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[Reclaimers Studios] Les Guerriers de la Foi (réécriture)


Jack-115

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Avant-propos : ce post est une copie du dernier billet de mon blog situé à cette adresse : https://reclaimerstudio.wordpress.com/2015/05/31/fanstories-les-guerriers-de-la-foi/ . Pour lire mes prochaines créations dès leur parution, suivez mon activité sur Wordpress)

De toutes les fanstories que j’ai écrites sur Halo, celle qui eut le plus de succès fut incontestablement la saga du Guerrier de la Foi, qui mettait en scène les aventures d’un jeune guerrier sangheili nommé Irul Sulamee à travers plusieurs aventures dangereuses qui ont profondément changé le visage de l’Alliance covenante. Cette saga connu un total de six épisodes, cependant le dernier ne fut jamais terminé pour une raison assez gênante : à l’époque, j’essayais de faire coïncider mes créations personnelles avec l’histoire officielle de Halo, et comme ce sixième acte se déroulait durant la bataille de l’Arche forerunner il m’étais beaucoup trop difficile de créer la surprise sur des événements dont on connaissait déjà la fin.

Aujourd’hui, bien des années plus tard, la situation n’est plus la même : avec la création du projet Halo Evolved (voir sur cette page : https://reclaimerstudio.wordpress.com/reclaimers-studios/), j’ai désormais la possibilité d’écrire des fanstories qui ne suivent pas obligatoirement le déroulement de l’histoire officielle de Halo, ouvrant ainsi une infinité de possibilités scénaristiques passionnantes. C’est pourquoi voilà quelques temps, j’ai entrepris la réécriture de la saga du Guerrier de la Foi non seulement avec un style d’écriture beaucoup plus riche mais surtout en suivant de nouvelles règles qui amèneront sur un dénouement complètement différent de l’ancienne version. Pour l’instant, seule la première des trois parties qui constitueront le premier acte de cette réécriture est terminée… et cela représente déjà 72 pages sur une histoire qui en faisait auparavant 45. Ce sera donc une très grande fanstories qui marquera le début d’une nouvelle ère dans mes créations sur l’univers de Halo.

Afin de vous faciliter la lecture de cette oeuvre tout en la conservant dans la meilleure mise en page possible, je vous la propose en fichier pdf dont le lien de téléchargement se trouve ci-dessous.

Bonne lecture à tous !

Les Guerriers de la Foi acte 1 (Rencontre) : https://reclaimerstudio.files.wordpress.com/2015/05/les-guerriers-de-la-foi-acte-1-rencontre.pdf

Droits d’utilisations : vous pouvez recopier ce lien pour le poster sur d’autres sites, mais en aucun cas je n’autorise à héberger ce document en ligne ailleurs qu’ici. Si cette demande n’est pas respectée, je serai alors contraint de poster mes futurs écrits autrement.

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PARTIE 2 : LA GUERRE DES OMBRES

CHAPITRE ONZE : RENCONTRE

2246 heures, 23 septembre 2517 (Calendrier militaire), 18 ans avant les évènements précédents / localisation inconnue.

Jack fut brusquement réveillé par de puissantes secousses et ouvrit alors grand les yeux. Il se trouvait dans un grand compartiment en métal de couleur verte, de forme rectangulaire et faiblement éclairé par quelques lumières rouges discrètes. Il était assis dans un siège très inconfortable, principalement parce que celui-ci était plutôt conçu pour des adultes et non pas un enfant de six ans comme lui. D’autres enfants du même âge étaient également assis sur d’autres sièges identiques, alignées contre deux parois opposées de ce compartiment, et ils étaient eux aussi en train de se réveiller. Il y en avait facilement une dizaine. Un vrombissement permanent emplissait ses oreilles, et il avait étrangement froid, comme s’il venait de passer plusieurs heures dans un frigidaire.

Cherchant à comprendre ce qui lui arrivait, Jack fouilla dans ses souvenirs afin d’essayer de découvrir comment il avait atterrit là. Mais la dernière chose dont il se rappelait, c’était de s’être mis au lit à l’heure que ses parents lui avaient demandé, sans oublier de faire ses devoirs et sa toilette. Il s’était endormi de son sommeil habituel si profond... pour se réveiller ici, parmi ces autres enfants qu’il ne connaissait pas. On lui avait mit des chaussures trop serrées et d’autres vêtements, comme un genre d’uniforme qui paraissait gris sous l’éclairage écarlate de la pièce, et les autres gamins portaient exactement les mêmes. Mais il n’y avait pas que des enfants : deux adultes en uniformes de soldats étaient assis sur les sièges à l’une des extrémités du compartiment. Bizarrement, la seule porte de sortie visible se trouvait sur le mur opposé. Cependant, avant de pouvoir espérer quitter cet endroit, Jack devait d’abord trouver comment se libérer de l’étrange ceinture de sécurité qui le retenait à son siège. Il porta alors ses petites mains au dispositif à la recherche d’un bouton ou d’un verrou qui pourrait le libérer.

- C’est inutile, fit une voix à sa gauche. J’ai déjà essayé.

Jack se tourna pour voir qui lui avait parlé et découvrir le visage d’une petite fille étrangement calme malgré la situation. Son apparence était tout aussi étrange : sa peau très pâle faisait ressortir ses yeux aux pupilles rouges sombre qui ne témoignaient absolument aucune peur, ses lèvres figées dans une expression parfaitement neutre perturbante. Ses cheveux qui lui tombaient jusqu’au bas du cou étaient d’un blanc de neige qui renforçait encore plus son aspect curieux.

- Tu es sûre ? demanda Jack. On ne peut pas enlever ces trucs ?

- Je suis réveillée depuis plus d’une demi-heure, annonça l’enfant d’une voix détachée et froide. J’étais déjà consciente lorsque les soldats nous ont amené dans ce vaisseau. Ces ceintures sont impossibles à enlever sans la clé.

- On est dans un vaisseau ? Vraiment ?

- Oui.

Jack était impressionné par le calme dont faisait preuve cette fille alors qu’elle lui annonçait ces choses si terribles et si fantastiques à la fois. Il n’avait encore jamais été dans un vaisseau spatial, ni aucun autre engin qui aurait pu lui faire quitter le sol de son monde natal, Caladan. Est-ce que mes parents savent où je me trouve en ce moment ? se demanda-t-il intérieurement. Est-ce qu’ils vont bien ?

- Où est-ce qu’on va ? demanda-t-il craintivement.

- Je ne sais pas.

Alors qu’ils se réveillaient peu à peu, plusieurs des autres enfants se mirent à s’affoler, certains d’entre eux pleurant en posant des questions aux soldats qui restaient muets et immobiles comme des statues. Jack lui aussi avait peur, mais il ne voulait pas le montrer, pas devant cette fille. De plus, il ne voulait pas faire comme les autres. Les autres ne m’ont jamais rien apporté que de la souffrance et du mépris. Je n’ai pas besoin d’eux. Je n’ai besoin de personne… juste de mes parents.

- Tu as peur ? lui dit la fille en le regardant de ses yeux rouges inexpressifs.

- … oui.

- Alors pourquoi ne pleures-tu pas ? Les enfants pleurent quand ils ont peur.

- Je ne suis pas un enfant, répliqua-t-il comme il avait l’habitude de le faire quand on le comparait aux autres.

- Alors nous sommes deux. N’ai pas peur.

Et alors qu’elle prononçait ces mots, elle prit la main de Jack pour la serrer délicatement. Aussitôt, toutes les peurs du garçon s’évanouirent alors qu’il plongeait dans le regard serein de la petite fille.

- Je m’appelle Jack Foster, dit-il en souriant. Et toi ?

- Rei Hayashibara.

Soudain, il y eut une légère secousse et le vrombissement qui emplissait le vaisseau s’arrêta. Quelques instants plus tard, le mur sur lequel il n’y avait aucune porte s’abaissa lentement dans un bruit semblable à celui d’une vitre électrique, et Jack comprit qu’il s’agissait en fait de l'accès principal du vaisseau. Une lumière naturelle entra dans la soute, lui permettant ainsi de voir la couleur de l’uniforme qu’on lui avait enfilé durant son sommeil : vert kaki. L’instant d’après, les soldats assis à côté quittèrent leurs sièges et commencèrent à retirer les sécurités sur les ceintures qui retenaient les enfants.

- Ne quittez pas la navette avant qu’on vous l’ait dit, annonça l’un d’eux d’une voix autoritaire.

Jack ne se sentit pas beaucoup mieux lorsque le soldat lui retira sa ceinture. Rei, elle, ne quitta même pas son siège lorsqu’elle fut libérée de son entrave.

- OK les gosses ! dit l’adulte en uniforme lorsqu’il eut fini de tous les détacher. Vous pouvez sortir. Suivez-moi et ne vous écartez pas !

La remarque du soldat était plutôt inutile, car il n’y avait aucun absolument moyen de s’éloigner : deux rangées d’hommes en armes et armures formaient un couloir depuis l’accès du vaisseau jusqu’à la grande porte d’un bâtiment un peu plus loin. Ce véritable mur de soldats ne permettait aucune échappatoire, dominant les enfants de leur taille immense et les empêchait de voir clairement où ils se trouvaient. La seule chose que Jack parvenait à voir par-dessus leurs casques et les canons de leurs armes levées étaient le ciel bleu parsemé de nuage crémeux, et quelques oiseaux qui passaient par là. Il fait jour ? s'interrogea le garçon. Combien de temps ais-je dormi ? Et où sommes-nous ? Ce bleu ne ressemble pas à celui du ciel de Caladan...

Le bâtiment vers lequel les conduisait le militaire du vaisseau était sombre, froid et imposant. Même lorsqu’ils pénétrèrent à l’intérieur, cette impression ne disparut pas et tendait même à se renforcer au fur et à mesure qu’ils avançaient dans les couloirs vides de toute décoration. Alors qu’ils enchaînaient les intersections et les virages dans ce bâtiment, un autre groupe d’enfant les rejoignit, tous du même âge qu’eux et tous aussi apeurés. Combien y en a-t-il ? Que veulent-ils faire de nous ? Non... je ne dois pas avoir peur. Pas maintenant. Pas ici.

Ils aboutirent finalement au sommet d’un immense amphithéâtre constitué par des rangées de gradins gris ardoise concentriques et montés en escaliers descendant vers une petite estrade. Plusieurs spots de lumière convergeaient depuis le plafond vers cette estrade, illuminant un homme en uniforme noir et une dame en blouse blanche que Jack reconnu immédiatement. Et à en juger par les regards que lançaient les autres enfants dans sa direction, ils semblaient la connaître tous eux aussi. C'est elle... c'est l'amie de mon père... enfin, c'est ce qu'elle m'avait dit. Comment m'a-t-elle dit qu'elle s'appellait, déjà ? Katty ? ... Cateline ? ... Catherine ! C'est ça !

Jack l’avait rencontré sur Caladan, il y a quelques mois de cela. Elle l’avait approché alors qu’il patientait tranquillement dans la coure de l’école pendant la récréation, observant les autres enfants s'amuser de leurs manières vulgaires et puériles. Elle lui avait posé quelques questions sur lui, sur sa vie à l’école et sur ce qu’il aimait, puis elle était partie. Jack ne s’était pas attendu une seule seconde à ce que la prochaine fois qu’il la rencontrerait, ce serait dans de telles circonstances.

Plusieurs autres groupes d’enfants pénétrèrent dans l’amphithéâtre depuis trois autres portes, chacun menés par un homme en uniforme tenant un lon et fin baton métalique qui brillait d'une légère lueur électrique. Ils descendirent les escaliers entre les gradins et ont leur ordonna de prendre place en silence, une consigne qui ne fut pas toujours appliquée parfaitement et qui nécessita alors l'intervention des bâtons électriques. Au contact de ces derniers, les enfants touchés étaient projetés en arrière en s'agitant de manière incontrôlée, puis mettait quelques secondes à reprendre leurs esprits. Jack et Rei, eux, s’arrangèrent pour rester un peu à l’écart des autres enfants car ils ne voulaient pas se mêler à eux mais ne prirent pas le risque de continuer leur discussion, de peur de recevoir une décharge eux aussi. Et après un temps qui sembla durer une éternité, la dame en blanc prononça ces mots qui restèrent gravés à jamais dans les mémoires de ces enfants :

- En vertu du Code Naval 45812, vous êtes par la présente enrôlés dans le Projet Spécial du CSNU, nom de code SPARTAN-II.

Un grand silence envahit l'amphithéâtre alors que les enfants se regardaient avec des regards d'incompréhension, trop peu cultivés pour comprendre ce qu'on venait de leur dire et trop intimidés pour prononcer le moindre mot. Quelques-uns se levèrent pour essayer de partir mais furent vite remis à leur place par les soldats.

- Vous avez été rassemblés ici pour servir, continua la dame. Vous serez entraînés... et vous deviendrez ce que l'on peut obtenir de mieux de vous. Vous serez les protecteurs de la Terre et de toutes ses colonies.

A ces mots, le silence des enfants passa d'angoissé à intéressé, maintenant qu'on leur parlait avec des concepts plus à leur portée. Jack, lui, resta méfiant comme son père le lui avait appris : lorsque quelqu'un utilise de grands mots dire des choses positives, c'est qu'il y a un piège derrière. Cela ne se fit pas attendre, car très vite la dame annonça à son assistance :

- Vous allez avoir des difficultés à le comprendre, mais vous ne retournerez pas chez vos parents.

Immédiatement, il y eut une grande vague d'agitation accompagné d'un brouaha de voix aigues et plaintives. Jack, lui, réagit par un simple soupire en fermant les yeux, comme Rei et plusieurs autres enfants à travers la salle qui s'était attendus au même genre de très mauvaise surprise. Autour de lui, il entendait des questions stupides démontrant un déni de ce qui arrivait, beaucoup d'enfant croyant que cette condition n'était que temporaire. Ils sont naïfs. Peut-être pas tous, mais c'est déjà trop. Nous avons besoin d'être prêts pour ce que ces gens veulent nous faire, et pour ça il va falloir être beaucoup plus forts.

- Cet endroit va devenir votre nouvelle maison, continua la dénomée Catherine d'une voix un peu plus douce. Vos camarades seront votre nouvelle famille. Il y aura beaucoup d'épreuves difficiles sur votre route, mais je sais que vous les surmontrez. Reposez-vous pour le moment. Votre entraînement débute demain.

A ces mots, les soldats ordonnèrent à tout le monde de quitter la salle, faisant sortir les enfants en rangs pour les conduire jusqu'à un autre bâtiment non loin. Sur le chemin, Jack put observer un peu mieux le décor autour d'eux et réalisa que le complexe dans lequel ils se trouvaient tous était clairement d'appartenance militaire, au milieu d'une forêt située au pied d'immenses montagnes enneigées dont il ne reconnut absolument pas les silhouettes. Plus il rassemblait d'information sur cet endroit et plus il comprenait que cette planète n'était pas celle où il avait grandit, ce qui voulait dire que tous ceux qu'il connaissait se trouvaient loin... très loin. Sauf Catherine, mais je n'ai plus envie de lui faire confiance. Elle est avec les méchants soldats. Et est-ce qu'elle a dit à papa où je suis ?

Parmi les soldats qui conduisaient les enfants à travers le complexe, il y en avait un qui sortait du lot et semblait commander les autres. Il était nettement plus grand et plus fort, le visage glabre impéccable, les cheveux très courts de couleur noir émaillé d'une nuance de gris au niveau des tempes, mais surtout un regard d'une dureté immense. Contrairement aux autres, il ne portait aucune matraque à la ceinture, cependant son imposante stature suffisait à intimider quiconque posait les yeux sur lui. Au fur et à mesure qu’il guidait le groupe, Jack se demanda au moins quatre fois si le prochain bâtiment était celui où ils allaient s’arrêter, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun bâtiment en vue. Ils étaient à présent sur un chemin de terre en pleine forêt, au sol couvert de fougères étranges entre lesquelles s’élevaient des arbres dont les troncs énormes suintaient par endroit d’une substance visqueuse et rougeâtre, comme s’ils saignaient. Des multitudes d’odeurs et de bruits inconnus se mettaient subitement à les opresser de tous côtés, leur donnant l’impression de se trouver à des lieux de tout signe de civilisation alors qu’ils n’avaient probablement parcouru que quelques centaines de mètres depuis la fin du complexe. Des voix d’enfants s’élevèrent par moment pour interroger les soldats, qui répliquaient d’abord en ordonnant le silence, puis par une décharge électrique de leur bâton en cas d’insistance. Ils marchèrent ainsi pendant un long moment au point de perdre toute notion de distance, plusieurs candidats se mettant même à penser que tout ce qu’on leur avait dit était faux et que l’on comptait les abandonner au milieu de nulle part. Pourtant personne n’osa quitter les rangs.

Au bout de ce qui sembla être une journée entière pour Jack, ils arrivèrent finalement dans une petite clairière où plusieurs tentes militaires de diverses tailles avaient été montées, protégé par de nombreux autres soldats armés des mêmes bâtons à décharge. Ce n’est que là qu’ils purent revoir le ciel pour s’apercevoir que la journée était en train de se finir, le soleil ayant déjà disparu depuis longtemps derrière les montagnes qui étaient encore plus proches, plus impressionnantes. On dirigea les enfants vers l’une des plus grandes tentes à l’intérieur pour les faire attendre sur le seuil, ne les faisant entrer qu’un à la fois dans l’ordre de leur arrivée. N’étant pas très doué pour faire comme les autres, Jack se trouvait vers l’arrière du groupe et patienta donc assez longtemps que cela soit son tour, Rei à ses côtés qui ne disait pas un mot ni n’affichait la moindre émotion. Il pensa longtemps à lui parler, si longtemps que ce fut son tour avant qu’il ne puisse se décider et on le fit entrer dans la tente où étaient alignés des dizaines de couchettes posées à même le sol. A sa gauche se trouvait une table dernière laquelle un soldat l’examina durant quelques secondes, avant de lui tendre une petite pile de vêtements couleur kaki en disant :

- Installe-toi sur le lit qui porte le même numéro.

- Que… qu’est-ce que…

- Dépêche-toi de prendre ça, recrue. Tu n’es pas tout seul.

Le garçon finit par prendre à bout de bras le paquet de tissu pour se rendre compte qu’une étiquette avait été posée dessus avec le numéro 115. Imitant ses camarades d’infortune, il s’avança parmi les rangées de paillasses qui elles aussi étaient numéroté, cherchant à analyser leur ordre de rangement afin de trouver celle qui lui correspondait. De toute sa vie, Jack n’avait jamais dormi ailleurs que dans un lit standard de la culture occidentale moderne, et l’idée de se coucher sur l’herbe fraîche parmi les insects et autres bestioles ne lui plaisait pas du tout. Au bas de chaque lit se trouvait un petit coffret métalique tout en longueur où les autres candidats arrivés avant lui rangeaient leurs affaires, et il les imita rapidement tandis que son estomac se mettait à grogner pire encore que le chien sa tante Valérie. En plus de lui donner faim, la marche lui avait également engourdi les jambes et il transpirait abondemment, comme tous les autres enfants autour de lui. Jamais il n’avait autant senti l’odeur de la sueur, lui qui faisait toujours tellement attention à son apparence. Qu’est-ce qu’ils veulent de nous ? se demanda-t-il alors qu’il identifiait la nature des différents vêtements qu’on lui avait donnés. Les enfants ne font pas la guerre, sauf lorsqu’ils font semblant pour jouer, et les soldats ne veulent pas jouer avec nous.

- Tu es à côté de moi ? fit la voix de Rei derrière lui.

En se retournant, Jack vit la petite fille qui s’approchait du lit à gauche du sien en tenant sa propre pile de vêtement, sur laquelle il entraperçut le chiffre 114. Bien trop bouleversé par ces brusques changements, tout ce qu’il trouva à répondre fut :

- Oui. C’est de la chance, non ?

- Peut-être.

Lorsque tous les enfants eurent leur place attribuée, un groupe d’adultes en uniformes noirs passèrent dans les rangées pour leur distribuer de petites barrettes orange semi-translucides enrobées dans du plastiques : des rations énergétiques. Trois grands réservoirs d’eau fraîche furent placés non loin de l’entrée avant d’être submergé par des dizaines de candidats assoifés, puis on ordonna à tout le monde d’aller se coucher sans tarder. Nous ne sommes pas enfermés, mais nous sommes quand même en prison. Ils ne nous ont pas demandé si on voulait venir ici. Catherine non plus. Depuis le début, nous n’avons reçu aucun choix, seulement des ordres. Cela veut dire que pour l’instant, nous ne pouvons compter que sur nous-même…

Ces pensées continuèrent de tourner en rond dans la tête de Jack pendant longtemps, très longtemps. Quoi qu’il fasse, il ne parvenait pas à s’endormir. Il n’avait jamais passé la nuit en extérieur, encore moins à même le sol parmis les herbes pleines d’insects et les couilloux. Il sentait perler sur lui la sueur accumulée pendant leur longue marche, ce qui le rendait extrêmement inconfortable. Sa couverture le grattait comme si elle était recouverte de paille, et son oreiller était aussi dur que le sol, lui donnant l’impression d’être allongé au pied d’une petite bute. De plus, il ne se sentait absolument pas fatigué du tout. Quelle que soit la position dans laquelle il se mettait, rien à faire, le sommeil ne venait pas. Les pensées et les questions fusaient de partout dans son esprit à propos de ses parents, des soldats, de Rei, de Catherine et du programme dont elle leur avait parlé. Jack n’avait pas compris tout ce qu’elle avait dit, mais il savait au moins ceci : sa vie allait être très différente à partir de cet instant. Celle de Rei aussi. Celle de tous ces autres enfants... Qu'avons-nous fait pour mériter ça ?

Une heure s’écoula avant qu’il n’abandonne définitivement l’idée de s’endormir. Autour de lui, les autres enfants dormaient tous d’un sommeil profond, aussi tranquille que s’ils se trouvaient chez eux et que les évènements de la veille ne s’étaient jamais déroulés. Plusieurs d’entre eux ronflaient avec des intensités variables, sans que cela gêne pour autant leurs voisins, alors que Jack était quasi certain qu’aucun d’entre eux n’avait vécu une situation ne serait-ce qu’à moitié similaire. La fatigue doit certainement beaucoup les aider…

- Tu n’arrives pas à dormir non plus ? fit la voix de Rei à côté de lui.

La petite fille était immobile dans son lit, droite comme un piquet, ses yeux rouges grand ouverts fixés vers un point du plafond. Elle avait les bras posés par-dessus sa couverture dans l’axe du corps, ce qui donnait à Jack l’impression d’une morte dans son cercueil.

- Non, répondit-il doucement, de peur que les soldats ne l’entendent. Et toi ?

- Ne t'inquiète pas. C’est normal de ne pas vouloir dormir après être passé dans le frigo.

- Le frigo ? répéta Jack.

- C’est comme ça que les adultes appellent le tube dans lequel on te met pendant les très longs voyages dans l’espace. Ça force ta vie à ralentir, donc c’est un peu comme dormir car ton corps ne fait rien pendant longtemps.

- Mais les autres ? Pourquoi est-ce qu’ils dorment quand même ?

- Parce qu’ils ne sont pas habitués au frigo. Ça doit être la première fois pour eux. Dès la deuxième, ton corps sait qu’il est reposé après ça. Donc comme moi, tu as déjà été placé dans le frigo, même si tu ne t’en souviens peut-être pas.

Le garçon était impressionné par les connaissances de Rei, qui était incontestablement l’enfant la plus intelligente et la plus mature qu’il ais jamais rencontrée. Cependant il y avait quelque chose en elle qui le mettait mal à l’aise : son regard vide, son visage inexpressif, et la façon détachée avec laquelle elle parlait lui donnaient l'allure d’un fantôme ou d’un robot. Jack avait eut l’occasion de voir des visages d’Intelligence Artificielles basiques lors de certains de ses cours à l’école, et quelque part, Rei lui rappelait ces entités informatiques.

- Tu te sens bien ? demanda la fille en tournant subitement le regard vers lui.

- … Oui. C’est juste que… tu es si différente des autres enfants que je connais.

- C’est normal : quand on rencontre de gros problèmes, on doit grandir à l’intérieur pour survivre. A ce que je vois, toi aussi tu dois avoir eu des problèmes, non ?

Jack ne répondit pas, laissant le silence répondre à sa place. Toutefois, il se doutait bien que sa petite vie difficile d’enfant solitaire n’était probablement rien à côté des « problèmes » que Rei avait dû rencontrer, et il redoutait que cela puisse les séparer. Pour la première fois de sa vie, dans un moment aussi difficile, il avait rencontré quelqu’un de son âge qui lui ressemblait au point qu'il aurait voulu la connaître mieux. Cela valait-il la peine de risquer cette relation encore fragile que de poser une question sur son passé ?

Soudain, Jack entendit du bruit dans le couloir qui menait au dortoir. Avec précipitation, il se remit dans son lit. Quelques instants après, la porte du couloir s’ouvrit lentement et un homme entra dans la pièce, pointa le faisceau d’une lampe torche sur les têtes de quelques lits, puis repartit. Jack n’eut pas le courage de sortir de son lit à nouveau. Il tourna cependant la tête vers Rei... qui n’avait pas cessé de le fixer des yeux. Avant qu’il puisse dire quoi que ce soit, elle prononça de sa voix froide :

- Je n’ai jamais eu d’amis. Et toi ?

- … Non.

- Tu veux être mon ami ?

Même dans la pénombre qui régnait dans le dortoir, l'expression de surprise sur le visage de Jack devait être parfaitement visible tellement elle fut grande. Personne ne lui avait jamais fait une telle proposition, et même quelqu'un d'aussi inexpérimenté que lui savait que ce genre de relation n'allait pas aussi vite en général. Il voulait parler encore avec Rei d’abord, savoir d’où elle venait, ce qu’elle aimait, qui étaient ses parents… mais les choses allaient si vite, il avait si peu d’expérience en ce qui concernait les amis et il se sentait tellement perdu ici que le seul mot qu’il parvint à prononcer fut :

- … Oui.

Rei porta alors la main gauche à sa bouche et en mordit la paume de toutes ses forces, entre le pouce et l’index, jusqu’à la faire saigner. Puis, tout en restant allongée dans son lit, elle tendit cette main ensanglantée à Jack en disant :

- Fais pareil et prend ma main. Ce sera une promesse sur le sang.

- Pourquoi le sang ?

- Parce qu’en mêlant nos sangs, nous lions nos vies ensembles. Nous deviendrons amis pour la vie. Ce n’est pas ce que tu veux ?

Jack ne prit qu’une seule seconde de réflexion. Puis il mordit la paume de sa main droite si fort qu’il eut l’impression de la dévorer. Sa peau avait un goût salé et lui donnait l’impression de mordre un steak pas assez cuit qui refusait de se laisser couper. La douleur qu’il ressentait était grande, mais il la supporta en silence, fermant les yeux pour penser à autre chose et éloigner son esprit de cet instant. Il ne voulait pas paraître faible devant Rei qui avait enduré cette même souffrance sans broncher, ni attirer l’attention du garde en criant. Le goût ferreux du sang dans sa bouche lui indiqua qu’il avait réussi et il relâcha l’emprise de sa mâchoire.

Dans la demi obscurité qui emplissait la pièce, il ne pouvait voir clairement sa blessure, mais il la sentait jusqu’au plus profond de lui. Il la ressentit encore plus intensément lorsqu’il tendit sa main et serra celle de Rei, laissant leur sang se mêler librement comme l’eau de deux grandes rivières qui se rejoignent pour former un fleuve.

- Amis, dit-il.

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