je reçu un appel.

Ben (murmure) : Allô, qui c'est ?

FERO : Ben, il faut que tu sortes de là immédiatement, ils t'ont trouvé.

Ben : FERO ? Mais comment–

FERO : Je t'avais dit que je te protègerais, maintenant pars avant qu'il soit trop tard !

Ben : Protégé ? Je ne sais même pas qui vous êtes, comment je pourrais avoir confiance en vous ?

FERO : OK, Ben, écoute-moi.

Ben : Je ne vais nulle part.

FERO : Ben, tu t’inquiéteras de ça plus tard, tu dois partir vite !

C'était trop tard.

FERO : Ben, écoute-moi. Ben ? [Combiné raccroché]

Ben : Oh merde, merde, merde…

J'entendais des voix provenant de là où se trouvait ma fenêtre.       

              [Des agents parlent à l’extérieur du bâtiment de Ben]            

Ben : Oh non…

Je devais me cacher, ne pas faire de bruit. S’ils utilisaient des capteurs biométriques, je devais ralentir mon rythme cardiaque. Mais j'étais terrifié. Je me suis immobilisé.

[Des agents brisent des vitres, entrent dans le bâtiment de Ben]

L'ONI était là, et l'instinct pris le relais.

                [Ben court dans le couloir]

Je quittais mon appartement pour rejoindre le couloir. Une porte, n'importe laquelle. J'en choisissais une. Le plastique.

                [Bruit de bâche en plastique se pliant bruyamment]

Je marchais trop bruyamment. Je revenais sur mes pas et passait une porte plus loin dans le hall. Je devais être plus discret. J'avançais le plus vite possible, évité de marcher sur les plis du plastique, naviguant à travers les silhouettes de meubles recouverts, en essayant de rester silencieux.

Je me collais près de la fenêtre de la chambre et écoutais.

                [La porte s’ouvre]

Ma porte s'ouvrait. Ils étaient chez moi. Est-ce que j'avais laissé des traces ?

Premier Agent [Dans une autre pièce] : Hé, par ici.

J'essayais de me détendre.

Second Agent [Dans une autre pièce] : RAS.

Je respirais et attendais.

Premier Agent [Dans une autre pièce] : Il est ici.

Ils allaient fouiller tout l'immeuble jusqu'à me trouver. Et me mettre dans un sac. Je fermais les yeux en essayant de disparaître.

Les bruits disparaissaient, c'était ma chance, je pouvais atteindre les escaliers mais je devais faire vite. Je me lançais.

[Ben court vers le couloir]

À peine entré dans le salon, je les entendais et me cachais derrière un canapé. Ils étaient juste au-dehors.

Second Agent : Chut, il est ici…

J'attendais. Tout était calme. Puis ils frappèrent.

[Les agents se ruèrent vers le portail et sur Ben]

Ben : Non, non, non, non, non – ne me –argh !

Les agents me frappèrent.

                [Les agents se battent avec Ben]

Ils s'apprêtaient à me mettre à terre quand-

[Deux coups de feu retentissent]

Les agents tombèrent à terre, morts. Qu'est-ce qui s’était passé ?! J'essayais d'y voir plus clair quand j'entendis un des agents, toujours vivant.

[Agent qui s’étrangle, et pousse un râle]

[Un coup de feu retentit]

Il ne l’était plus.

Le tireur émergea des ombres, prit le terminal d'un des agents et se dirigea vers moi.

FERO : Tu me fais confiance, maintenant ?

Ben : Ou– Oui, oui ! Mais qu'est-ce que–

FERO : D'autres agents seront là dans deux minutes, alors soit tu attends de mourir, soit tu bouges ton cul et tu sautes par cette fenêtre tout de suite !

Je me suis exécuté.

Ben : D'accord, d'accord !

Je venais de rencontrer FERO.

Je suis Benjamin Giraud, et voici la Traque de la Vérité.

Ben [Murmurant] : OK, ok…

FERO ouvrit la voie vers l'escalier de secours. J'essayais de ne pas regarder en bas en sautant de plusieurs mètres et courut rapidement à couvert de l'autre côté de la rue.

Ben [Chuchotant] : FERO ! Où est-ce qu'on va ?

FERO [Chuchotant] : Arrête… de parler.

Je suivais ses ordres en essayant de ne pas réfléchir. Elle bougeait vite en restant dans les ombres. J'essayais de suivre ses pas, mais c'était difficile. J'étais à bout de souffle quand elle descendit dans un canal de drainage et s'arrêta. Je digérais toujours ce qui venait de se passer.

Ben : Ces agents, c'était des agents–

FERO : Pas le temps de parler. Je suis venue uniquement pour que tu restes libre alors écoute.

Ben : Okay.

FERO : Si ce n'était pas déjà le cas, tu es sur leur liste noire, maintenant. Tu dois quitter cette planète, des agents doivent déjà fouiller les environs et ils ne s'arrêteront pas avant de t'avoir neutralisé.

Ben : Merde, merde…

FERO : Écoute : nous te protégerons.

Ben : Okay. Okay.

FERO : Nous sommes en pleine mobilisation dans les colonies extérieures. Des pions puissants sont en mouvement, mais tout le monde est dans le noir pour le moment. Tu dois te débrouiller seul pendant quelques jours et nous avons de quoi te rendre discret.

Elle montra le terminal.

FERO : C'est intraçable. Utilise-le, il te donnera aussi accès à un compte sécurisé. Ça suffira largement pour le moment.

Ben : Sérieusement ?

Depuis que l'ONI m'avait privé de mon compte bancaire, je n'avais pas pu acheter quoi que ce soit. Et FERO venait de m'offrir une sortie de secours hors de la ruine. Elle avait sauvé ma vie, et maintenant…

Ben : C'est– c'est– Merci !

FERO : Tu peux accéder à nos caches. Sans réseau nos protocoles sont morts, mais dès que ce sera fini tu seras prévenu et je m'assurerai que tu sois bien reçu.

Ben : Attendez, vous ne serez pas là ?

FERO : Notre plan est dangereux, je dois disparaître. Définitivement, sûrement.

Ben : Quoi ? Pourquoi ?

FERO : Pas le temps. La fin du délai approche et le Major est toujours considéré comme un traître. Ton histoire a révélé l'ONI au grand jour, ils sont blessés. Ils saignent encore mais si les sénateurs n'ont pas agi, l'ONI pourra récupérer, il faut agir tant qu'ils sont vulnérables. C'est pour ça qu'ils ont coupé toutes les communications. C'est une mission dangereuse, mais nous n'avons pas le choix.

Ben : Mais vous–

FERO : Ne t'inquiètes pas Ben, je n'ai pas peur de la mort. Tout ça est tellement plus important que moi. Je sais qu'il y aura quelqu'un pour continuer le combat. Des gens comme toi.

L'ONI sortait l'artillerie lourde contre moi. FERO m'avait sauvé la vie et elle s'apprêtait à s'engager seule dans une mission suicide. Je ne pouvais pas disparaître.

Ben : Attendez, nous avons peut-être le choix.

Je persuadais FERO de repousser ses plans de quelques jours, le temps que je suive la piste de Petra. Je savais que ce que je trouverais là-bas serait important. C'était la moindre des choses que je puisse faire pour empêcher un autre de mes amis d'être tué par ma faute… Je remerciais FERO encore une fois-

Ben : Merci.

Je lui souhaitais bonne chance, puis nous nous sommes séparés.

Je restais dans les ombres et allait vite pour rejoindre la navette vers Bliss. Je m'arrêtais juste à un magasin de surplus militaire en chemin. Puis je prenais mon billet pour l'espace.

À mon arrivée, je me dirigeai directement vers l'office des transports. Dans la navette, le capitaine s'était montré bien plus intéressé par mes pots-de-vin que par mon histoire. J'espérais que l'employé de l'office serait aussi pragmatique.

Responsable : Monsieur Jared, on ne voit pas souvent des entrepreneurs comme vous se rendre au fin fond de l'espace pour se balader sur les plaines vitrifiées. J'ai quelques visites à vous proposer.

Ben : Merci, mais j'ai déjà tout prévu.

Une fois mon transport négocié, je comprenais mieux ce qui était compris comme une compensation acceptable dans le milieu. Tout le monde possédait un terminal doré. L'employé me fit presque vider le compte en banque donné par FERO pour le permis. 75 000 crédits plus tard, j'avais les accès, un plan et de l'équipement. Mais il parut inquiet lorsque j’ai refusé une escorte.

Responsable : Monsieur, c'est à quatre kilomètres. Et au-delà de la périphérie, le terrain est difficile, du verre brut. Certaines formations peuvent transpercer un homme.

Je signais les décharges. Alors que je m'apprêtais à partir, il me donna quelques conseils. Gratuits.

Responsable : Le vent est fort là-bas, et le climat est instable. On a dû fermer les réseaux de navettes ces dernières semaines. Si vous entendez cette alarme, cherchez un abri, ou vous y laisserez votre peau. Littéralement.

Ben : Merci. J’apprécie.

À l'extérieur de la ville, l'horizon était couvert de carrières. Mais dès la périphérie passée, les opérations minières s'arrêtaient brusquement. Et je vis pour la première fois la partie vitrifiée de la planète. Une mer de formes et de textures indistinctes, chaotique et impressionnante, des collines de verre noir à perte de vue. Des squelettes d'immeubles fondus éparpillés.

Le terrain était rude et j'avançais aussi vite qu'en rampant dans des champs de protubérances de verre. Le climat aussi était difficile. J'étais constamment assoiffé malgré mon hydratation régulière.
Je sentais que ma peau était sur le point de se fissurer sous mon épais équipement. Après m'être étouffé dans un nuage de poussière, je ne quittais plus le respirateur. Occasionnellement, des plantes désertiques sortaient de fissures, bleues ou rouge clair. Mais à part les corbeaux qui semblaient omniprésents, j'étais le seul humain en vie. Une fine cendre flottait dans l'air, trente-deux ans plus tard, étouffant la plupart des formes de vie et dessinant dans le ciel au-dessus de moi des formes changeant avec les vents erratiques.

J'avais bien avancé quand un nuage de cendre descendit sur moi. Je devais m'arrêter, aveuglé. Faire un pas dans ces conditions, c'était prendre le risque d'une chute. Je consultais ma carte : j'avais parcouru trois kilomètres et demi. Je considérais prendre le risque d'avancer malgré le brouillard quand il se leva brusquement, et je fus un instant captivé par la beauté du paysage.

[L’alarme de tempête retentit]

Puis un long et puissant son rauque me tira de ma torpeur, l'alarme de tempête.

Je rangeais ma carte et avançait. Des poches d'air froid et chaud se succédaient, soulevant des débris de sable.

[L’alarme de tempête retentit]

Mais je ne voyais rien. Derrière moi tout était calme, et au sommet des pics devant, tout était clair. Où était la tempête ? Je regardais de nouveau la carte : plus que quelques dizaines de mètres. Devant moi, j'aperçus les ruines d'un complexe, proches. Puis je réalisais soudain qu'il n'y avait pas de montagne devant moi. Un immense mur noir avançait sur l'horizon, se jetant sur moi.

Je me mis à sprinter. La tempête approchait, noire comme la nuit et immense. Je vérifiais ma position, la structure avait été engloutie et les sections qui dépassaient rasées. Il n'y avait aucun abri et la tempête arrivait, fouettant mes joues. Je regardais autour de moi désespérément en essayant de protéger mon visage. Il y avait une section effondrée plus loin. Je me précipitais, des débris étaient portés par le vent.

De petits bouts de verre qui accrochaient à mes vêtements et, portés par les courants d'air, coupaient la peau de mes membres. Le son de la tempête était assourdissant. Je devais entrer. Je frappais le sol du complexe où il semblait fragile, alors que le vent soufflait de plus en plus fort et que ma peau était en feu.

Un sprint plus tard, le sol s'effondrait et je tombais dans la structure, plongeant dans la pénombre.

Je reprenais mon souffle avant de retirer le respirateur. Ma peau était éraflée et je regardais ma cuisse.

Ben : Merde.

La blessure saignait et me faisait terriblement souffrir, mais n'était pas profonde. J'utilisais mon kit de soin pour le panser avant de commencer mon exploration.

Ben : Ok, le toit s’est effondré ici… Il y avait toute sorte de débris sur le sol… Des chaises, des câbles…

Peu importe qui abandonna cet endroit, ils devaient avoir été prévenu et étaient parti précipitamment. J’allumai ma lampe torche et la pointait contre un mur noir.

Ben : Ok. Service de renseignement de la Navy… Communications spatiales… Passage interdit aux civils…”

C'était un ancien complexe de relais subspatial de l'ONI. Un des milliers disséminés dans le sous-espace pour réduire la latence avec les relais de la Terre. L'ONI n'aurait jamais laissé quelque chose d'utile dans cet endroit.

Ben : Okay, les indications de Petra.

Je devais chercher des indications montrant une zone de sécurité. Après des dizaines d’aller-retour, je descendais des marches jusqu'à ce qui semblait être le dernier étage, et d'après l'écho, la pièce était immense. J'avançais dans des rangées d'étagères recouvertes de tissus. Quoi qu'ait subi Bliss, ça n'avait rien dérangé ici. Je regardais attentivement sous les tissus.

Ben : Oh, merde.

Il y avait des armes. Fusil, explosifs, toute sorte de matériel non réglementaire.

Ben : Vraiment ? Des flingues ?!

J'avais fait tout ce chemin pour une cache d'armes de contrebande ?

                Ben : C’est pas possib-

Puis je l’aperçus du coin de l'œil. À l'autre bout de la pièce, derrière une porte de verre.

                Ben : Impossible…

Une petite lumière clignotante.

Ben : Non, impossible… Il ne peut pas être actif…

Un relai actif ?

Ben : Le relais ?

Dans une base de l’ONI ? Il pouvait contenir tout et n'importe quoi. Au vu des dégâts faits en surface, ils avaient sûrement pensé qu'ils s'étaient propagés jusqu'ici. L'ONI était sûrement totalement absente ici. C'était la raison de ma présence.

Je connectais mon terminal. Le serveur lié au relais était en stand-by, mais il semblait pleinement fonctionnel.

Ben : Ça se connecte !

Quelque chose s'activa plus bas et des lumières d'urgence s'activèrent dans la pièce.

Ben : Oh mon dieu !

Je commençais à faire des recherches.

Ben : Biko”…

Biko”. Les fichiers étaient récents. Je me souvenais encore du nom du fichier fuité par FERO.

Ben : Non, impossible…

La vidéo s'affichait. Mais il y en avait un autre que FERO n'avait pas vu.

Ben : Ray, je l’ai trouvé !

Je le transférais et l'ouvrait. La vidéo rassemblait le point de vue de toutes les caméras présentes ce jour-là.

La vidéo d'origine montrait seulement le Major tirer dans un couloir avec des cris de civils. Mais le reste du couloir n'était pas visible Je voyais maintenant deux personnes avec des lance-roquettes, d'autres avec des grenades, et le Major ne leur avait pas laissé la moindre chance.
Je le voyais éliminer méticuleusement chaque terroriste, ouvrant le feu douze fois et ne touchant à chaque fois que des assassins.

Je voyais quatre gardes et le garde rapproché de Sekibo ouvrir le feu sur lui. Et les rapports légistes confirmaient ces événements. L'indic' de Ray avait raison. Le Major avait tué les méchants qui voulaient tuer des innocents.

Je trouvais également la demande de protection de Sekibo et le refus instantané de l'UEG.

                Ben : Je n’y crois pas… Wow. On les tient !

J'avais tout ce qu'il me fallait pour disculper le Major, et encore plus pour impliquer l'ONI.

Une idée terrible me traversa l'esprit. Je savais exactement quoi chercher ensuite.

Ben : Benjamin… Giraud…”

Un frisson me parcourut alors que les résultats s'affichaient. Des profils psychologiques. Des conversations entre Sully et ses employeurs, des listes de mes points de pression et de mes relations. Je me sentais nauséeux. J'enregistrais les fichiers mais ne pouvait me résoudre à les lire.

                Ben : Non, impossible…

 Je faisais défiler les listes des témoins. Les véritables états de service de Gabriella Dvørak : en 2524, elle était sur Dwarka et n'avait jamais mis les pieds sur la planète où elle avait supposément libéré le jeune John.

Le survivant Thomas Wu, qui avait mentit sur l'existence de camps sur la planète de John, avait été soigneusement choisi. On lui avait promis l'ouverture de plus de mémoriaux et de campagnes de sensibilisation sur les souffrances endurées par les prisonniers des insurgés.

Je trouvais également les acteurs…

Ben : Walker… Sale enfoiré !

Paul Gustavson, ou plutôt Jakob Walker y était. Sa carrière, sa personnalité, son accord pour détruire tout travail passé et prendre sa retraite après ce contrat.

Puis je trouvais Deon, ou plutôt Simon Kenzigton, il y avait même une vidéo d'un de ses entraînements d'imitation de Deon, répondant à un fichier audio programmé par l'ONI. Alors qu'il posait des questions sur mes propres vulnérabilités émotionnelles, mes nausées se transformèrent en rage.

Ben : Bande d’enfoirés…

Quand vint le moment de l'histoire que je n'avais jamais voulu entendre, l'histoire du programme SPARTAN par Anthony, je réalisais que j'étais toujours réticent à posséder des preuves à ce sujet. Je me forçais à les ouvrir. J'avais sous les yeux des ordres de missions de reconnaissance top secrets datant de 2516, classés planète par planète, toutes des colonies extérieures. Et dans les qualifications pour le programme, une liste de critères physiologiques et psychologiques, de compatibilité génétique avec les procédures d'augmentation, et l'âge optimal : 6 ans ou moins.

Je lançais une dernière recherche.

Ben : John-117”

Le voilà, sur la liste, en 2517. Je suivais son nom sur la liste de documents qui s'affichaient. Des rapports de progrès tenus par des scientifiques dans des termes qu'on utiliserait pour une arme expérimentale, mais ils parlaient d'un enfant. Ils avaient fait ça à un héros. À mon héros. Et à d'autres enfants. Je continuais à creuser lorsque-

[Le relai crépite et claque bruyamment]

Ben : Qu'est-ce qui se passe ?

Des fichiers corrompus commençaient à envahir mon terminal.

Ben : NON ! NON ! NON !

Je le déconnectais immédiatement du serveur et vérifiais les fichiers. Ils étaient intacts.

Ben : Ouf…

[Le relai claque et s’éteint]

Ben : Non, non ! Oh non…

J'étais terrifié. Avais-je dépassé la fenêtre de 72 heures de Petra ? Est-ce que l'ONI m'avait surpris ? Je regardais l'heure.

Ben : Okay.

J'étais dans les temps. Mais que s'était-il passé ?

Sur le relais, le voyant de stand-by était toujours allumé, clignotant vivement. J’allais tout perdre mais ça n’avait pas d’importance.

J'avais tout ce qu'il me fallait et la tempête avait cessé. Je sortais du bunker, il était temps de laisser ce cauchemar de cendres derrière moi.

Alors que j'entamais mon retour dans les terres vitrifiées, mon pas était plus assuré. Je connaissais le terrain, et je tenais l'ONI à ma merci.

Rejoignez-moi pour le prochain épisode de la traque de la Vérité.

 

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Episode 12 "CHARGÉ À BLOC"

PETROSKY: Bon dieu c'est qui ?

BEN: Anthony, c'est Ben Giraud. J'ai peu de temps mais je dois–

PETROSKY: Ben ? Je– Je n'ai pas reconnu le canal, vous êtes où, en prison ou–

BEN: Écoutez. Je vous ai envoyé des coordonnées. Retrouvez-moi là-bas lundi

PETROSKY: Hum…

BEN: Vous voulez toujours faire tomber l'ONI ?

PETROSKY: Ou– Oui. Je ne sais pas quoi dire. On a frappé fort et ça a merdé, Ben. Les politiciens n'en ont rien à fou–

BEN: Peut-être, mais j'ai du lourd, maintenant, et on va viser ceux qui ont le vrai pouvoir. Je comprends ce que vous voulez dire, mais je serai bientôt en vol, donc dites-moi maintenant. Vous en êtes ?

PETROSKY: J'en suis, d'accord ?

BEN: Ouais. Vous êtes le meilleur.

PETROSKY: Mais je vous le dis, le sénat n'est–

BEN: On n’a pas besoin du sénat, Anthony. Faites-moi confiance, quand ce sera fait, tous les connards menteurs et malhonnêtes de l'UEG seront arrêtés pour haute trahison.

Je suis Benjamin Giraud, et voici la Traque de la Vérité.

Mon vol s’apprêtait à quitter Bliss. Le cargo était plein et faisait quelques vérifications de sécurité. Je m'attardais sur la piste d'embarquement le temps de passer un autre appel.

RAY: Raymond Kurzig à l'appareil.

BEN: Ray, c'est Ben ! Je–

RAY: Ben, qu'est-ce que c'est que ce canal ? Tout va bien ?

BEN: Oui, oui, je vais bien, je l'ai trouvé.

RAY: Trouvé quoi ?

BEN: Tout.

RAY: Quoi, tout ?

BEN: Je t'ai envoyé les fichiers. C'est une surprise.

RAY: D'accord, attends…

J'écoutais Ray ouvrir le fichier et voir tout ce que l'ONI voulait nous cacher.

RAY: Mon dieu… Ben, où t'as trouvé ça ?

BEN: Tu ne me croirais pas, mais c'est notre chance. Notre dernière chance de mettre un terme à tout ça.

RAY: Je ne sais pas quoi dire…

Ray était maintenant en possession des sauvegardes, et j'avais besoin d'une ultime faveur. Il était la seule personne en qui je pouvais avoir confiance. Je lui donnais une liste d'adresses à qui il devait envoyer les fichiers. J'ai entendu sa mâchoire tomber en voyant les liens. Le choc passé, il me confirma qu'il le ferait.

RAY: Oui, d'accord. Pas de souci.

BEN: Je ne pourrais jamais assez te remercier, mais on les tient, Ray. On les tient. Et je te promets que personne ne saura que tu m'as aidé pour Biko. J'enverrai le reste de mon histoire une fois rentré, et tu seras absent de tous les enregistrements, aucune de nos conversations. Tu avais raison de vouloir laisser tomber et je ferais en sorte que tu sois épargné.

RAY: Ben. Ils ont tout pris chez moi.

BEN: Quoi ?

RAY: Ma maison. Ils y ont tout pris. Même le plancher. Ils–

BEN: Ray, Ray-

RAY: Ils ont osé faire ça. Où ma femme et ma fille dorment.

BEN: Mais comment ils savent que–

RAY: Elles sont sur une autre planète, en sécurité, mais… Que je le veuille ou non, je ne peux plus reculer, maintenant. Je veux aider.

Ray était un des humains les plus altruistes que j'ai eu l'honneur de connaître. Il était sorti de sa zone de confort et avait tout sacrifié de nombreuses fois. Je ne pense pas pouvoir lui faire comprendre un jour à quel point c'était important pour moi.

Je lui envoyais des instructions sur des fichiers cryptés pour finaliser notre plan. Je l'ai remercié une dernière fois, nous nous sommes souhaités bonne chance et nous sommes quittés là-dessus. La prochaine fois que je le verrai, nos vies auront été bouleversées et je n'aurais pas choisi quelqu'un d'autre pour être à mes côtés.

Alors que je quittais les colonies extérieures, il était difficile de penser au prix payé pour notre liberté et notre sécurité. Tant de vérités avaient été cachées, tant de personnes. L'ONI avait tenté de m'enterrer. Mais ils avaient échoué. Je n'étais plus effrayé, j'avais des choses à dire. Combien de personnes sacrifiées étaient de trop ? Selon moi, la réponse était… une.

MSHAK [MESSAGE]: Allô ? Mec, j'attendais ton appel. Faut que je te dise quelque chose d'important. Ceci est un message préenregistré ! Haha !

BEN: Mshak, haha! M-shack! Écoute, je–

[BEN LAISSE UN MESSAGE À MSHAK]

Mshack me hantait toujours. Quand je fermais les yeux, son corps était glissé dans un sac noir et j’étais impuissant. Mais je devais aller de l'avant pour lui. Pour Ray. Pour FERO. Pour Petra, pour Anthony, pour Katrina, pour Ellie, pour tous ceux dans les colonies extérieures, tous ceux que notre gouvernement avait maintenu dans le noir. Par choix ou non, trop de sacrifices avaient été faits, et trop de ces sacrifices étaient humains.

BEN: Je– Je voulais juste te dire merci. Je suis désolé et–

Pour la première fois de ma carrière, je sentais que je devais dire la vérité et toute la vérité, aussi moche soit-elle, des pistes étranges au noyau pourri. Je ne voulais pas que tout ça n'ait servi à rien. Voilà ce que je ferais pour tout le monde. Je leur donnerai la dignité de connaître la vérité.

J'étais surpris quand Petra Janecek m'appela. Pour quelqu'un qui m'avait souvent menacé physiquement, elle m'appelait quand même pour savoir si j'allais bien.

BEN: Tu sais, si je ne te connaissais pas mieux que ça, je me demanderais si tu ne t'inquiète pas pour moi.

PETRA: Pfft, reprends-toi, Giraud. Je voulais juste savoir ce que tu avais, mh, trouvé.

BEN: Sérieusement, je me suis déjà excusé une centaine de fois pour… avoir été un idiot, avoir menacé ta réputation, tout ça. Mais je pense que je veux te remercier une dernière fois.

PETRA: De rien.

BEN: Pour toute ton aide. Vraiment, je ne saurais pas dire à quel point c'est important pour–

PETRA: C'est bon, c'est bon, ça suffit.

BEN: J'en fais trop ?

PETRA: Un peu, oui. Tu vas vraiment ruiner ma réputation, là. J'espère que ça ne sera pas le point final de ton histoire… Un appel pour parler franchement. Je savais que ça se terminerait mal, mais à ce point ! Bref, je voulais savoir ce qu'avait donné la piste. Qu'as-tu trouvé ?

BEN: Tu avais raison, c'était une chance unique.

PETRA: Vraiment ? Comment ça ? Pourquoi–

BEN: J'ai tout, Petra. Toutes les preuves pour tout corroborer.

PETRA: Sois plus clair, Ben. Qu'est-ce que tu as trouvé à propos de Biko ?

BEN: Toute l'histoire. Non seulement le Major est innocent, mais il a sauvé la situation. Il a fait l'impossible. J'ai tout ce qu'il faut pour le prouver. Le meilleur, c'est que je peux aussi montrer que l'UEG a été négligent et a conspiré avec la magistrate sur Biko pour le cacher. Coercition, pots-de-vin, la totale. Ces connards arrogants auraient pu empêcher ça. Ils le savent. L'ONI et l'UEG sacrifiaient le Major aux masses pour sauver la face, pour distraire le public et le dissuader de creuser l'affaire. Mais maintenant que j'ai tous ces fichiers qu'ils voulaient cacher, on les tient en joue.

PETRA: Non, Ben. Ils masqueront toute l'affaire. C'est juste–

BEN: Ils essaieront. Je ne sais pas quand ou comment, mais ils sont de mèche avec l’histoire de Biko. Ils révéleront les vrais coupables mais laisseront quand même tomber le Major. Je ne les laisserai pas faire ça. Nous blanchirons le Major et exposerons l'ONI.

PETRA: Nous ? Qui « nous » ?

BEN: Ray, moi et Petrosky.

PETRA: Les trois amigos, hein.

BEN: Tout sera terminé demain.

PETRA: Ben, tu sais que tu n'as pas à le faire comme ça.

BEN: Petra, ça ira. Ça ira. Je sais que tu t'inquiètes parce que je suis hors du coup, tu avais raison, mais cette fois–

PETRA: Je ne veux pas que tout ça se termine mal.

BEN: Je dois le faire.

PETRA: Demain, alors. Quel est le plan ? Tu as trouvé l'éditeur le plus couillu du Magellan pour publier l'affaire ?

BEN: Non. Je vise plus haut. Bien plus haut.

PETRA: Ça veut dire quoi ?

BEN: En fait, j'espérais que tu pourrais m'aider, parler de ça à ton réseau. Faire tourner l'info, personne ne voudra rater ça.

Assis dans le transport, préparant tout pour demain, je me rendais compte la chance que j'avais de faire partie de tout ça. Si Ray, Anthony et moi réussissions, tout ce que l'ONI a tenu dans l'ombre depuis des générations serait exposé pour la première fois. Grâce à l'aide de nombreuses et courageuses personnes. Tous ceux qui ont tout risqué, qui m'ont laissé des messages, mes amis, je voulais vous remercier. Ce sera ma dernière transmission. Demain, vous serez témoin de la fin de cette histoire. Après ça, je disparaîtrai. Pour un moment au moins. Selon ce qui se passera, j'espère être vite de retour.

À tous ceux qui ont écouté mon histoire, qui se sont levés et ont fait entendre leurs voix, je veux que vous sachiez qu'en détenant la vérité, vous possédez le pouvoir, et en partageant cette liberté, nous maintenons ce pouvoir. N'oubliez jamais ça. Ça a été un honneur de me trouver au centre de toutes ces opinions et ces histoires. C'était une expérience qui remet tout en perspective. Vous tous qui m'écoutez en ce moment, du fond du cœur, je vous remercie.

Mais par-dessus tout, je veux remercier le Major. Major, vous nous avez sauvé de bien des manières, même sans vous en rendre compte. Vous avez tout sacrifié pour nous, et quel que soit le coût de mes actions demain, je sais que nous vous devons ce sacrifice, à vous et à tous ceux qui nous protègent. Et si je réussis, tout le monde saura que vous êtes toujours le sauveur dont nous avons eu besoin.

PETRA: D'accord, mais pourquoi ? Quel est le plan ?

BEN: Nous passerons sur ECB. En période de grande écoute. Grâce à un vieil ami producteur.

PETRA: Euh…

BEN: C’est la plus large diffusion qu'on puisse espérer.

PETRA: Attends, attends… Tu veux dire que tu vas–

BEN: Petra… Demain, nous serons sur tous les réseaux. Nous toucherons peut-être toutes les personnes vivantes. Nous laverons le nom du Major avant qu'ils ne l'abattent. Nous couvrirons le monstre de kérosène et devant tout le monde, une bonne fois pour toute, nous le ferons brûler.

Je suis Benjamin Giraud. Et c'était la Traque de la Vérité.

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Episode 13 "CLAP FINAL"

[Générique ECB]

KESSLER : De retour sur ECB, nous continuerons plus tard notre couverture du jour de commémoration en interviewant d'autres prisonniers de camp de travail. Mais avant cela, nous avons une passionnante exclusivité ECB. Le journaliste Benjamin Giraud va nous parler de son histoire qui a fait des vagues à travers les colonies extérieures et ici sur Terre. Elle s’appelle : La Traque de la Vérité, l'histoire du Major. Ben est ici pour nous révéler de nouvelles informations. Bienvenue Ben.

BEN : Merci, ravi d'être ici. Je-

KESSLER : Oh Ben, je suis désolé. Une seconde, nous venons de recevoir un rapport de Biko : après une enquête secrète, la magistrate Laura Adams et des agents de l'UEG ont publié de nouveaux enregistrements de caméras et rapports d'autopsie liés au massacre de l'ambassade. Ces preuves concordent pour incriminer le groupe extrémiste Sapien Sunrise, levant toute charge sur le Major ou les Sangheilis. L'UEG a qualifié le massacre d'“attaque contre la paix” et promet de continuer à supporter les initiatives de diplomatie locales avec les délégations aliens.

Le nouveau sénateur Andrew Del Rio est revenu sur ses précédentes déclarations, qualifiant le Major de héros légendaire, et déclarant que, je cite, «chaque statue en son honneur est monument à chérir». Depuis son bureau ce matin même, le sénateur est parti en vacances pour des raisons familiales.

Ben, vous avez travaillé sur le profil du Major depuis longtemps.

BEN : Hmm…

KESSLER : Pourquoi avez-vous tout cela ?

BEN : Attendez, vous croyiez vraiment que le Major était coupable ?

KESSLER : Ben, mes spéculations sur le coupable seraient déplacées.

BEN : Allons, c'est de l'ONI tout craché. Bien sûr que le Major était le héros sur Biko, mais les Sapiens n'auraient pas pu y arriver sans l'UEG. Si vous regardiez les conversations d'Adams dans le dossier que j'ai envoyé, vous comprendriez.

KESSLER : Oui, nous sommes en train de les vérifier… Il nous reste un peu de travail.

BEN : Pas de souci, je les ai sur moi.

KESSLER : Hum, d'accord…

BEN : Hein ? Désolé, il y a un problème. Non, ils n'ont pas… Attendez, laissez-moi réessayer !

KESSLER : En attendant, revenons là-dessus; pour ceux qui ne sont pas familiers avec votre histoire. Est-ce que vous dîtes-

BEN : Peu importe. Okay, écoutez. Sekibo a demandé de l'aide à l'UEG avant la rencontre et ils l'ont rejeté directement, ils auraient pu éviter une douzaine de morts mais ils n'ont même pas lu sa requête !

KESSLER : Maintenant. Bien, laissez-

BEN : Et maintenant Adams vient s'afficher en sauveuse ?! Je veux dire, sans déc-

KESSLER : Vous dites que l'ambassade de Biko a fait une demande fédérale, mais qu'elle était vulnérable parce que le sénat a refusé la requête sans délibération ?

BEN : «Négligence caractérisée», c’est ce que je dis.

KESSLER : Mais l'ambassade n'a rien dit.

BEN : Pas aux journalistes. Ni à personne d'autres, ils agissent pour sauver leur réputation  Attendez, une question, où est Ray Kerzig ?

KESSLER : Euh…

BEN : Il vous a bien envoyé les fichiers ?

KESSLER : Nous avons reçu vos fichiers–

BEN : Mais il n'est pas là, nous étions sensé nous retrouver.

KESSLER : Continuons…

BEN : Et Petrosky ? Il a disparu aussi ?!

KESSLER : Le caporal Petrosky sera bientôt avec nous, concentrons-nous.

BEN : Oui, désolé.

KESSLER : Vous avez été engagé par l'ONI pour établir cette histoire, n'est-ce pas ?

BEN : En effet.

KESSLER : Et que s'est-il passé ?

BEN : J'ai découvert plusieurs incohérences entre les sources et ils m'ont viré.

KESSLER : Ils vous ont licencié pour avoir trouvé des incohérences ?

BEN : Allons, ne jouez pas au surpris, nous savons tous les deux que l'ONI manipulait les sources. Mais tout ça n'était rien comparé à la vérité sur le Major. Les différences étaient mineures au début mais tout finit par ne plus avoir de sens, et j'ai tenté de créer de la cohérence avant de découvrir la vérité. Les sources qu'ils me donnaient étaient manipulées, c'étaient des acteurs. Je veux dire, pas tous, certaines étaient de vraies personnes manipulées et d'autres jouaient simplement le jeu du mensonge, des acteurs ! Incroyable !

KESSLER : Nous vérifions toujours la légitimé de vos fichiers mais la vidéo est disponible. Voulez-vous la montrer ?

BEN : Oui, vous allez voir l'acteur jouant Deon Govender, supposément le professeur de boxe de John. Cet homme m'a manipulé avant que je ne trouve cette vidéo où il s'exerce pour le rôle.

[L'acteur passe entre voix de vieillard et voix plus jeune, travaillant l'intonation]

DEON [ENREGISTREMENT] : A Elysium City, les gens ont juste disparu à l’époque…

ACTEUR JOUANT DEON [ENREGISTREMENT, HORS DE SON PERSONNAGE] : Euh, qu’est-ce que c’est que ça ? Hmm, ah. Ok, ok… Parce qu’il… Craque ici, c’est ça ? Ok, parfait. Mais nous sommes toujours d’accord sur l’ensemble grand-père citadin, amoureux de barbecue, issu la classe ouvrière, n’est-ce pas…? Ok… Oui, on va lui sortir le grand jeu.

DEON [ENREGISTREMENT] : A Elysium… Elysium…

BEN : Vous pouvez arrêter ici.

KESSLER : Je… Je ne sais pas quoi dire.

BEN : N'est-ce pas ?

KESSLER : Nous sommes ici avec Benjamin Giraud pour une exclusivité. Notre équipe s'applique à vérifier la légitimité des sources et documents fournis par Ben pour fonder son histoire–

BEN : Et le pire, c'est que le vrai Deon est mort ! Ils étaient prêts à aller aussi loin pour couvrir leurs mensonges !

KESSLER : Mais que couvraient-ils exactement ? Pourquoi l'ONI emploierait autant de moyens–

BEN : Je vais vous le dire : le programme SPARTAN-II. Posez-vous la question : comment s'est déroulé le recrutement de ces incroyables héros ? Et bien ils ne l'ont pas fait : quelqu'un de l'ONI a établi une liste de jeunes enfants prédisposés, les a fait kidnapper et remplacer par des clones conçus pour mourir, ils leur ont lavé le cerveau pour en faire des soldats et en ont massacré près de la moitié dans d’immorales procédures médicales.

KESSLER : Ben, désolé de vous couper. Ce que vous nous décrivez est inconcevable, et si ça s'avère vrai, il ne s'agit pas juste de mensonge, mais de crimes contre l'humanité.

BEN : Exactement ! C’est justement là où je voulais en venir. J'ai des fichiers–

KESSLER : Avant de continuer, mon équipe me dit qu'ils ont terminé d'inspecter les fichiers, dont ceux que nous venons de voir, et certains semblent dater de près de 40 ans. Néanmoins, comment expliquez-vous que tous vos fichiers aient été créés au cours des deux derniers mois ?

BEN : Quoi ?!

KESSLER : Je ne sais pas à quoi vous jouez, Ben, mais vos documents sont faux.

BEN : Non–

KESSLER : Vos documents et interviews sont trafiqués–

BEN : Non, non, non, non. Ce n’est pas vrai. Charles…

KESSLER : Je ne sais pas ce que vous essayez de faire ici, vous pensez pouvoir venir dans mon émission et –

BEN : Non, c'est insensé ! Charles, comment pourrais-je–

KESSLER : Vous pensiez réellement que nous ne vérifierions pas ?

BEN : Une minute. Si c'était vrai, que j'étais un génie du crime ayant monté tout ça, pourquoi viendrais-je ici pour me faire prendre ?!

KESSLER : Je n'en sais rien, monsieur Giraud ! Publicité, gloire, ego, tout ça à la fois ?! Vous ne seriez pas le premier théoricien du complot–

BEN : Non ! Ce n’est pas… Non. Non, écoutez. Ce n’est pas-

KESSLER : Dans mon émission, nous vérifions les sources, et je suis sur le point de vous faire sortir d'ici !

BEN : Je suis ici, Charles, pour essayer de dévoiler que le gouvernement a soutenu un kidnapping de masse et des meurtres juvéniles ! Est-ce assez pour votre émission ?!

KESSLER : Ce serait courageux de votre part si vous n'aviez pas falsifié les preuves dans votre intérêt personnel.

BEN : Vous ne me croyez pas ? Petrosky peut corroborer mon histoire, demandez au témoin oculaire ! Vous vous sentez de taille ?!

KESSLER : [soupir] J'en serais ravi. Nous accueillons maintenant le vétéran ODST, Caporal Anthony Petrosky.

BEN : Enfin…

KESSLER : Bonjour, Anthony.

PETROSKY : Bonjour…

KESSLER : Le plaisir est pour nous, c'est toujours un plaisir d'accueillir un vétéran en uniforme.

PETROSKY : Ravi d'être ici.

KESSLER : Dites-moi, vous avez travaillé avec Ben ?

PETROSKY : Oui, je suis en contact avec monsieur Giraud depuis quelques semaines.

BEN : Parlez des augmentations !

KESSLER : Monsieur Giraud, vous m'interrompez beaucoup trop souvent, ne me forcez pas à couper votre micro. Désolé, Anthony. Pourquoi l'avez-vous contacté ?

PETROSKY : J'ai contacté monsieur Giraud il y a trois mois dans le cadre d'une enquête spéciale.

BEN : Quoi ?!

PETROSKY : L'UNSC était sur la trace d'une nouvelle secte insurrectionniste menaçant de déclencher des guerres interplanétaires.

BEN : Ce n'est pas ce que–

PETROSKY : Ma mission était d'infiltrer le groupe, et d'exposer un de ses membres hauts placés en incriminant un membre éminent de l'UNSC.

KESSLER : Le Major.

PETROSKY : Oui.

KESSLER : Vous étiez donc en mission d'infiltration ?

PETROSKY : Oui, sous couvert d'un ancien militaire intéressé par les idéologies extrémistes.

BEN : Anthony, Anthony, qu’est-ce que vous faîtes ?

PETROSKY: J’ai contacté Be- Heu… Monsieur Giraud pour lui faire croire que je voulais l'aider à diaboliser l'ONI.

BEN : Anthony ! Ne faites pas ça…

PETROSKY : J'ai gagné sa confiance pour lui faire croire que j'allais lui servir de témoin pour appuyer la révélation de fausses atrocités.

BEN : Anthony ! Ne faites pas ça !

PETROSKY : C’était une partie de la campagne de désinformation de Monsieur Giraud.

KESSLER : Voulez-vous coupez son micro ?

BEN : Non, ne faites pas ça Anthony !

KESSLER : Coupez-moi ce micro ! Vous êtes incontrôlable ! Coupez le micro !

BEN : Je ne sais pas de quoi ils vous ont menacé, mais vous-

KESSLER : Excusez-nous. Veuillez continuer, monsieur Petrosky.

PETROSKY : J'ai… J'ai aidé monsieur Giraud à monter des interviews pour rendre crédible ses révélations auprès de ses auditeurs.

KESSLER : Vous l'avez donc aidé à créer ces preuves pour son spectacle alors que vous serviez l'UNSC et jouiez votre rôle d'agent infiltré ? C’est cela ?

PETROSKY : Oui…

KESSLER : Y avait-il une seule chose vraie ? Avez-vous été témoin de quoi que ce soit qui puisse corroborer les rumeurs concernant le programme SPARTAN, les enlèvements– ?

PETROSKY : Non, monsieur. Je n'ai jamais été témoin de quoi que ce soit. Je n'ai jamais vu d'enfant marqué de cicatrices dues aux processus d’améliorations biologiques, ni rien d'autre concernant l'ONI ou le programme SPARTAN. Je ne faisais que dramatiser de vieilles légendes militaires. Personne ne croit vraiment à ces rumeurs.

KESSLER : J'imagine que ça a été difficile de mentir au public et déclencher le lynchage d'un héros.

PETROSKY : Oui, monsieur… C'était la partie la plus difficile.

KESSLER : Et vous n'avez jamais rencontré John-117 ?

PETROSKY : Je n'ai jamais rencontré John-117, mais je serais honoré de pouvoir le faire un jour. C'est le plus grand héros de notre époque et je veux qu’on m’enregistre alors que je le dis.

KESSLER : Merci de votre intervention, Anthony, et de vos services.

PETROSKY : Merci à vous.

[Petrosky s’en va]

KESSLER : Mesdames et messieurs, nous sommes avec Benjamin Giraud alors que son histoire s’effondre sous nos yeux. Ben, avez-vous quelque chose à dire ?

BEN : Je ne sais pas ce que lui a fait l'ONI, mais il ment. Ils sont parvenus à corrompre un homme bon, un soldat, pour me discréditer.

KESSLER : Je vous mets dehors, maintenant.

BEN : Vous savez que vous êtes une marionnette !

KESSLER : Je ne fais qu'observer des faits !

BEN : Parfait. Parfait.

KESSLER : Et pouvez-vous me dire, exactement, d'où vous sortez ces prétendues preuves ? S’il faut dévoiler vos sources, c'est maintenant !

[Ben soupire]

BEN : Je commence à en avoir marre…

KESSLER : Nous sommes donc deux !

BEN : Je me fiche de ce que dit la date de création, j'ai téléchargé ces fichiers il y a deux jours sur un serveur dans une installation abandonnée de l'ONI sur Bliss !

KESSLER : Vous avez trouvé votre trésor de secrets gouvernementaux dans une ruine non gardée sur une planète vitrifiée ?

BEN : Je n'imaginais pas que ça tournerait comme ça !

KESSLER : Monsieur Giraud, laissez-moi vous montrer ceci. Cette vidéo a été enregistrée il y a deux jours. C’est bien vous ? Entrant dans un bunker sur Bliss ?

BEN : Quoi ?! Comment avez-vous eu ça ?!

KESSLER : Les fichiers que vous avez envoyés ont tous été chargés il y a deux jours depuis le bunker où nous venons de vous voir entrer.

BEN : Attendez, non. Comment avez-vous eu cela ?

KESSLER : Et il y a deux jours la police locale a trouvé une énorme cache d'arme, ainsi que le serveur dans ce bunker. Son contenu-

BEN : Donnez-moi une minute…

KESSLER : Son contenu appartenait à une organisation liée à une insurrectionniste appelée FERO, qui a été impliquée plus tôt aujourd'hui par des membres de Sapien Sunrise comme le fournisseur des armes utilisées lors du massacre de l'ambassade.

BEN : Vous essayez d'attribuer la mort de Sekibo à FERO ?! Elle n'a rien à voir avec tout ça !

KESSLER : Et les modifications de leurs armes sont les mêmes que celles trouvées dans votre bunker.

BEN : D'accord, j'ai compris, je suis un terroriste travaillant pour FERO, c'est ça ?!

KESSLER : Non. Apparemment, vous ne travaillez pour personne, monsieur Giraud.

BEN : Quoi ?

KESSLER : Voici l'enregistrement d'une caméra de surveillance il y a deux jours, montrant deux membres de Sapien Sunrise entrant dans votre appartement–

BEN : Non. Ils n’étaient pas de Sapien Sun… Non !

KESSLER : Qui, selon les rapports préliminaires du bureau-

BEN : Non, ils étaient de l'ONI !

KESSLER : Ils ont été tués.

BEN : Ils ont été tués ?

KESSLER : Donc, c’était quoi ? Un marché ayant mal tourné ?

BEN : Non, c'étaient des hommes de l'ONI qui venaient me tuer ! FERO m’a sauvé !

KESSLER : Des agents de l'ONI ont également retrouvé le compte bancaire que vous avez utilisé pour financer les activités terroristes de FERO, avec à la clé l'achat de surplus militaires juste à côté de chez vous. Voici la vidéo où vous faites cet achat !

BEN : L'ONI avait envoyé ces agents à mon appartement pour me tuer ! Elle m'a sauvé la vie et m'a donné de l'argent ! J'essayais de rester en vie !

KESSLER : Nous avons tous les enregistrements du voisinage. Les seules personnes entrées dans votre immeuble cette nuit-là sont vous et les deux membres de Sapien Sunrise que vous avez tué.

BEN : Ils n'étaient pas de Sapien– Non, non, non, non…

KESSLER : Monsieur Giraud… FERO… Quel que soit le nom que vous vous donnez… Vous n'avez aucun échappatoire. Alors passez directement à votre grand discours rebelle que je puisse mettre fin à cette triste imitation d'interview !

BEN : Vous… Vous…

KESSLER : Rien ? Bien ! J'ai eu ma dose de sociopathe narcissique pour aujourd'hui.

BEN : Où est Ray ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

KESSLER : Raymond Kerzig va bien, nous lui avons parlé hier.

BEN : Je ne crois plus un mot de ce que vous prononcez…

KESSLER : Il nous a donné les fichiers comme vous l'avez demandé, mais il nous a également détaillé comment vous les aviez falsifiés.

BEN : Non… Je ne vous crois pas. Je ne vous crois pas. Où est Ray ? Où est-il maintenant ? Je veux une preuve que Ray Kerzig et sa famille sont en sécurité et libres. Appelez-le tout de suite !

KESSLER : Après toutes vos accusations d'atrocités et de trahisons, votre pitoyable Traque de la vérité a trompé de nombreuses personnes. Laissez-moi me faire porte-parole de la presse libre et demander à toute personne dans cette galaxie, en son âme et conscience, de bien vouloir croire que l'atrocité, c'est vous, monsieur Giraud ! Vous êtes l’exemple même du traître.

BEN : L'ONI a tué Mshak… Ou ils l’ont mis dans un sac et l’ont jeté dans un trou. Je ne sais pas. Je ne sais pas… Mais maintenant- Maintenant…

KESSLER : J'en ai ma claque.

BEN : J'ai entendu tellement de choses ces derniers mois, je sais de quoi je parle quand je dis que le Major, est un héros, mon héros, le héros de tous, et vous lui avez tous tourné le dos ! Tous autant de chiens-chiens !

KESSLER : C’est bon, coupez son micro. Monsieur Giraud va maintenant devenir le problème des agents fédéraux.

BEN : Faite-vous vos propres opinions. Décidez par vous-même ! Ne vous laissez pas avoir par ce qu’ils- LACHEZ-MOI ! Argh ! Écoutez !

KESSLER : Coupez son micro ! Coupez son micro ! C’est fini !

BEN : Ecoutez ! Et vous pourrez trouver la véri-

KESSLER : Nous sommes désolés, mesdames et messieurs. Je voudrais m'excuser personnellement auprès de tous ceux et celles qui ont été témoins de ce triste spectacle. Ce sont les dangers des interviews en direct et je ne vais certainement pas me laisser impressionner pour si peu dans ma propre émission. Nous connaissons la véritable histoire, à présent. Je suis Charles Kesler, nous revenons tout de suite.

[Générique de fin]

PETRA : Tout le monde a vu ça. Le Major était lavé de tout soupçon, et Ben avait tout perdu. Nous avions une histoire sur laquelle nous reposer, celle du héros et du traître. C'était celle-là que nous voulions entendre. C'était ce que voulais l'ONI depuis le début.

Toutes les rumeurs à propos du Major et des Spartans avaient été la fin de Ben, il était goudronné et plumé. Et avec le sacrifice de Ben, les colonies extérieures retrouvèrent leur calme. Les transports, les communications, le commerce, l'énergie, tout revenait, et les flammes de la rage populaire allaient être éteintes avec le sang de Ben Giraud.

Ben disait que c'était son honneur qui l'avait poussé à se lever contre l'ONI après qu'ils l'aient jeté. Mais ils l'avaient utilisé.

Chaque domino était tombé comme prévu.

Je pensais être trop maligne pour ça, mais au final j'étais un autre pion dans leur jeu. Leur coup de grâce porté à Ben avait été le serveur sur Bliss. Que j'ai transmise ou laissée de côté cette information, j'avais aussi été utilisée.

Mshak, Ray, Petrosky, tous ceux qui s'étaient approché de l'histoire de Ben avaient été incorporés au plan de gré ou de force. J'aurais pu y aller, me prendre dans leur toile, mais j'avais refusé et j'étais libre.

Au final, je pense que Ben cherchait le respect. Mais l'ONI s'en fiche, du respect. Pour eux, seule la peur compte.

Mais je n'ai pas peur. Grâce à ce que j'ai ici. Ben était hors du coup. Mais pas Ray. Il avait relayé les fichiers à une personne de confiance, au cas où.

C'est mon histoire, maintenant, ma mission.

Alors je reprends là où Ben s'est arrêté. Je découvrirai la Vérité et la mettrai en évidence. Pas pour des principes, mais parce que mon honneur me démange, comme Ben avant moi. Mais contrairement à lui, je vais jouer comme l'ONI. Ils vont regretter que je ne sois pas tombée dans leur toile.

C'est mon histoire maintenant, et je n'ai rien à faire du respect. Cette histoire sera une histoire de peur.

Je suis Petra Janecek, et voici la Traque de la Vérité.

 

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Afin de connaître les retombées des actions de Benjamin Giraud, ainsi que le destin des personnages de la saison 1 de Hunt the Truth, nous invitons à consulter notre dossier complet sur Hunt the Truth – Saison 2 !

 

Halo.fr tient à remercier CroixBruterambo et JGtm pour leur aide dans le processus de traduction des épisodes de cette première saison de Hunt the Truth.

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Anonyme

[quote=Alcorak]

Anonyme wrote:

Je suppose que c’est trop demander d’avoir le moment du début de chaque épisode sur le supercut ?
Même si la réponse est non, excellent travail a ceux qui ont monté le dossier.

Je peux voir pour te faire ça, par contre je n’aurais pas trop le temps avant jeudi/vendredi.

[/quote]

Oh super ! 😀
Je suis pas pressé donc fais selon tes disponibilités, c’est déjà énorme que tu puisses faire ça, et je t’en remercie d’avance !