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[Review] Halo : Epitaph

Annoncé en grande pompe en octobre 2022, Halo : Epitaph annonce la couleur dès sa couverture : un Didacte hagard, esseulé, perdu dans un désert, une manière honnête d’introduire ce qui se présente sans détours comme la fin de l’histoire de ce personnage tant aimé et surtout complexe, qu’on l’analyse du point de sa biographie dans l’univers ou du point de vue de sa structure narrative.

Si le roman lui-même mérite l’attention des fans investis, il est indissociable d’un sentiment d’amertume envers la gestion de la licence Halo puisque Kelly Gay s’improvise fossoyeuse de personnages abandonnés, leur donnant un final avec des honneurs dont 343 Industries s’est révélé incapable.

La critique ci-dessous porte sur un livre indisponible en français. Elle ne comporte pas de révélations majeures. Néanmoins, si vous voulez préserver toute la surprise, sautez directement à la conclusion.


Informations commerciales

Ces informations sont publiées en date du 09/03/2024 et peuvent être amenées à évoluer avec le temps.

Date de sortie : 27 février 2024
Disponibilité : Neuf
Site conseillé : Amazon (physique), Blackwell’s (physique), Kobo (numérique)
Prix conseillé : 18 €

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Dans une interview, l’auteure Kelly Gay déclare qu’Epitaph peut se lire sans avoir au préalable lu la Trilogie Forerunner de Greg Bear ou même joué à Halo 4, deux histoires où le Didacte tient le rôle de personnage-clé. C’est une déclaration ridicule, d’autant plus que Gay a déjà touché à l’héritage de Bear dans Point of Light : Epitaph est fondamentalement une conclusion, dont le poids échappera à ceux qui n’ont pas lu les romans précédents, et les nombreux paragraphes résumant à certains moments-clés les grandes lignes de la vie du Didacte ne peuvent en aucun cas remplacer la lecture de la fresque de High Science-Fiction peinte par Bear.

Epitaph est complètement centré sur le Didacte, faisant de tous les autres personnages récurrent les accessoires de son évolution vers la conclusion de sa biographie, lui servant de miroir ou de point de repère par leur évolution parallèle, ou au contraire en restant les mêmes alors qu’il change. Le roman perd grandement en intérêt si on ne connaît pas le passé de la constellation d’autres personnages dont les motivations ont mené le protagoniste là où il se trouve au début du livre.

Car l’objectif narratif de 343 Industries (l’auteure ayant eu relativement peu de liberté sur les grands impacts du roman) est de faire prendre au Didacte le chemin circulaire qui caractérise les grands classiques narratifs : le chemin de croix emprunté par le protagoniste au fil du livre a pour objectif de le mener vers la rédemption, en le faisant abandonner les fardeaux dont les événements (et les auteurs successifs) l’ont chargé depuis 2011. Cette quête sera bien moins intéressante pour le lecteur qui ne connaît que le Didacte de Halo 4, comparé au lecteur qui aura connu l’époque où il était écrit comme un personnage de tragédie.


C’est sur ce point qu’Epitaph laissera un goût amer dans la bouche des fans de longue date de la trilogie de Greg Bear, car son aspect cyclique met parfaitement en lumière à quel point le Didacte aura été mal traité par les auteurs de 343 Industries.

Un petit retour en arrière s’impose : le Didacte est un personnage introduit par le groupe de scénaristes de Bungie en charge des terminaux de Halo 3. Leur objectif était de donner aux Forerunners une histoire plus profonde, là où leur rôle dans le scénario principal était celui d’antique civilisation mystérieuse et inconnue. C’est cette ambition que 343 Industries poursuivirent lorsqu’ils reprirent les rênes de la saga, en embauchant le célèbre auteur Greg Bear pour écrire trois romans posant les fondations d’une nouvelle ère narrative pour les Forerunners, tout comme Karen Traviss fut placée en charge de poser de nouvelles fondations narratives pour les factions de la galaxie post-guerre dans sa Trilogie Kilo-5.

Comme souligné précédemment, Greg Bear a écrit la Trilogie Forerunner comme une tragédie dans un univers de High Science-Fiction. Sous sa plume, les Forerunners sont passés du statut de mystérieux architectes à celui d’empire galactique prêt à crouler sous le poids de sa propre arrogance, le genre d’orgueil nécessaire pour justifier la construction de structures capables d’annihiler toute vie dans plusieurs dizaines de milliers d’années-lumière à la ronde. Et comme dans toute bonne tragédie, chaque personnage est la source de sa propre chute. La vision grandiose qui sous-tend la Trilogie Forerunner n’est que l’un de ses meilleurs aspects, ses histoires nous présentant également un univers fascinant, fait de technologies et de superstructures qui dépassent l’imagination, et de personnages dont la façon de penser est si différente et étrange que des personnages humains sont nécessaires pour offrir au lecteur un point de vue plus terre-à-terre et familier.

Epitaph est le digne héritier de ces aspects, mais souligne par contraste la manière bien moins visionnaire dont le Didacte et les Forerunners ont été utilisés par 343 Industries dans le jeu Halo 4 et les comics Halo : Escalation. Dans le premier jeu Halo principal développé par le studio, le Didacte est un antagoniste dont la présence à l’écran est telle qu’on pourrait presque en oublier qu’il nous est présenté quasi-exclusivement comme un maniaque génocidaire dont les motivations sont grossièrement résumées en une cinématique et une poignée de terminaux qui éludent toute la complexité originale du personnage.

Dans leur recherche d’un antagoniste iconique (la même motivation qui mènera à la conception d’Atriox), 343 Industries en oublièrent d’en faire un antagoniste intéressant, limitant strictement leur ambition narrative aux romans. Un schéma identique s’est d’ailleurs reproduit avec Jul ‘Mdama, l’antagoniste introduit dans la Trilogie Kilo-5, tué sans fanfare dans le premier niveau de Halo 5 : Guardians après quatre ans à être sous-utilisé.

Halo : Escalation, dans son arc The Next 72 Hours, n’a pas fait mieux, réduisant le Didacte à un « méchant de la semaine » servant uniquement à être tué dans un final spectaculaire (et à gratifier les Spartans de la Black Team d’une fin hors-champ). Un schéma qu’on retrouve avec l’histoire de la Clé de Janus et des Archives absolues, amorcé dans le Spartan Ops de Halo 4 et conclu dans Escalation sans avoir rien proposé de narrativement intéressant ou ambitieux. Le fait que tous ces événements sont largement ignorés dans la construction de l’histoire d’Epitaph parle de lui-même quant à leur valeur narrative.


Lire Epitaph ressemble donc à un retour aux sources nostalgique pour le fan qui a plongé dans l’univers à l’époque de son ambitieuse expansion. On y retrouve un Didacte poussé à l’introspection par les autres personnages, ainsi que par une force universelle inexorable. On y découvre les surprenants impacts que le protagoniste a pu avoir sur les événements des jeux venus après lui, des scènes qui auraient pu n’être que du fan-service si elles n’avaient pas un intérêt pour le parcours moral et mental du Didacte. Si le rythme de lecture est imparfait pour les connaisseurs de l’univers qui devront relire de longues descriptions d’événements qu’ils connaissent déjà, les enjeux et l’action décrivent jusqu’à la fin un crescendo motivant.

Démontrant sa parfaite connaissance de l’œuvre de Greg Bear, Kelly Gay approfondit le personnage du Didacte en ajoutant de nouvelles histoires de son passé, et en créant rétroactivement de nouvelles scènes dans la fresque de la Trilogie Forerunner. Ultime illustration du thème de la passation qui anime cette histoire, Gay ambitionne même d’offrir un nouveau regard sur la Cortana de Halo 5 : Guardians et Halo Infinite via le prisme du Didacte, coiffant encore une fois 343 Industries au poteau. Seront cependant déçus ceux qui s’attendaient à une potentielle entrevue avec la suite de l’histoire de Halo, car Epitaph est une fenêtre sur le passé, et pas sur le futur encore incertain de la série (cela sera peut-être la prérogative du prochain roman, Halo : Empty Throne).


Conclusion

La passion de Kelly Gay pour l’univers de Halo et particulièrement le segment imaginé par feu Greg Bear est perceptible dans ce roman, autant par la quantité passionnante de détails sur l’histoire des Forerunners que dans les thèmes et les personnages qui y sont développés. Il s’agit probablement de la meilleure manière de raconter la fin du Didacte et faire honneur à ses origines.

Si il y a des aspects d’Epitaph qui ne conviendront pas à tous les fans, ils se trouveront dans des facettes spécifiques du livre : le Didacte méritait-il de connaître son final dans un roman ? Est-ce que la place que Bear et Gay ont donné au Manteau et au Domaine, deux concepts d’une extrême importance dans ce livre, est justifiée dans l’univers de Halo ? La relation entre les Forerunners et les humains, un socle du personnage du Didacte, n’est-elle pas qu’une facilité scénaristique ? Devrait-on même revenir à la source de toutes les critiques possibles et considérer que les terminaux de Halo 3 étaient une terrible erreur, pour avoir surcomplexifié les Forerunners ? Quel que soit votre opinion sur l’un ou l’autre de ces sujets, il y a de bonnes chances pour que vous trouviez malgré tout des aspects à aimer dans la Trilogie Forerunner et sa conclusion, Halo : Epitaph.

L’avis de Lunaramethyst :

  • Un retour aux sources pour les fans de la Trilogie Forerunner
  • Propose de vraies réflexions sur ses personnages et ses concepts
  • Une forte impression d’ultime damage control après des années d’erreurs de parcours de la part de 343 Industries

Quels personnages Forerunners voudriez-vous voir dans de prochaines histoires Halo ?

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